Chapitre 29

1.4K 126 39
                                    

- Tu devrais rapidement rejoindre ton équipage. Tu veux bien me faire une promesse ? Ne meurs pas.

Sa main me poussa vers l'avant. Prise de court, je me rattrapai de justesse et continuai sur ma lancée. Je courus droit devant sans m'arrêter, aussi vite que me le permettaient mes blessures.
J'entendis des bruits de lutte résonner derrière moi. Je serrai les dents, faisant de mon mieux pour résister à la tentation de m'arrêter et de me retourner malgré mon inquiétude grandissante.
Je ne commandais plus mes jambes, et faillis de nombreuses fois trébucher. Ce fût une alerte pour ma conscience. Il n'y avait pas de temps à perdre, je n'avais pas le loisir de m'inquiéter si je tenais à la vie. Comme mon père me l'avait ordonné, je ne me retournai pas et avançai aussi vite que je pouvais. Ma blessure à la poitrine ne me causait plus aucune douleur, sûrement grâce à la glace qui la recouvrait, mais plus j'avançai vers le Red Force, plus le sang coulait de ma gorge, de ma tête, de mon visage. Mon coeur battait dans mon crâne, je sentais les gouttes de sueur perler ma peau, accentuant la douleur de mes plaies ouvertes. Mes forces me quittaient. Plus j'avançai, plus j'avais du mal à rester consciente, à rester debout.

- ... Isis ?!

Je distinguai mes nakamas à quelques mètres de moi. Un sentiment de soulagement m'étreignit et un sourire se dessina sur mes lèvres. Je voulus accélerer ma course, mais une douleur éclair me traversa. Ce fût celle de trop. Mes jambes oscillèrent, je basculai vers l'avant et je serai sûrement tombée si Rockstar ne m'avait pas rattrapé à temps. Il passa mon bras autour de son cou et m'aida à marcher. Lentement mais sûrement, nous progressions vers notre navire.

- Qui a fait ça ?!
- Elle est gelée, littéralement !
- Aokiji s'en serait pris à sa propre fille ?!
- On lui a tranché la gorge !
- Regardez son visage...

L'équipage criait ou chuchotait sur mon passage, alors que Rockstar m'hissait à bord. Je voyais leurs regards inquiets. Beckmann avait lâché sa cigarette et restait bouche bée, les yeux écarquillés de surprise et de colère, réaction qui paraissait minime face à celle de Shanks. Le Roux contenait un rictus de rage, et ses yeux, d'ordinaire si pétillants, étaient empreints d'une fureur sans nom. Il avait violemment empoigné son sabre et avançait vers la terre ferme. Il ne m'en fallut pas plus pour comprendre.
Alors qu'il passait à côté de moi, je levai la main et lui attrapai le bras. Il tourna la tête et plongea ses yeux dans les miens. Ce regard perçant et destructeur fût affreux à supporter, mais je tâchai de le soutenir en le suppliant de mon œil valide. Si Shanks attaquait en voulant me venger, il relancerait les hostilités et la guerre reprendrait. Cela signifierait encore des blessés, des morts, et de graves impacts inutiles. Ma vie ne valait pas un tel massacre.
Mes dernières forces me quittèrent petit à petit. Mes doigts tremblants froissèrent la manche de mon capitaine avant de flancher. Son regard s'adoucit immédiatement, il lâcha son sabre.

- Rockstar, emmène-la. Beckmann...
- Je sais, je vais le chercher !

J'eus un léger sourire de reconnaissance. Je fermai les yeux, m'en remettant totalement à Rockstar qui me conduisit et m'allongea. Je sentis qu'on assénait de petits coups dans la glace recouvrant le haut de mon corps. J'ouvris la bouche en voulant pousser un gémissement de souffrance, mais rien ne sortit. La douleur à ma poitrine se relança au moment où la glace fut brisée, je me mordis violemment la lèvre inférieure à défaut de pouvoir hurler. Je me sentis encore plus faible. Comme si on me vidait lentement de mon sang. Ma tête pencha sur le côté malgré moi, une torpeur m'envahit, m'empêchant de bouger. Des bourdonnements s'installèrent dans mes oreilles, c'était à peine si je pouvais entendre.

- Même si la glace a ralentit le processus, je ne garantis pas sa survie...
- Dis pas de conneries ! Fais de ton mieux, le temps qu'il arrive.

Je gardais les yeux fermés, me concentrant sur ma respiration qui au fil des secondes devenait de plus en plus difficile à exercer. On déposa un linge mouillé sur le côté gauche de mon visage, et un autre sur ma gorge. Une main vint prendre la mienne et la serrait doucement, tandis qu'on administrait des soins. Notre médecin de bord recousut ma plaie poignardée. Je ne ressentai même pas la douleur, seulement l'écoulement de sang hors de mon corps qui continuait. Mon corps s'était raidit, comme prêt à mourir, alors que mon esprit était en alerte et tentait de lutter pour rester en vie. La main tenant la mienne resserra son étreinte, mais elle tremblait.

- Yo ! On m'a appelé ?
- Je sais que ce n'est pas le bon moment, mais je t'en supplie. On a fait de notre mieux, mais c'est pas suffisant. Si tu ne fais rien, elle mourra.
- Je m'en charge.

Cette voix inconnue me ramena un bref instant à la réalité. Je réussis à entrouvrir mon œil droit, et bien que ma vue soit voilée, je distinguai quelqu'un. Ce nouveau venu avait un visage ovale et une touffe de cheveux au sommet du crâne. Il ne me disait rien, je ne croyais pas le connaître. En voyant que je le fixai, l'inconnu me sourit et se rapprocha.

- Je m'appelle Marco. Je ne peux pas te garantir que tu seras comme avant, mais je te promets qu'aujourd'hui tu ne perdras ni ton œil, ni ta voix, ni ta vie.

Il s'assit sur le bord de mon lit et retira doucement les chiffons humides. Il approcha sa main de mon œil, mon corps réagit à mon insu. J'eus un mouvement de recul et un spasme, je crus entendre une fraction de seconde le rire de Doflamingo. La main qui tenait la mienne exerça une pression. Mon œil se remplit de larmes, puis se ferma, je ne voulais pas voir ce que le dénommé Marco allait faire.

Après quelques secondes, toutes mes douleurs, celles de mon œil, de ma tête, de ma gorge et de ma poitrine s'évanouirent. Je sentis le sang affluer petit à petit dans mon corps, et non à l'extérieur, la torpeur s'était évanouie. J'eus une profonde inspiration limpide, et mon corps retrouva un semblant d'effluve. On lava mes plaies, puis on les banda. Je rouvris mon œil valide, sans aucune difficulté cette fois-ci, et je vis Marco me souriant, tout en s'essuyant les mains avec un linge.

- C'est fini. Tu peux te reposer.

Je répondis à son sourire. Je ne savais pas qui il était, mais sans lui, je serai morte. Un sentiment de délivrance m'envahit. C'était fini. J'étais en sécurité, loin de ce pirate cruel. Et j'allais vivre. Je refermai les yeux, ma main serra doucement celle qui la tenait. Avant de sombrer, je parvins à murmurer un merci.

Une Question de Justice [One Piece]Where stories live. Discover now