Chapitre 66

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C’était comme si mon cœur allait exploser dans ma poitrine. Plusieurs frissons parcoururent mon corps tremblant. Mes lèvres s’entrouvrirent et laissèrent échapper un gémissement de souffrance alors que j’éclatai en sanglots.

Ma tête bascula vers l’avant, laissant mes larmes s’écraser contre le sol de pierre. Je ne contrôlais plus mon corps, et si je ne tombais pas face contre terre, c’était seulement parce que les chaînes me retenaient au mur. Mon esprit était fendu en deux. Je revoyais le visage de Gyn, les yeux écarquillés de surprise, perdant peu à peu son souffle de vie. Mes sanglots redoublèrent, je serrai les dents de toutes mes forces, m’en donnant mal à la mâchoire. J’aurai tant voulu nier, mais au fond de moi, je savais qu’il s’agissait de la vérité. J’ai tué ma mère. J’ai le sang de ma génitrice sur les mains, sans le savoir, sans en avoir conscience au moment de la tuer.
Des spasmes me secouaient de plus en plus violemment. Tout ce que j’arrivais à faire était de pleurer et de ressentir la douleur comme si elle était physique, et entendre cette voix, sa voix, plus que jamais désagréable à mon oreille :

- J’ai toujours été contre l’optimisme de Kuzan. Tu as beau être sa fille, tu es aussi celle d’une pirate aguerrie. Un jour ou l’autre, tu serais devenue comme ta mère. Ton père n’y songeait pas un seul instant, il ignorait mes avertissements. Et pourtant, c’est ce qui s’est passé.

Je secouai la tête, comme pour chasser les paroles du marine. Je ne voulais pas en entendre davantage. Ça ne lui suffisait pas de me voir souffrir, il en voulait encore plus ?

J’entendis un bruissement, puis un bruit lourd. Il s’était levé et s’était rapproché. Dans mon champ de vision flou, j’arrivais à voir son genou posé à terre et sa voix, plus proche de mon oreille, était plus distincte :

- Et après toi, ce fût Kuzan. Voilà le résultat à fréquenter des pirates.
- La ferme…
- Si ça peut t’apporter un quelconque réconfort, sache que le monde n’a pas été mis au courant de ta capture. Tu seras la seule à mourir, sans être la cause de la mort de ton cher capitaine.

Je serrai les poings et relevai la tête. Une colère profonde avait comme camouflé ma douleur. J’avais beau être bouleversée, ce n’était pas pour autant que j’avais perdu tout discernement, et je voyais net dans son jeu. Lui, le grand stratège, le manipulateur, n’avait eu aucune scrupule à tenter de profiter de ma douleur pour me soutirer des informations, en espérant que je sois assez brisée pour me laisser guider par mes émotions. Je fronçai les sourcils. J’avais tué ma mère et j’allais être exécutée, je n’avais plus rien à perdre, plus rien. Je fusillai mon interlocuteur du regard en me redressant, regagnant autant de fierté que je le pouvais.

- Tu me crois franchement assez stupide pour foncer tête baissée dans la gueule du loup ? Je te dirai rien sur mon capitaine ou mes nakamas, je leur suis aussi fidèle que toi tu es fidèle à ta Justice. Frappe-moi ou tue-moi, je cracherai pas le morceau. Va crever.

Emportée par ma colère, je ponctuais ma déclaration en lui crachant au visage. Je savais que je risquais de regretter ce geste, mais je ne redoutais plus rien, même pas lui, même pas l'échafaud. Si il disait bien vrai, si ma mère était bien Gyn et que son histoire était réelle, elle avait eu le cran de lui résister jusqu’au bout, sans flancher. Et c’est exactement ce que je comptais faire.

Lentement, presque au ralenti, le marine passa sa main sur son visage et essuya le crachat. Ses yeux firent un aller-retour entre sa main et mon visage. Sa mâchoire se contracta et l’instant qui suivit, ma tête heurta la pierre et ma gorge se serra brusquement. Sakazuki m’avait attrapé par la gorge et me la serrait au point de m’étrangler.

Alors que j’haletai, luttant pour respirer, je continuai de le fixer droit dans les yeux. Il était totalement fou de rage.

- Je crois avoir été assez patient avec toi.

Il n’avait même pas desserré la mâchoire pour prononcer ces mots. Un doute m’envahit. Il était à présent l’amiral-en-chef, si il le souhaitait, il pourrait en finir avec moi ici et maintenant.
Plusieurs brûlures fulgurantes me frappèrent la gorge et la poitrine. Je serrai les dents, réprimant un couinement de douleur. Il était donc furieux au point de laisser couler des gouttes de magma sans vraiment en avoir conscience, mais je ne lui ferai pas le plaisir de me tordre de douleur. Bien au contraire.
Je pris soin d’articuler mes mots en prenant le ton le plus insolent possible.

- Lâche-moi immédiatement, Saké.

Je soutins son regard de braise, les sourcils froncés. Un éclair surpris et confus traversa soudainement ses yeux, mais cela ne dura qu’une seconde. Son visage se rétracta presque immédiatement, et il susurra entre ses dents :

- Je connais ce regard.

Il me lâcha brusquement et si violemment que je re-basculai en avant. Je repris mon souffle, tandis qu’il se levait et s’avançait vers l’entrée de ma cellule.

- Tu peux remercier Smoker. Grâce à lui, tu as cinq jours pour te remettre de tes blessures. Puis, tu mourras.

Je relevai les yeux vers lui et le fixai sans ajouter un mot. Lorsqu’il referma la porte, il me regarda droit dans les yeux.

- Profites bien du temps qu’il te reste, Akoya D. Isiris.

Une Question de Justice [One Piece]Where stories live. Discover now