Une Question de Justice [One Piece]

Chapitre 106

- Sabo? 
- Sabo ! Arrête ! 

Je regardai avec incompréhension le jeune homme se déchaîner sur les roches de la grotte souterraine dans laquelle nous étions, avant de m'élancer vers lui. D'un geste souple, je positionnais ma main sur son poignet, de sorte à le couper dans son élan de rage. Brusquement stoppé, il tourna son visage vers moi, me lançant un regard consumé par une colère sourde. Je le soutins calmement, sans ajouter un mot. Son visage se décomposa, il serra les dents et fronça les sourcils en tremblant légèrement, avant de finalement se dégager de ma prise. 

Je ne l'avais jamais vu ainsi jusque là. Lui qui était d'habitude d'un sang-froid redoutable, un simple tour à la surface avait suffit à lui faire voir rouge. Je n'en étais pas étonnée. Tout et n'importe quoi qui se trouvait à quelques mètres au-dessus de nos têtes pouvait répugner l'œil le plus pur, car les pires êtres humains au monde s'y trouvaient : Les Dragons Célestes. 

Alors que Sabo faisait volte-face, tournant le dos aux décombres qu'il avait engendré, je levais brièvement la tête vers le haut, en formulant dans mes pensées l'espoir que personne n'ait entendu le vacarme, bien que les Dragons Célestes soient sûrement trop imbus d'eux-mêmes pour ne serait-ce qu'avoir l'inquiétude d'une possible intrusion. 

- Casse pas tout, Sabo… c'est tellement violent, les garçons. 

Je baissai la tête au moment où j'entendis retentir la voix de Morley, le commandant révolutionnaire de l'armée de l'Ouest. La taille assise de ce géant était presque au même niveau que la hauteur de notre grotte, qu'il avait lui-même construite grâce au pouvoir de son fruit du Démon. À ses côtés, autour d'une table improvisée, se trouvait Karasu, le seul commandant que je connaissais jusqu'ici, et Lindberg, un Mink commandant l'armée du sud. Tous les trois avaient les yeux fixés sur leur compagnon, alors que ce dernier laissa libre cours à sa fureur en criant :

- Comment tu veux que je reste calme ? Tu as vu ce qu'ils ont fait à notre compagnon ? Kuma, lui qui était si gentil ! 

Je fronça les sourcils. Kuma, le grand corsaire, celui qui avait servi de premier sujet pour la création des Pacifista, semblait être apprécié de Sabo, et à la façon dont les commandants tentaient de calmer ce dernier, je me doutais que Kuma devait ou avait dû faire partie de l'armée révolutionnaire. 

En suivant la conversation plutôt enflammée des révolutionnaires, j'appris que Kuma, autrefois craint de nombreuses personnes, était devenu un esclave des Dragons Célestes. Cette nouvelle me fit serrer le poing et je dus jouer de mon sang froid pour ne pas l'abattre contre un mur comme mon petit-ami auparavant. 

Je n'arrivais pas à y croire. Ainsi, même ceux qui se courbaient totalement face au Gouvernement Mondial n'étaient pas à l'abri d'un destin funeste. 

- Ces gens… ils n'ont aucun respect pour personne et ne se soucient que d'eux-mêmes… Et c'est ça, ce sont des raclures pareilles qui sont censées nous gouverner ?! Rendre la Justice, protéger les populations ?! 

Prise de rage, je m'avançai d'un pas rapide vers la table, afin d'y abattre mon poing toujours serré. Le monde me paraissait de moins en moins porteur d'espoir, à cause de ça, de ces créatures qui se prenaient pour des dieux. Dire que c'était eux, qui tiraient dans l'ombre les ficelles de la Marine… À cette simple pensée, je fus prise d'un haut-le-cœur. Aucun bien ni aucune justice ne pouvait venir de cette force armée tant qu'il y aura ce genre de personnes au pouvoir. Je rêvais du jour où ils seront renversés, où ils ne pourront plus fuir et devront rendre des comptes à tous ceux qu'ils avaient fait souffrir. Mais ce n'était pas mon rôle de les précipiter dans cette chute, du moins pas pour l'instant. 

Je relevai la tête. Autour de moi, les commandants et le chef d'état major me fixaient avec un mélange de surprise et d'approbation auquel je ne prêtai pas attention. Je les regardai à tour de rôle, avant de plonger mon regard dans celui de Sabo, tout en déclarant d'un ton ferme :

- Je ne peux pas les laisser une seconde de plus ici. 

Mes amis avaient assez souffert comme ça, et ce qui m'effrayait, c'était qu'ils étaient sur cette terre maudite depuis bien plus longtemps que Kuma. Je réprimai un frisson à cette pensée. Pourvu qu'ils ne soient pas… 

Je fermai brièvement les yeux avec force. Non. Je refusai d'y penser. Ils ne pouvaient qu'être ici, en vie, et il était de mon devoir de les sortir d'ici. 

- Je dois y aller. 

À mes paroles, Sabo hocha la tête, le visage fermé sous le coup de la réflexion. Il fit volte-face vers Morley et se rapprocha de lui. 

- Dépose-la dans une ruelle déserte. 

Le commandant hocha la tête. Sabo se retourna alors vers moi, et, avec un sourire, il me fit signe de venir. Je suivis ses indications. Après avoir jeté un coup d'œil au géant, je pris brièvement la main de Sabo. Il sut immédiatement quoi faire. Nos visages se rapprochèrent et nous échangeâmes un court mais intense baiser. 

- Fais attention à toi. 
- J'te retourne ton conseil. 

J'offris un clin d'œil au révolutionnaire, qui, amoureux, ne put s'empêcher de sourire en rougissant. Un éclat de rire m'échappa.

- T'es adorable comme ça. À plus tard. 

Je me détournai de mon petit ami pour faire face à Morley. Ce dernier avança son énorme main et m'attrapa doucement, faisant attention à ne pas me blesser en me serrant trop. J'étais totalement à l'intérieur de son poing. Il faisait trop noir pour que je puisse voir quoi que ce soit, mais j'entendis des voix chuchoter entre elles, comme si elles ne voulaient pas être entendues. Je fronçai les sourcils, mais je n'eus pas le temps de m'attarder dessus que déjà, je me sentis, à l'intérieur du poing, entraînée vers l'avant. 

J'inspirai profondément. Je n'avais pas le temps de m'attarder sur ces quelques messes basses. Bientôt, j'allais me retrouver à l'air libre, sur la terre des Dragons Célestes. Et là-bas, je n'avais pas le droit à l'erreur.