Chapitre 57

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Je me redressai avec difficulté en m’appuyant sur ma main indemne. Une quinte de toux me secoua. Vergo… Vergo. Je repensai à cette fois où je l’avais affronté, il y a deux ans. Il m’avait maîtrisé mais j’avais réussi à prendre le dessus grâce à un manque d’attention soudain de sa part et une blessure qu’il s’était tout à coup faite… Maintenant que j’y pensai, son bras blessé avait été recouvert de sang, comme s'il avait explosé de l’intérieur, un peu comme les blessures que m’avaient causé les perles dans mon organisme. Je levai la tête vers Gyn en écarquillant les yeux, commençant à comprendre. Soit j’avais une belle imagination, soit je voyais dans le vrai, c’était impossible autrement. 

Entre deux halètements dû au sang coulant de ma bouche, je bafouillai aussi fièrement que je le pouvais.

- Vergo… Il y a deux ans. C’était toi.

Kuroshinju sembla se raidir. Ses traits s’affaissèrent, rendant son visage plus sérieux. Elle n’ajouta pas un mot. Elle n’affirma pas mais ne démentit pas non plus. Un éclair de surprise me frappant, je poursuivis dans ma prise de parole.

- Pourquoi ? Pourquoi est-ce que tu m’as sauvé de lui ?
- N’exagère pas, je t’ai juste donné un coup de main. J’avais mes raisons.

Son attitude s’était considérablement durcie, elle était sur la défensive. Je secouai la tête et chassai mon étonnement de mes pensées.

Autour de nous, les soldats restants du G-5 se battaient. Je pouvais entendre leurs cris, les cliquetis de leurs lames et les détonations de leurs pistolets. Ils combattaient pour triompher de cette menace, pour la Justice. Un peu plus loin, contre le mur, j’apercevai Smoker, entouré de subordonnés en charge de le soigner qu’il essayait de repousser pour prendre part au combat. Tashigi, tout en tranchant des ennemis, lui criait de rester tranquille avec une autorité que j’avais rarement vu chez elle. Tous ces marines avaient déjà mis à mal plusieurs pirates.

Je serrai les dents. Je n’avais pas le droit de me laisser vaincre aussi facilement, pas après les efforts dont ils faisaient tous preuve. Ma main tâtonna jusqu’à trouver un appui stable, puis je me relevai en ramassant l’une de mes lames, la plus proche de moi. Je m’interdis strictement de tituber ou de montrer un quelconque signe de faiblesse et je me remis en garde, en dévisageant mon adversaire avec toute la détermination qui résidait en moi.

- Je n’abandonnerai pas. 
- Alors tu mourras.
- Qu’il en soit ainsi.

Je poussai un cri d’attaque et je me ruai sur mon ennemie. Elle m’attendit sans bouger, sans essayer de préparer une offensive. J’esquissai une attaque au poing, tandis que ma main tenant mon unique saï fendit l’air, mais elle para mes gestes à mains nues.

La suite s’enchaîna très vite. Je sentis mon arme m’échapper des doigts et plusieurs coups brutaux me frappèrent sans que je puisse les anticiper. Une toux sanguinolente me reprit. Je jouais depuis bien trop longtemps avec les limites de mon corps, et même sous hypnose, il n’en pouvait plus. J’essayai de me protéger du mieux que je pouvais en plaçant mes bras devant ma tête. Malgré moi, je reculai. Un coup bien placé de Gyn et mon talon bascula vers l’arrière, je serai sûrement tombée si quelque chose de petit et lisse entourant tout mon cou ne m’avait pas agrippé. Je me sentis élevée dans les airs. Mes pieds avaient quitté le sol, et l’étau autour de ma gorge se resserra brusquement. J’ouvris des yeux ronds et portai mes mains à mon cou, tandis que j’haletai et me débattai pour reprendre ma respiration, mais en vain, j’étouffais petit à petit.

- C’est inutile. Plus tu te débats, plus le collier de perles se resserrera autour de ta gorge.

Je baissai les yeux vers Gyn. D’attitude colérique, elle était passée à humeur tranquille. Je cessai de me débattre. Le souffle coupé, je tentai de réfléchir. Il fallait que je ruse si je voulais m’en sortir, mais je n’avais pas beaucoup de temps, déjà ma vue se floutait sous le manque d’air. 

La pirate me jeta un bref regard, avant de baisser les yeux, comme si elle se sentait honteuse.

- C’est ta dernière chance, Aouso. Nous pourrions nous allier, au lieu de nous disputer de la sorte.
- Plutôt mourir que de semer le chaos comme tu le fais.

Entre deux faibles tentatives pour récupérer du souffle, je trouvai la force d’articuler ces quelques mots. J’eus à peine fini de parler que je sentis les perles se resserrer autour de ma gorge. Plus aucun air ne passait. Des spasmes me secouèrent, mes yeux se révulsèrent, je pouvais à peine distinguer la silhouette de Gyn se détourner et murmurer tristement un “adieu”.

Ça ne pouvait pas finir comme ça. Non. C’était humiliant et déshonorant. Je tentai du mieux que je pouvais de reprendre ma respiration, je m’acharnai à garder les yeux ouverts. À quelques mètres, je voyais Kuroshinju frapper plusieurs marines et se rapprocher dangereusement de Smoker. Mon sang ne fit qu’un tour. Dans cet état, il n’avait aucune chance contre elle. Lui, Tashigi, et tous leurs soldats allaient se faire tuer, elle allait gagner et vaincre en marchant sur leurs cadavres.

Je fronçai les sourcils. Mon corps se raidit. Je n’allais pas la laisser faire. C’était hors de question, elle n’allait pas gagner et continuer ses crimes en toute impunité. Je laissai ma colère grandissante m’envahir. Je rassemblai toutes les forces qu’il me restait et ouvris la bouche pour pousser le cri le plus aigu dont j’étais capable. 

Autour de moi, j’entendis des cris de douleur et brusquement, les perles se desserrèrent et me relâchèrent. Je tombai au sol et toussai, reprenant de grandes bouffées d’air. En relevant les yeux, je voyais toutes les personnes encore conscientes, Tashigi, Smoker, même Gyn, se couvrant les oreilles en grimaçant de douleur. Je serrai les dents et repris mon saï en main. C’était ma chance.

Je me relevai et courus jusqu’à atteindre mon ennemie. Elle ne me vit pas arriver, se concentrant davantage sur la souffrance provoquée par mon cri et je profitai de cette occasion pour lui asséner un coup de poing recouvert de Haki en pleine tête. Elle poussa un gémissement de douleur et de surprise et esquissa un pas pour me faire face, mais comme elle auparavant, je m’appliquai à être si rapide qu’elle ne puisse pas réagir.Je la frappai de nouveau. Et encore. Et encore. Encore une fois. Encore un coup. Je frappai à nouveau sans m’arrêter, de plus en plus fort. Le sang giclait. Gyn essayait de se protéger, en vain. Cette fois-ci, c’était elle qui était en mauvaise posture, et je n’allais pas laisser passer cela.

Les muscles de ma mâchoire se contractèrent. Elle s’était tournée et me faisait face, le visage ensanglanté. Ses yeux larmoyants étaient empreints d’une fureur sans nom. Elle leva le bras, j’aperçus un éclair métallique mais cette fois-ci, je la pris de vitesse et la désarmai d’un coup net du saï qu’elle avait pris en main.

Un élan de rage me saisit. Cette femme avait menacé des innocents, des amis, des alliés. Elle avait capturé l’un de mes nakamas. Elle avait failli tuer Smoker. Et elle avait tenté de me tuer, moi. Elle n’allait pas s’en sortir comme ça. Elle allait payer pour ce qu’elle a fait. Je resserrai ma prise autour de mon arme, mais lorsque je pris avec horreur conscience du flot de haine qui m’avait soudainement saisi et de l’automatisme de mon corps causé par l’hypnose, il était trop tard. Mon saï recouvert de Haki avait transpercé son coeur.

Une Question de Justice [One Piece]Where stories live. Discover now