Chapitre 110

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- Je peux te poser une question ? 
- Hm. Baisse d'un ton. 

Je jetai un coup d'œil en direction du couloir qui faisait l'angle avec le mur qu'on n'avait cessé de longer depuis être sorties de la salle de bain. Depuis, nous avions été aussi silencieuses que possible, nous préparant tout de même à croiser des ennemis. Je gardais une main posée sur la garde d'un de mes saï, au cas où, mais aucun agent du CP-0 n'avait fait son apparition pour le moment, me faisant demander si ils nous attendaient tous à l'extérieur ou s'ils étaient encore plus furtifs que nous en essayant de nous prendre par surprise. Après avoir rapidement inspecté le couloir du regard, je me retournai vers Abigail, un sourcil levé, et murmurai:

- Alors? 
- Comment ça se fait que tu arrives à parler dans mes bulles sans-son ? 
- Le Ha Ni Oh no mi. Tu supprimes le son mais je fais naître la voix. 
- Je devrais pouvoir supprimer ta voix dans ce cas. 
- Je ne pense pas. Écoute, ce n'est pas vraiment le moment pour parler de ça. 

Je me détournai de ma sœur de lait, jetai un dernier regard prudent et lui fit signe que la voix était libre, puis nous continuâmes discrètement notre marche. Notre objectif était simple : la fenêtre que j'avais emprunté pour arriver, mais encore fallait-il l'atteindre et ne pas être pris en embuscade avant ou ensuite. Bien que le plan de la diversion n'avait pas été adopté par ma coéquipière, je le gardais en réserve. Si jamais nous étions prises entre les agents du Gouvernement, j'allais faire tout mon possible pour détourner leur attention sur moi et m'en coltiner la majorité. Je voulais absolument que elle, elle s'échappe. 

Nous marchâmes ensemble, silencieusement, dans les couloirs de cette grande demeure de Dragon Céleste. Tch. Je détestais cet endroit. Plus je prenais le temps de m'attarder sur des détails de la décoration d'intérieur, plus je sentais un élan de dégoût me gagner. Dire que tout ça appartenait à l'une de ces pires raclures du monde… ce monde est vraiment révoltant, et injuste. 

Je secouai la tête face à ces pensées. Ce n'était pas le moment de s'attarder sur ça. Un ennemi pouvait se montrer à n'importe quel moment, mais plus nous avancions, plus je trouvais la maison un peu trop… calme. C'en était presque inquiétant. 

- Abigail… 
- Je sais. Arrête de me prendre pour une gamine. 
- Je ne fais que te prévenir. Et dans tous les cas, je suis la plus âgée de nous deux. 
- De quelques mois tout au plus ! Arrête. 

J'haussai les épaules et lui offris un sourire en coin volontairement provocateur. Elle qui était si sage et si droite, d'ordinaire, était un véritable plaisir à taquiner. 

- On arrive, il nous reste à peine un couloir. Pendant que tu râles, va voir si un comité d'accueil nous attend. 

J'eus le droit à un regard noir, mais ma sœur de lait obtempéra. Après avoir jeté un coup d'œil, elle se retourna vers moi et hocha la tête. Je lui rendis son hochement. La voie était libre. 

Je me déplaçai rapidement vers la fenêtre et, aussi vive que l'éclair, je le retournai et fis la courte-échelle à ma coéquipière avant de moi-même sauter à l'extérieur. Je me repliai sur moi-même et arrivai au sol puis fis une roulade pour me relever, mais je savais déjà que quelque chose n'allait pas. Mon Haki de l'observation m'avait interpellé comme si une forte cloche s'était mise à sonner dans mon esprit, et au moment de me redresser, j'avais déjà saisi mes saï. 

Abigail, les dents serrés et le corps tendu sous la concentration, avait dégainé son katana et fusillait du regard les formes blanches qui nous entouraient. Par sécurité pour elle, je me déplaçai de quelques pas, de façon à être légèrement plus à l'avant qu'elle. Calmement, j'observai le groupe qui nous encerclait. L'un d'entre eux, le nez allongé et carré, eut une rapide exclamation à la fois moqueuse et amusée, alors qu'il déclarait :

- Je vous l'avais dit. Elle était bien entrée par là. 

Alors que ses yeux s'attardaient sur moi, je fronçai les sourcils et me mis en garde, prête à la moindre attaque. 

- J'imagine que ça sert a rien de vous demander gentiment de nous laisser passer. 

Je leur jetai un sourire sarcastique. Un des agents, une femme aux cheveux blonds, s'avança avec un sourire presque aussi grand que la condescendance qu'elle cachait derrière. 

- Allons allons, pourquoi directement être dans la violence ? Nous pourrions parler autour d'une tasse de thé, en adulte. 
- Un thé avec vous ? Ah ! Plutôt crever. 

La femme fit mine d'être choquée face à l'attitude digne d'un chat enragé que faisait ma sœur de lait. Dans une autre situation, je pourrai presque rire en voyant ses yeux lançant des éclairs, des dents serrées et montrées comme si elle comptait mordre, et ses cheveux qui pouvaient presque s'hérisser d'un air menaçant. Mais rapidement, je me détournai et cherchai du regard dans le groupe d'agents du CP-0, jusqu'à croiser son regard. Le regard de Rob Lucci. 

Je n'avais jamais vu des yeux aussi dépourvu d'humanité, il en était effrayant. Mais j'avais vu plus effrayant que lui, et avais frôlé des choses bien plus terribles. 

Au fond de moi, je ne savais pas si nous allions nous en sortir. Je savais qu'il était risqué, très risqué de venir sur la terre des Dragons Célestes, mais je n'allais pas me déclarer vaincue tant que mon dernier souffle n'aura pas été rendu. J'allais donner toute mon énergie et toute ma force pour sortir de cette impasse dans laquelle ma sœur de lait et moi nous étions précipitées tête baissée. 
Beckman avait raison. Je n'aurai jamais dû venir ici, premièrement. 

Tout en soutenant le regard de Lucci, je me rapprochai de lui. Le chef du CP-0 n'eut aucune parole, aucun mouvement. Je lisais dans son regard qu'il avait les mêmes intentions que moi. Tant mieux. Ça n'allait être que plus simple. 
Sans quitter mon adversaire du regard, je chuchotai en direction de mon alliée.

- Abi. Va t'en. 
- Hein, quoi ?! 
- Tu as une chance. Vas-y. 
- Tu es tarée. 
- Eh, c'est ce qui fait un pirate. 

Je lui offris un sourire, puis reprit mon attitude sérieuse et reportai mon regard en direction de Lucci. Autour de nous, les agents du CP-0 s'étaient écartés. Eux-aussi, ils avaient compris. Parfait. 

- La menace que tu représentes va à présent être matée, Aouso.
- Pour ça, il faudrait déjà que tu gagnes. 

Une Question de Justice [One Piece]Where stories live. Discover now