Vingt et Un.

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On a eu du mal à décoller de l'appartement.

Tu connais la décompensation?

Quand tu laisses enfin sortir une émotion trop forte, toute ton énergie y passe, et laisse juste la place à un grand vide, qui se remplit de sommeil.

C'est un peu l'équivalent du nucléaire des sentiments.

Ça pète, implose et explose. Le Vide.

Il a même pas cherché à récupérer ses clés, sans négociation aucune, il s'est assis directement du coté passager, et c'est endormi.

Ça fait maintenant dix minutes que nous sommes arrivées, et je n'ose pas sortir de la voiture. Je n'ai pas envie qu'il se réveille seul... quand je me réveille d'une crise, sentir l'odeur ou la présence de Viggo, comblé le vide intersidéral que j'avais dans le cœur.

Darryn mérite mille fois, ce genre d'attention.

La porte de la grange s'ouvre, et Viggo pointe le bout de son nez, fait chier ... Je sors aussi précautionneusement que je le peux. Je ne referme pas complétement la porte, reste à côté.

D'un signe de main rapide je fais signe à Viggo de ne pas faire trop de bruit, il m'interroge du regard, intrigué;

- Il se passe quoi?

Je regarde Darryn, assoupi contre la fenêtre, je déglutis difficilement, l'os de sa pommette dessine un angle ferme sur son visage amaigri.

Quand je croise le regard de mon meilleur ami ... je comprends que j'arriverais pas à le sauver toute seule, j'ai besoin de son aide. Lui qui a su me sortir du gouffre. Je lui raconte, sans rentrer dans les détails, mais je lui fais comprendre l'urgence de la situation.

- Vigg' je te raconte ça à toi, rien qu'à toi, parce que je te connais ... Je ne sais pas par où commencer ...

J'ai une boule de honte dans la gorge ... Suivis d'un relent de trouille bien acre.

- Putain qu'est-ce que je t'ai fait vivre ...

Sur-le-champ, son corps me heurte. M'enlace.

- Arrête, si j'entends un "Pardon" sortir de ta bouche, je te fais les rotules.

Je ris, comme une conne, comme toujours, puisqu'il a se pouvoir là. On repose sur le tank garé à côté, je le garde un œil sur lui.

- Par où je commence?

Son épaule se colle à la mienne, je nous vois en reflet dans la fenêtre, derrière Darryn dort toujours, sa poitrine se soulève régulièrement.

- Par là où il te laissera commencer.

Je laisse le silence imprimer cette vérité ... ça me flingue. Je suis une amie de merde.

J'accepte la clope qu'il m'offre, même si là, j'avoue que je fumerais bien un truc plus fort. Sa respiration tiède dessine des nuages sur le verre.

- Je ... ne sais pas si j'y arriverais ...

- Je pense que si justement, tu es la mieux placée pour comprendre, et en plus ... tu es la seule à qui il parle.

Je creuse mes joues, inspire la fumée chaude, recrache un fantôme froid.

- Je n'en sais rien ... je peux pas le guider dans la forêt avec des miettes de pain ...

- Tu es aussi la mieux placée pour te dénigrer.

- Vigg' arrête tes conneries tu veux? Je n'ai jamais été dans cet état-là!

#2 Ne vie pas trop fortKde žijí příběhy. Začni objevovat