Trente - trois.

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Vendredi.

Le rendez-vous est fixé à 10 h.

On y est. Élisabeth à tenue à nous accompagner, en sous-marin elle papote avec Chames, lui prodigue quelques conseils, pendant qu'avec Magnus ... On reste silencieux.

Complètement immobile, sa main dans la mienne est le seul rappel de sa présence. Je ne bouge pas plus. On m'oubliera peut-être ...

Tic Tac ... Tic Tac ... Je suppose que le compte à rebours d'une bombe raisonne de la même façon.

Je n'ai pas dormi, étonnant non? ... à chaque fois que le sommeil me caressait l'épaule, je lui foutais un coup de tête.

On patiente dans le couloir du tribunal, assis comme des piquets sur des bancs en bois, particulièrement inconfortable. Quelle glorieuse idée de merde.

C'est fou parce que ... Je suis à la fois impatiente et morte de trouille, le tout dans un calme apparent flippant. C'est comme si mon corps hésité entre partir en crise de nerfs ou en fou rire.

Je crois que je vire dingue ... ou bipolaire peut être.

Je me sais en sécurité, et pourtant ... Je ne suis pas capable d'arrêter l'aiguille qui se rapproche inexorablement du chiffre dix écrits en Romain. Dans ma tête le son de la trotteuse est amplifié, assourdissante.

J'ai l'impression de voir son ombre planer dans l'atmosphère comme une menace fantomatique.

Je me laisse errer entre mon âme et ma conscience. Le temps d'emmitoufler mes angoisses, sous une couche de mutisme.

Une secrétaire finit par venir nous chercher, et nous invite à entrer dans le bureau. Élisabeth en profite pour glisser quelques mots à son fils.

Lui, concentré, arrive à peine à lui offrir un sourire en retour. Avant de l'abandonner derrière nous.

Cinq chaises.

Cinq minutes.

Cinq ans de ma vie ...

Le juge nous attend, d'un air austère, installé derrière son bureau. Pour une fois, je ne regarde pas de quoi est constituée la pièce, j'en ai rien à foutre.

Chames prend place sur la chaise du centre, Magnus me pousse vers celle à l'extrémité, et s'installe entre nous deux. Son visage est un mélange de sévérité et d'inquiétude. Pendant que sa main, toujours dans la mienne, et un mélange de tendresse et de force.

Le juge fait signe à sa secrétaire, et ... j'aimerai arrêter de respirer, ou arrêter d'être là mentalement. Juste y laisser mon corps, comme témoin, les laisser faire leur tambouille juridique, est me barrer loin.

C'est comme si je devais respirer tout l'air de cette pièce, avant qu'il ne la pollue lui-même avec la sienne.

Dans mon champ de vision, je vois une femme s'installer à coté de mon avocat.

Et Ivar.

Ivar ...

S'installe sur la dernière chaise, et toute ma certitude de garder la face s'effondre. Je n'y arriverais pas. Je sais qu'il m'observe, Magnus se tend, sa poigne aussi.

A ... comme Avocat.

J'entends la voix de Darryn en boucle dans ma tête, comme une sauvegarde psychologique qui me murmure,

" Soit une survivante, pas une victime "

Je refuse de lui laisser ça ... Il m'a déjà trop pris. Il a raison, je suis une survivante ...

#2 Ne vie pas trop fortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant