3 - L'enfant

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TW 1, TW 4.

***

La stridente sonnerie du réveil retentit dans la chambre. Charlotte se lève à l'heure, mais les yeux un peu plus bouffis que d'habitude. Elle est restée trop longtemps à écrire et hésite sérieusement à s'octroyer quelques instants de plus. Hélas, la librairie n'attend pas. Il faut se lever, comme tous les jours, sortir du lit. Se servir un grand verre de jus d'orange et enfiler une tenue. La choix du jour se porte sur une petite robe brune à volant et un joli tablier. Elle enserre ce corps qu'elle trouve un peu trop rond et le scinde à la taille.

La jeune femme met un chapeau et sort à vélo de la librairie. Elle parcourt les rues de sa petite ville, comme sortie d'un autre temps sur son deux roues sans moteur au milieu des bâtiments de béton, des vieilles maisons et des gamins en survet qui zonent sur les quais du canal le long duquel sont plantés des platanes à interval régulier.

Charlotte ne va pas bien loin. La boulangerie n'est qu'une rue plus bas.

— Amène-toi Françoise, faut servir son croissant à Mam'zelle Charlotte ! rit le vieux Georges en train de mettre en rayon ses pâtisseries.

Françoise, la fille du boulanger, apparaît soudain, de la farine sur la joue et son tablier presque propre.

— Comme d'habitude ? lance-t-elle à l'attention de Charlotte qui a déjà posé sa monnaie sur le comptoir.

— Eh oui ! sourit la libraire en réceptionnant son petit sachet bien chaud.

Elle sort de la boulangerie avant même que son argent ne soit encaissé. Sur le trajet retour, elle met ses écouteurs, le printemps de Vivaldi pour coller à la petite histoire qu'elle se raconte, là, en slalomant entre les voitures.

Charlotte rentre dans sa librairie en commençant son croissant. Il est bien chaud, bien sucré, un peu croquant sur l'extérieur et bien moelleux à l'intérieur... Ah, un délice ! Georges sait comment les faire ! La libraire boit son jus d'orange et lit un des nouveaux arrivés en attendant les premiers clients de la journée. L'un d'eux... Ne tarde vraiment pas.

— Bonjour, annonce une ombre apparue subitement derrière le comptoir.

Charlotte le dévisage quelques secondes, hébétée.

— Encore vous ?

— Euh, oui... J'ai fini de lire.

Il lui présente le livre, comme évidence. Il est effectivement corné... Et assez épais. Du genre qu'on ne lit pas en une journée, à moins de n'avoir vraiment rien d'autre à faire.

— Eh bien, ce n'est pas une bibliothèque ici, sourit Charlotte. Il est à vous.

— Oui, répond simplement le jeune homme en remettant le livre dans sa poche.

Ils se regardent en silence. Charlotte sent à nouveau cette étrange attraction. Il a un comportement vraiment bizarre, et bien qu'être libraire lui ait appris à ne pas juger les gens, elle le juge très fort. Et sans doute même qu'elle le juge autant parce que sa réaction spontanée n'est pas d'être dérangée par ce qui devrait être dérangeant.

— Vous souhaitez peut-être que je vous en conseille un autre ? suggère la libraire après un silence bien trop long.

Le visage très mince se fend soudain d'un sourire. Charlotte n'avait pas remarqué la veille qu'il avait des fossettes.

— Pourquoi pas !

La libraire entreprend de sortir à nouveau de derrière son comptoir.

— Tant que nous y sommes... murmure-t-elle soudain en s'interrompant dans son déplacement.

Battement 📚🩸Место, где живут истории. Откройте их для себя