19 - Résister

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TW 3.

***

Gabriel bug. Ça fait bien dix secondes, maintenant. Charlotte commence à se demander si elle a bien fait de se déclarer. Peut-être est-il juste en train de résister à la tentation de lui sauter dessus. Cette pensée lui donne chaud au ventre. L'eau des pâtes bout et le vampire arrive enfin à bouger pour y mettre les raviolis.

Charlotte se rend compte qu'il tremble.

— Tu... Tu pleures ?

La libraire sent son cœur se retourner. Gabriel s'appuie sur le plan de travail en reniflant, et fait demi-tour. Il pleure bel et bien, perles claires sur sa peau blanche.

— Je... Je suis désolé. Je suis tellement confus...

Charlotte ne sait pas quoi faire. Un peu instinctivement, elle s'approche de lui, et l'enlace. Elle dépose la tête sur son épaule. Les grandes mains du vampire se ferment sur son dos avec tendresse, il la serre ni trop fort ni trop peu contre son propre corps. Elle peut sentir comme il a froid et comme son coeur bat. Son odeur, quelque part entre le vieux papier et la mandarine, envahit le souffle de la libraire pour la première fois.

— Je suis désolée aussi, murmure-t-elle.

— Tu... Ce sont mes pouvoirs ?

— Pas que, répond la libraire dans un souffle. Tes maladresses, tes histoires, ta bienveillance malgré l'intérêt que tu m'as porté... Et maintenant je comprends mieux les choses, je me rends bien compte que tout ce que tu dis n'y change rien.

Il renifle.

— Et je... hésite Charlotte, je ne voulais pas donner suite à ce que je ressentais parce que je croyais que tu me mentais, genre... Maladivement. Je ne sais pas si c'est mieux quelqu'un capable de me tuer à tout instant, mais au moins... Ce que je prenais pour ton pire défaut est effacé. C'est pour ça que je te le dis.

— Tu ne me feras jamais confiance, bredouille Gabriel en la serrant sensiblement plus fort.

Charlotte soupire.

— Je ne te fais pas vraiment confiance aujourd'hui.

Le vampire pose une main dans ses cheveux, doux fils de soie sous ses doigts. Leur étreinte dure quelques secondes mais qui ont l'air de prendre des heures tant ce qui les habite les submerge. Pourtant, au bout d'un moment, le câlin est passé, leurs muscles se détendent et leurs corps se décollent.

— Beaucoup d'humains savent que tu es un vampire ? demande la libraire en s'éloignant de lui.

Gabriel secoue la tête.

— Tu es la seule encore en vie, renifle-t-il en touillant dans les pâtes.

Charlotte a elle-même interrompu leur enlacement mais elle se sent déjà vide. Elle qui voulait laisser les histoires d'amour aux romans, la voilà bêtement entichée... Mais quand elle l'a sous les yeux, avec ses mèches blondes qui le gênent pour cuisiner, son sourire gauche et ses yeux humides, elle a le cœur qui fond... Elle s'en voulait pour ça. Elle se sentait bête pour ça... C'était peut-être plus bête encore de ne pas vouloir aimer.

— Un médecin à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, j'ai pris deux balles dans l'épaule et j'ai perdu connaissance donc on m'a envoyé à l'hôpital.

Gabriel défait deux boutons de sa chemise et dévoile les deux trous au-dessus de sa clavicule. Complètement cicatrisés, mais marquant profondément son torse. Charlotte réprime un frisson.

— Évidemment, ils ont été un peu surpris de la rapidité avec laquelle la plaie s'est refermée. Le médecin a quand même rouvert pour sortir les balles. Je suis ressorti de l'hôpital, il m'avait à peine causé. Je suppose qu'il avait mieux à faire que sortir du déni sur ma nature...

Battement 📚🩸Donde viven las historias. Descúbrelo ahora