36 - Chroniques | Lune rouge

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TW 8, TW 13, TW 14.

***

J'ai enterré le corps de Stanislas à quelques kilomètres de Breendonk. Aussi proche que possible de l'endroit où Gontrand est mort. J'ai juste pris une pelle et mis son corps sur mon dos et je suis sorti au milieu de la nuit. C'était une expérience très désagréable, j'avais mal au ventre, son corps puait et suintait, j'étais terrifié à l'idée d'être remarqué par la police ou des chasseurs.

Mais je rentre enfin, au petit matin. Charlotte n'a pas dormi de la nuit, sans doute avec les mêmes inquiétudes que moi. Elle a rangé le bocal de poison dans la pharmacie de la salle de bain. Je me lave les mains, puis le visage, puis encore les mains, deux fois, au petit lavabo.

Évidemment que mon Maître n'allait pas nous donner la bonne recette.

Je m'effondre dans le divan. Charlotte vient se lover près de moi.

— Au moins, il a eu ce qu'il voulait, dis-je un peu pragmatique.

— Heureusement que tu n'as pas bu aussitôt après lui, murmure Charlotte.

Je la serre dans mes bras. Ses cheveux sentent délicieusement bon. Ses mains encadrent mon visage avec douceur.

— Comment tu te sens ? demande-t-elle tout bas avec une voix qui goûte le miel.

— Embrasse-moi, je réponds simplement.

Ses lèvres sont délicieuses, mes mains se tiennent à son dos, elle s'assied sur mes cuisses, attire mon visage contre le sien. Son souffle sur ma bouche, ses doigts dans mon cou, le long de mes épaules, elle déboutonne ma chemise, un bouton, deux boutons, trois boutons, autant de souffles, de baisers. Mes mains se glissent sous sa jupe, je caresse ses jambes, elle se resserre contre moi.

— Je t'aime, murmure-t-elle contre mon oreille.

— Moi aussi, bredouillé-je en tremblant.

Nos vêtements glissent sur le sol, nos peaux se collent, elle est assise sur moi, son sexe est contre le mien.

— Tu veux ? murmurent ses lèvres sur ma bouche

— Je veux...

Mes doigts sont dans ses cheveux, son sexe est autour du mien, son corps me surplombe et m'enveloppe, son bassin se frotte au mien, elle gémit et je frémis.

Mes doigts sont gluants, plein d'argile, j'essaye de faire une tasse en forme de citrouille. Charlotte m'a dit de m'inscrire sur Pinterest, et ma production a presque doublé depuis. C'est le soir, on a fini de manger, on va bientôt aller dormir, mais j'avais envie de continuer un peu.

Je sais qu'elle écrit, en haut des escaliers.

Je pense au bocal dans la salle de bain. Au corps sans vie de Stanislas. À son expression apaisée...

Je dépose le mug sur mon étagère. La peinture sera pour demain. Je retire mon tablier. Je repasse derrière la cloison... J'aimerais enlever cette cloison. Si seulement les chasseurs de vampires pouvaient disparaître.

Je monte les escaliers. Charlotte est assise à son ordinateur. J'arrive derrière elle, dégage ses boucles de ses épaules. Je lui masse les omoplates du bout du pouce.

— Qu'est-ce que tu fais, chaton ?

— Ça s'appelle Battement... Et j'aimerais bien que tu le lises.

Je lui embrasse le front, un peu surpris quand même.

— Vraiment ? je demande avec peut-être un peu trop d'enthousiasme.

— Oui, vraiment, sourit-elle. Peut-être même que tu réécrives avec moi... Mais là j'aimerais écrire encore un peu.

Ça veut dire qu'elle veut que je la laisse tranquille.

Je vais à la salle de bain, je sors la bouteille de sang presque vide de ses dernières règles et je bois une petite gorgée. Je pousse un long soupir en me rinçant le visage au lavabo. Dans le miroir, il y a un être centenaire et fatigué. J'enlève ma chemise. Le trou dans mon épaule. Les quelques cicatrices sur mon ventre. Les marques de fouets dans le dos.

Trois fois rien comparé à ce que Stanislas avait.

Bien sûr, il faudrait un docteur pour vérifier que tous mes organes sont encore bien fonctionnels, par exemple.

Mais il avait un immense trou dans la tête. Un putain de trou dans la tête. Quel humain peut survivre avec un trou dans la tête ?

Le Maître n'a jamais été un très bon menteur.

J'ouvre le placard de la pharmacie. Le bocal est là, bien fermé derrière le médicament qui débouche le nez et les cotons-tiges. Le liquide dedans a toujours la même couleur.

Et si ce n'était pas du poison ? Et si Stanislas était bien redevenu humain, juste incapable de vivre avec ses blessures sur un pauvre corps mortel ?

Je prends le bocal.

Je le débouche.

Je bois.

Ça a effectivement un goût infecte. Je crache. Ma gorge se met à brûler, mon ventre aussi, la nausée me monte à la tête, je pousse un gémissement de douleur, mon cœur bat si fort que je l'entends dans tout mon corps, la porte s'ouvre en grand, je vois le regard horrifié de Charlotte avant de m'écrouler et sombrer dans l'inconscience.

Mon cœur rate un battement.

Battement 📚🩸Where stories live. Discover now