31 - Les chasseurs

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— Donc, si je récapitule : il y a une dizaine d'années, des extrémistes islamistes ont fait des attentats à Paris et Bruxelles ; l'internet s'est étendu et tout le monde s'en sert ; et ça fait trois ans que vous combattez mondialement une pandémie qui attaque les voies respiratoires ?

— Et tout le monde a une addiction aux réseaux sociaux, les descendants de Skyblog et MySpace.

— Oula, je n'ai même pas entendu parler de ceux-là à l'époque... Il s'en passe des trucs en seize ans.

— Aussi, il y a une montée de l'extrême-droite au pouvoir en Europe.

Gabriel recrache son café.

— C'est une blague ?

— J'aimerais bien. Ah, et les livres Twilight, tu sais ?

— Oui, les quatre romans de vampires super populaires pour ados, là, j'en ai entendu parler...

— Ils en ont fait des films.

Gabriel écarquille les yeux, secoue la tête, pousse un très profond soupir. Charlotte regarde sa montre.

— Il faut que j'ouvre la librairie.

— Je finirai mon croissant dans l'arrière-boutique, dit Gabriel en quittant la table du petit-déjeuner.

Il ferme la cloison derrière lui quand Charlotte retourne le panneau sur sa porte. Elle a descendu son ordinateur pour s'occuper de ses comptes généraux. La libraire a depuis longtemps pris l'habitude de tout faire sur papier : comptes, listes, notes, commandes, elle a des calepins de partout et d'épais classeurs, mais parfois elle n'échappe pas à la technologie et quand il s'agit de revenir sur toutes les dépenses de ces six derniers mois, un tableur Excel est plus sûr.

Une main ferme toque à la porte de la librairie.

— C'est ouvert, crie distraitement Charlotte.

Mais elle relève la tête et sursaute. Quatre gaillards entrent dans son magasin. Ils ont des brassards...

Avec le sigle des chasseurs de vampire.

— Mademoiselle, permettez-moi de vous déranger. Il y a eu plusieurs morts suspectes dans la région, et notre organisation souhaite passer la ville au peigne fin... Pourrions-nous inspecter votre magasin ?

Charlotte pourrait rétorquer qu'il faut un mandat de la police pour exiger ce genre de choses, mais elle ne veut pas prendre le risque de paraître suspecte.

— Je vous en prie, dit-elle avec sa voix de miel de vendeuse exemplaire. Si vous avez la moindre question, n'hésitez pas...

Les quatre hommes se lancent aussitôt, chacun dans un rayon. Spontanément, on peut voir qu'ils ont des méthodes assez différentes. L'un d'eux a le nez collé aux livres et semble les passer en revue un à un, un autre se contente de flâner rapidement. Un troisième tape un petit coup de bâton sur le plafond.

— C'est mon appartement, au-dessus, sourit Charlotte.

Elle a des sueurs froides dans le cou.

— Vous habitez seule ? demande celui-là.

— Oui.

— Ce n'est pas très prudent, par les temps qui courent...

La libraire fait mine de ne pas avoir entendu. Faudrait pas qu'ils lui rappellent trop sa mère, non plus...

Le premier s'approche et commence à inspecter le comptoir. La libraire sent que ses mains tremblent. Elle essaye de respirer calmement sans rien laisser paraître. Un deuxième arrive au bout de son allée. Il approche de la fausse cloison.

— Comment va Nicholas ? demande Charlotte, les yeux rivés sur l'écran de son ordinateur parce qu'elle n'a pas la moindre idée duquel peut bien être son père.

Le chasseur qui approchait de la fausse cloison tourne la tête.

— Oh ? C'est donc vous, la libraire qui lui donne des livres d'espions ?

Charlotte lui envoie un grand sourire. Le chasseur sourit aussi.

— Je crois que c'est bon, les gars ! lance-t-il. Il n'y a pas de vampires ici, n'est-ce pas mademoiselle ?

— Seulement dans les romans, minaude-t-elle.

Les quatre chasseurs ressortent de la librairie. Charlotte reste immobile derrière son ordinateur. Plusieurs longues minutes. Aucun bruit ne sort de l'arrière-boutique non plus. Jusqu'à ce qu'elle pousse un long soupir.

— C'est bon, je crois qu'ils sont bien partis, chuchote-t-elle.

Gabriel passe la tête derrière la cloison.

— Comment ça, "plusieurs morts suspectes dans la région" ? râle-t-il. Soit il y a un serial killer dans le coin, soit c'est une grossière exagération, je n'ai tué qu'une seule personne, moi !

La libraire lève les yeux au ciel. Certes, elle est soulagée qu'ils soient repartis, mais une boule de stress reste coincée dans sa gorge.

Battement 📚🩸Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora