9 - La mère

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TW 10.

***

Gabriel fait irruption dans la librairie. Il a le nez rouge, et secoue son livre de psychanalyste dans tous les sens.

— Je suis occupée ! s'écrie Charlotte avant qu'il ne dise quoi que ce soit.

La cliente qu'elle conseille les regarde tous les deux d'un air circonspect avant de revenir à son achat. Heureusement, la vente n'est pas compromise par la présence du jeune homme qui, pour se retenir de parler, tourne en rond dans toute la boutique.

— Je t'écoute, lui lance Charlotte avec un léger sourire mi-sarcastique mi-sincère aussitôt que la dame se dirige vers la sortie.

— J'ai eu la sensation d'être espionné ! Bon, tout ne me correspond pas comme il l'explique de manière très pédagogique, mais j'ai tout compris ! C'est de la folie ! Je suis neurodivergent ! Personne n'a pensé à me le dire en deux siècles !

Charlotte glousse en voyant les yeux de son ami se remplir de paillettes.

— Merci beaucoup, ajoute-t-il avec un grand sourire.

La libraire se dit que ça fait à peine un mois qu'elle le connaît mais qu'elle s'est déjà fait à sa présence.

— Tu veux un croissant ? propose-t-elle. Je n'ai pas eu le temps d'aller en chercher ce matin...

Elle est encore restée écrire jusqu'à pas d'heure et a manqué son réveil. En même temps, raconter des histoires de vampires et de nazis est plutôt prenant comme activité.

— Oh, avec grand plaisir !

C'est ainsi que Gabriel monte sur le porte-bagage du vélo bleu ciel. Évidemment, il est obligé de se tenir à la taille de la conductrice. Ce simple contact la met dans tous ses états, heureusement qu'elle connaît bien le chemin. Il est grand temps qu'elle arrête de se laisser avoir par les romances, la ville n'est pas un conte de fée, et les mystérieux menteurs tout à fait inapte socialement font rarement de très bons partenaires.

— Deux, aujourd'hui ! demande la libraire.

— Eh bah, si on croyait un jour que tu ramènerais quelqu'un, s'exclame le vieux Georges en emballant les croissants pendant que Françoise ramasse la monnaie de la libraire.

— Nous sommes juste amis, lance la jeune fille en retenant de toutes ses forces Gabriel qui essaye de payer à sa place.

Ils mangent leurs croissants en remontant à pieds le long du canal, Charlotte pousse son vélo en même temps. Gabriel lui parle de sa lecture avec passion, et elle ne peut pas s'empêcher d'être intéressée. Après quelques minutes pourtant, il déchante un peu. Son visage blêmit et il retrouve son air fatigué de la veille.

— Tout va bien ? demande-t-elle, un peu inquiète.

— Moui...

Soudain, Charlotte s'arrête brusquement.

— Il... Vaudrait mieux que tu partes, dit-elle avec un peu de panique dans la voix.

Mais c'est trop tard. La dame plantée devant la porte de la librairie les a vu et leur fait de grands signes. Charlotte se ratatine en traversant la rue.

— Eh bien alors, la bibliothèque est fermée ? À cette heure ?

— C'est une librairie, Maman...

— Tu ne m'avais pas dit que tu fréquentais un jeune homme ! roucoule la dame en tendant une main jaunâtre pleine de bagues à Gabriel.

— Ravi, dit sobrement le garçon en lui serrant la main.

Charlotte ouvre la porte en poussant un très profond soupir. Soudain, Gabriel se sent mal.

Battement 📚🩸Where stories live. Discover now