Battement 📚🩸

37 - Le livre

TW 5.

***

La boutique assume de plus en plus son style Art Nouveau, les plaintes de la façade et les châssis des fenêtres ont été refaits. Dans la vitrine de droite, il y a tous les coups de cœur de la libraire. Dans la vitrine de gauche, il y a une jolie mise en scène avec quelques livres, quelques céramiques ; et si on laisse son regard s'attarder, on peut voir une belle couverture sur laquelle il y a deux noms et un titre intriguant : Battement. Loin de moi l'idée de vous spoiler, mais le vampire ne s'en sort pas très bien...

Contrairement à Gabriel, qui sort à vélo de la boutique pour aller chercher le croissant du matin. Il est fringuant comme s'il avait la vingtaine, ça tombe bien : c'est à-peu-près l'âge qu'on lui donne. Il ne fait pas la fierté de ses beaux-parents et c'est bien dommage, mais tous les clients le connaissent et l'apprécient autant que leur libraire préférée.

— Ah, mais si ce n'est notre libraire ! Deux croissants, comme d'habitude ? demande Georges en secouant la farine sur son tablier.

— Oui, merci beaucoup, dit Gabriel en faisant une petite révérence à Françoise quand elle lui tend son sachet.

Sur le chemin retour, il attrape Nicholas sur le porte-bagage et fait le trajet jusqu'à l'école. Il n'a pas l'apparence du grand frère le plus branché, mais Nicholas s'en fiche bien.

— Tu ne sais plus respirer, depuis que tu es redevenu humain, lui dit le petit garçon en descendant du vélo.

— Tsss, tais-toi ! rugit Gabriel, complètement essoufflé. C'est toi qui es lourd ! Sois sage, lance-t-il en repartant en sens inverse.

La clochette de la boutique retentit. Charlotte est en train de ranger les livres en rayonnage et elle sait qui vient de rentrer.

— Tu pourras t'occuper du distributeur, chaton ? Moi j'arrive jamais à suivre quand il parle...

— Sans soucis, si tu me laisses recommander pour notre section langue...

— J'ai encore du mal à croire qu'on fasse autant de ventes en italien dans notre petite ville belge un peu paumée...

— Aucune ville belge n'est très paumée, lui fait remarquer d'un tout doucereux le céramiste en allant chercher plus de sachets kraft dans l'arrière-boutique.

Avec l'ancienne cloison, il a construit de nouvelles étagères, bien solides cette fois.

— Alors, votre Best-seller ? s'enquiert un habitué venu récupérer une commande.

— Oh, on ne peut pas dire que ça se vende si mal ! sourit Gabriel en lui apportant son colis.

— En même temps, c'est un très bon livre. Surtout le cul.

— Que voulez-vous, ma copine sait écrire, répond Gabriel en haussant les épaules d'un air désinvolte.

Mais son sourire le trahit.

— Je vous ai apporté un journal, Charlotte ! s'écrie soudain le jeune homme à travers les rayons. J'y ai trouvé une nouvelle qui devrait vous inspirer si vous écrivez d'autres histoires de vampires...

La libraire émerge d'entre deux couloirs de livres et vient se pencher sur le comptoir où le quotidien est étalé.

"Allemagne : un mystérieux massacre dans les ruines d'un château"

— J'ai lu l'article, et apparemment, ils n'ont trouvé qu'une seule rescapée : une meuf complètement tarée qui bouffait les corps...

— Terrifiant, note Gabriel.

— Effectivement c'est inspirant, sourit Charlotte.

— Ils pensent que c'est en lien avec l'espèce de sectes, là... On en avait eu quelques-uns dans le village. M'enfin, ça va faire causer dans les chaumières et c'est bien sordide, comme affaire.

— Merci de nous apporter les nouvelles sordides, en tous cas, rit Gabriel en lui tendant son colis.

— Mais de rien ! s'exclame le client en s'éloignant déjà. Bonne journée, vous deux !

— Bonne journée et surtout bonne lecture, répondent les amoureux d'une seule voix.

FIN