Battement 📚🩸

35 - Le retour

TW 6, TW 13, TW 14.

***

— Il y avait combien de vampires ?

— Je ne sais pas, des dizaines ! rit Charlotte.

Des pancakes sautent dans la poêle. Gabriel se réveille et se redresse, attiré par l'odeur. Nicholas lui lance un long regard.

— Ah, te voilà enfin ! s'agace le petit garçon.

— Désolé de faire la sieste, grommelle le vampire en se frottant le visage.

Il se lève en s'étirant.

— La sieste, c'est pour les bébés, lui répond Nicholas avec un sourire narquois.

Gabriel lui tire la langue. Charlotte leur dépose un pancake chacun dans une assiette.

— Je crois que mon père va aller en Allemagne.

— J'espère que tu n'as pas trop insisté, murmure Gabriel. S'il apprend que tu as raison, il va peut-être se retourner contre toi.

— Au pire il me dés... déshér... Il me chasse de la maison et je viens ici.

— Tu seras toujours le bienvenu, soupire Charlotte.

— Il a dit qu'il le ferait, de toute façon.

Gabriel et Charlotte regardent Nicholas plusieurs longues secondes. Le petit garçon mange son pancake.

— Pourquoi il a dit qu'il te déshériterait ? demande Gabriel sans toucher sa crêpe.

— Si je sors avec un garçon, répond Nicholas.

Charlotte a envie de frapper dans un coussin mais elle reste stoïque. Pour la peine, elle lui remet du sirop de chocolat sur son pancake.

— Je ne vais pas reparler de démembrer qui que ce soit, mais sachez que l'envie est présente... Espérons seulement que se concentrer sur le château du Maître les distraie de moi, conclut Gabriel en commençant à manger.

Charlotte mange aussi. Elle fait du pied à son amoureux sous la table. Il lui répond.

— Il est où, celui qui fait peur ?

— Il m'a promis de revenir bientôt, sourit Gabriel en parlant la bouche pleine. Il a quelque chose à... préparer, avant.

***

Charlotte est en train d'emballer un service entier dans trois couches de papier-bulle quand la clochette de la porte retentit et que sa cliente, derrière le comptoir, laisse échapper un hoquet de surprise.

— Mademoiselle ? appelle Stanislas.

— Minute, je suis occupée.

Il n'est pas question que cette vente lui échappe, c'est rare que quelqu'un prenne toutes les tasses d'un même service. Gabriel s'est vraiment appliqué sur celui-là, il faut qu'elle lui rende honneur. Stanislas semble plutôt patient, puisqu'il se poste derrière la cliente.

— Voilà ! s'exclame Charlotte en soulevant une grosse boîte qu'elle a fermé avec un autocollant du logo comme ceux de ses petits sachets kraft.

— M-merci, bredouille la cliente en attrapant le coli.

Charlotte se demande ce qui peut bien la mettre dans cet état, puis se rappelle que tout le monde n'a pas pris l'habitude d'avoir l'ombre menaçante et défigurée de Stanislas juste derrière soi.

La cliente quitte la boutique, Charlotte retourne le panneau derrière elle, ferme les rideaux, et la fausse cloison s'entrouvre.

— Alors ? demande Gabriel.

— Je pense que j'ai fini, sourit Stanislas.

Il a un air un peu excité, presque enfantin, qui contraste avec son flegme habituel. Il sort de sa veste avec des gestes délicats un vieux bocal dans lequel flotte un liquide mauve.

— Voilà la potion qui était décrite dans le livre... Je n'ai malheureusement pas pu déchiffrer toutes les explications jointes à la recette, mais sa réalisation n'était finalement pas si compliquée.

— Ça a l'air moins difficile que de créer un vampire, finalement, marmonne Gabriel en regardant de près le bocal posé sous ses yeux.

— J'ai suivi scrupuleusement la recette, en prenant attention aux détails... Bien que Charlotte ait réussi à transformer une vampire sans être tout à fait vierge, sourit Stanislas en envoyant un clin d'œil à la concernée.

— Tu as bien fait, on ne sait jamais quel détail est important. Alors, comment veux-tu procéder ?

— Je me suis dit que j'allais le boire ici, étant donné que je ne sais pas ce que les effets me feront. Et quand je serai humain, on pourra m'emmener dans un coin reculé, et me tuer là.

Charlotte hoche la tête.

— Normalement... Il y en a assez pour deux. Mais étant donné mes desseins plus sombres, je vais sans doute commencer, et tu te serviras selon les effets ? sourit Stanislas.

Gabriel lève les yeux vers lui. Il hoche lentement la tête.

Stanislas s'installe donc dans le divan de la réserve où Gabriel essaye par ailleurs de construire une petite étagère pour y mettre ses créations. Charlotte et lui s'asseyent dans les autres fauteuils, en face de lui. Et sans plus de cérémonie, le vieux vampire ouvre le bocal et en boit la moitié.

Charlotte retient sa respiration. Gabriel la tient par la main, prêt à toute éventualité. Stanislas tire une grimace.

— Pouah... Ça a un goût infecte. Et ça... Ça fait mal à la gorge.

— Allonge-toi, lui propose Gabriel.

Il aide son vieil ami à se coucher en travers du divan. Ils peuvent entendre son ventre gargouiller.

— C'est assez inconfortable, bredouille Stanislas.

— Tu veux qu'on te laisse un peu d'intimité, propose Charlotte en se relevant.

— Peu- Peut-être, oui.

Gabriel et Charlotte sortent, referment la cloison, prennent un livre chacun et montent s'installer dans le divan du salon à l'étage. Assis l'un contre l'autre, ils laissent l'après-midi s'écouler en paix. Si quelqu'un les voyait, il ne devinerait pas une seule seconde à quel point ils sont stressés au fond.

Gabriel commence à cuisiner à l'heure du repas. Charlotte descend dans la boutique. Il ajoute un bouillon de légumes à la préparation, touille dans le riz, s'étire la nuque.

— Heum... Chaton ? appelle Charlotte.

Sa voix tremble un peu. En un clin d'œil, il arrive dans l'arrière-boutique. Charlotte a les mains sur la poitrine de Stanislas. Le vampire est immobile dans le divan, allongé, les yeux ouverts, les traits détendus.

— Qu'est-ce que... ?

— Il... Il est mort, murmure la libraire.

***

Il ne reste plus que deux chapitres ! Quel suspens hihi :)

Juste ce petit mot pour vous remercier de lire !

Chloé 🍄