2 - ANTOINE (✔️)

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La lumière du jour transperça ses paupières et les rideaux claquèrent sur leur tringle. Il enfouit sa tête dans les draps.

— Debout !

Un grognement exaspéré se forma dans sa gorge. Il avait la bouche sèche et la langue pâteuse. Une douleur sourde pulsait contre ses tempes.

— Lève-toi maintenant, Antoine ! Ou je te jure que je fais passer tout ton fatras par la fenêtre.

Il entrouvrit un œil embrumé. Sa belle-sœur le fusillait de son regard le plus noir, mains sur les hanches. Elle donna un coup de pied furieux dans une pile de livres qui traînaient à même le sol. Les ouvrages s'étalèrent sur un parterre de croquis et de notes. Un encrier en équilibre précaire faillit se renverser.

— Ce sont des livres précieux ! grommela Antoine.

— Précieux, voyez-vous ça ? ironisa la jeune femme. Alors pourquoi traînent-ils sur mon parquet ?

Ton parquet ? Il s'agit de ma chambre, répliqua Antoine en replongeant dans son oreiller. Tu ne devrais pas y entrer sans invitation.

— Je vais où bon me semble chez moi. Cette pièce pue le renfermé et la bière froide c'est une infection. Ça sent l'ivrogne jusque dans le salon !

Antoine en aurait presque ricané si sa gueule de bois ne le tenait pas encore en joue, pointant contre ses tempes un canon invisible, et néanmoins douloureux.

— Je suis chez moi aussi.

— Tu es chez ton frère !

Merci pour ce délicat rappel.

Il fit semblant de se rendormir avec le fol espoir que cela suffirait à décourager Zélie.

Une main rude le secoua par l'épaule et lui frappa le dos.

— Je t'ai dit de te lever ! Dépêche-toi, misérable feignant !

— D'accord, d'accord !

Il se redressa de mauvaise grâce et se massa le front. Un coup d'œil sur sa chemise froissée lui apprit qu'il s'était encore couché tout habillé de la veille. Comment était-il rentré déjà ?

Il ne gardait de son retour qu'un vague souvenir cotonneux... Un miracle qu'il soit parvenu à grimper les escaliers sans réveiller toute la maisonnée.

Il vacilla tandis qu'une sensation de nausée lui tordait les entrailles. Il se rallongea prudemment et ferma les paupières. Pas longtemps. Juste le temps que son estomac se calme et que...

Une vague d'eau glacée s'abattit sur lui.

— Bon sang ! pesta-t-il en se débattant dans les draps mouillés.

Zélie, la carafe de la coiffeuse en main, l'observa crachoter d'un œil satisfait.

— Tu avais besoin d'aide pour dessoûler. J'en ai plus qu'assez de te voir traîner comme un fantôme toute la journée et te servir en douce dans la cave de ton frère. Tu offres un exemple déplorable pour les enfants. Si tu persistes, famille ou pas, je te mets dehors. Charles n'aura pas son mot à dire.

— Comme s'il pouvait dire quoi que ce soit avec toi de toute façon... grommela Antoine tout bas.

— Pardon ?

— Rien, rien.

Il essuya avec mauvaise humeur les gouttes qui ruisselaient le long de son nez.

— Tu as quinze minutes pour te changer, conclut sa belle-sœur en tournant les talons. Il est dans la cour et a besoin d'aide.

Les Accords ÉlectriquesWhere stories live. Discover now