34 - MIRABELLE (1/2)

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— Vous êtes sûre ?

Mirabelle détacha avec difficulté son regard du bâtiment. Les hautes fenêtres du couvent des Ursulines semblaient la toiser avec mépris et son corps s'était tendu de lui-même face au portique si familier.

Antoine l'observait attentivement en se mordillant les lèvres d'un air incertain.

— Vous ne voulez vraiment pas que je vous accompagne ? insista-t-il.

Elle essuya ses paumes moites sur sa jupe.

— Les sœurs seront plus à l'aise face à une femme seule. Et Louise pourrait vous reconnaître. Ça ne m'inquiète pas, c'est mieux ainsi.

En reportant son attention sur la lourde porte en bois vernis, son cœur s'emballa à nouveau, comme pour la contredire.

Foutaises. Tu es terrifiée.

Sept ans. Sept années de ce même cauchemar qui la harcelait depuis que l'académie l'avait arrachée à son calvaire. Elle avait beau donner le change face à Antoine, ses entrailles se retournaient à l'idée de remettre un pied là-bas.

Et si les sœurs la reconnaissaient ? Il suffisait que l'une d'elles discerne en elle la sorcière immonde qui hantait autrefois la cellule de pénitence au sous-sol et...

Elle tritura le télégramme d'Emily entre ses doigts fébriles et en relu les quelques lignes pour se donner courage :

« Ai reçu l'autorisation du nouveau recteur. Le diocèse est prévenu. Ne communique pas ton nom. »

Elle ferma les yeux et prit une seconde pour calmer sa respiration. L'impression de manquer d'oxygène affolait ses poumons.

Quelque chose effleura son cou tandis qu'un objet tiède se logeait dans le creux de sa gorge.

— Vous attirerez moins de soupçons ainsi, commenta Antoine en reculant d'un pas.

Ses mains s'attardèrent une seconde de plus que nécessaire sur sa nuque, et la caresse légère lui provoqua un frisson malgré la douceur de l'air.

Elle parcourut de l'index le relief de la médaille. Le métal conservait sa tiédeur sous son doigt. Elle aurait tant donné pour que l'or lui brûle la peau.

— Ça reviendra, affirma Antoine comme s'il lisait ses pensées.

La gorge nouée, elle grimaça. La sensation d'être aussi transparente que le verre à ses côtés ne cessait de la troubler. Leurs querelles s'étaient d'ailleurs espacées depuis quelques jours.

— Je vous attends ici, souffla-t-il en désignant le fiacre qui patientait derrière eux. Je le retiendrais le temps qu'il faudra.

Sur un hochement de tête et une dernière inspiration, elle s'élança vers le portique. Sa main frappa contre l'huis avec appréhension.

Un vasistas coulissa sur le visage sévère d'une religieuse. À la simple vue de la guimpe qui enserrait son front, Mirabelle sentit ses genoux faiblir.

— Je... je viens de la part du diocèse de Viviers, parvint-elle à articuler. Je dois récupérer une enfant que vous avez... recueillie.

Sa langue buta sur le dernier mot. « Enlevée » eut été plus juste.

Le regard de la religieuse se plissa. Lorsqu'il tomba cependant sur l'icône de la vierge dorée suspendue à son cou, ses traits se détendirent.

Dans un claquement sec, elle referma la trappe et déverrouilla la porte.

— Entrez, décréta-t-elle d'une voix râpeuse. Quelqu'un viendra vous chercher dans le cloître.

Mirabelle déglutit et toisa une seconde le seuil avant de pénétrer dans l'enceinte du couvent. L'appréhension ralentissait le moindre de ses gestes. La religieuse dut s'en apercevoir quand elle demanda non sans méfiance :

Les Accords ÉlectriquesWhere stories live. Discover now