15 - ANTOINE (2/2)

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Des applaudissements enthousiastes saluèrent sa prestation et la magicienne papillonna des yeux d'un air perdu. Antoine accrocha son regard alors qu'elle relevait la tête. Il dissimula son inquiétude sous un masque pincé.

— Pour la discrétion, on repassera...

— Je suis désolée, murmura-t-elle d'une voix blanche.

— Ne vous excusez pas mademoiselle, souffla le prince d'une voix chargée d'admiration. Votre performance nous a éblouis dans tous les sens du terme.

— Oui, oui, éblouissant, comme vous dites... grommela Antoine.

Avec beaucoup de soin, il l'accompagna jusqu'à une banquette où elle accepta de se laisser choir. Le prince héla un serveur et s'empara d'une coupe de champagne.

— Buvez, cela vous remettra d'aplomb.

Elle accepta la coupe qu'elle avala cul sec sous les rires amusés.

Les conversations reprirent, et les musiciens entamèrent une nouvelle valse plus enlevée. Dans la foule, Antoine nota la présence de Lady Osborne qui lorgnait dans leur direction avec un sourire ravi.

— Comment vous sentez-vous ? demanda-t-il à Mirabelle.

— Je vais bien, assura-t-elle malgré son visage blême.

Le prince saisit une nouvelle coupe sur le plateau de son valet et la lui tendit.

— Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée, protesta Antoine en fronçant les sourcils.

— Vous êtes très mal placé pour me conseiller la modération, souffla-t-elle en prenant la coupe.

Elle but une nouvelle gorgée et sourit en direction d'Alexeï Solstörm.

— Mon frère est trop prévenant.

— C'est le propre des frères. Et puis, vous venez de France après tout...

— Que voulez-vous dire ?

— Alexeï évoque les anti-mages qui pullulent dans votre pays, intervint la magicienne à la robe grise.

— Ces gens sont un fléau, je connais bien leurs idéaux, abonda le prince. Mon pays a failli en faire les frais. Heureusement qu'aucune révolution n'a encore ébranlé la stabilité de la noblesse de flux en Russie.

— L'Empire ottoman semble se diriger dangereusement dans cette voie... On entend partout que les persécutions des magiciens prennent une ampleur terrible et que le sultan ne fait rien pour contenir les débordements.

— Le sultan est un cousin de Napoléon, lança le jeune homme nonchalant qui s'était renfoncé dans son fauteuil, une jambe posée sur l'accoudoir. Il est d'une mollesse confondante vis-à-vis de son peuple de barbares. Un peu plus d'influence et de poigne russe ne lui feraient probablement pas de mal plutôt que de se laisser mener à la baguette par les couronnes françaises et britanniques...

Antoine se figea, interdit. Des propos aussi virulents à l'égard des gouvernements, prononcés à voix haute et sans aucune gêne...

— Vous ne semblez pas d'accord, ajouta l'homme en vrillant ses yeux de chat sur lui.

Antoine s'humecta les lèvres et choisit avec soin les mots qu'il prononça :

— J'ai foi dans le progrès et la science et accorde peu de crédit aux politiques.

— Oh un savant ! s'écria la magicienne en gris le regard brillant d'intérêt. Vous êtes donc versé en science, monsieur d'Aubenas ?

— En quelque sorte. J'ai le plaisir de connaître un peu d'optique, de mécanique et de chimie.

Les Accords ÉlectriquesWhere stories live. Discover now