17 - ANTOINE (2/2)

11 5 0
                                    

Le pont sur lequel ils posèrent pied revêtait un sol en lattes de bois miel parfaitement ciré. Des balustrades sculptées servaient de garde-fou le long du pont d'où on pouvait admirer l'ensemble du parc.

— Par ici ! scanda le prince en indiquant une large double porte vitrée aux élégantes marqueteries de nacres. Nous entrons maintenant dans la grande salle à manger.

La cohorte de magiciens pénétra dans un vaste espace décoré de moulures en stuc et surmonté d'une splendide verrière. Des tables déjà entièrement dressées scintillaient sous l'éclat de la porcelaine neuve et des verres en cristal. Les globes à flux dispensaient une lumière discrète tandis que les murs de la pièce présentaient des fenêtres larges de six pieds au moins.

Le prince désigna justement les vitres :

— Cette pièce dispose d'une vue exceptionnelle sur le paysage tout en étant parfaitement chauffée via un ingénieux système de canalisation au sol. La verrière que vous admirez a été réalisée par des artisans vénitiens...

Antoine calcula intérieurement le prix d'un tel décor. Rien que pour cette salle à manger au faste exubérant, il peinait à imaginer la somme colossale investie.

Le prince ne s'arrêtait plus. Il traversa la pièce et les fit entrer dans un fumoir, une bibliothèque et un immense salon où trônait un piano à queue. De charmantes causeuses de velours crème y étaient disposées et des bouquets de fleurs blanches habillaient le moindre guéridon. Chaque lieu provoquait son lot de murmures admiratifs parmi les convives. Et chaque salve de compliments ou d'applaudissement rendait l'aristocrate plus satisfait de lui-même encore.

Antoine se demandait si ce cercle de vanité trouverait un jour une fin quand le magicien les guida vers un vaste hall qui hébergeait un double escalier de bois recouvert de tapis moelleux. Un lustre aux minuscules pampilles facettées plongeait depuis le plafond et accentuait la sensation de hauteur.

— Voici ce que j'aime à appeler le grand carrefour ! Les cabines individuelles des passagers sont accessibles via ces marches. Vous y trouverez vos bagages ainsi que des rafraîchissements. Le déjeuner sera servi dans deux heures, une fois que nous aurons quitté le sol et pris un peu d'altitude. Je vous laisse vous installer, si vous voulez bien m'excuser, je dois à présent régler quelques menus détails avec le personnel de navigation...

Il consulta une énième fois sa montre avant de poursuivre :

— Le décollage aura lieu dans très exactement vingt-trois minutes. Je vous donne rendez-vous sur le pont pour vivre cette expérience extraordinaire à mes côtés. Si vous aviez besoin de quoi que ce soit, le personnel de service du Störmsadd sera heureux de vous servir.

Sous des applaudissements nourris et une dernière révérence de cabotin, le prince tourna les talons. Antoine aurait aimé pouvoir le prendre en filature, poussé par la curiosité et une pointe non négligeable de suspicion.

— Vous venez ? le rappela à l'ordre Mirabelle.

Les passagers s'étaient empressés dans les escaliers menant aux cabines et découvraient leurs quartiers avec force exclamations. Il secoua la tête pour chasser le mauvais pressentiment qui lui collait à la peau.

Au fond, s'il choisissait d'être honnête, il désirait surtout prouver à Mirabelle comme elle se trompait sur le compte de ce prince aux dehors si charmants. La lueur admirative qui s'allumait dans ses yeux chaque fois que Solstörm prenait la parole ou désignait les splendeurs du zeppelin avait le don de l'irriter.

Un long couloir ponctué de portes abritait les appartements des passagers. Sur chaque porte, une petite plaque d'ivoire gravée indiquait le nom d'un occupant.

Les Accords ÉlectriquesWhere stories live. Discover now