21 - MIRABELLE (1/2)

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Lorsque Mirabelle revint dans la salle à manger, les passagers quittaient leurs chaises pour se rendre au fumoir ou au petit salon attenant. Elle balaya la pièce du regard à la recherche d'Antoine.

— Mesdames et messieurs ! S'il vous plaît... Le capitaine me charge de vous transmettre le message suivant...

Un domestique s'avançait en levant les bras pour attirer l'attention. Les conversations s'éteignirent et les magiciens tournèrent vers l'homme des visages aux expressions tantôt curieuses, tantôt agacées.

— Vous êtes invités à profiter du fumoir et du salon, mais nous vous recommandons de rejoindre vos cabines dès que possible.

Des murmures intrigués saluèrent ce discours.

— Qu'est-ce que cela veut dire ? lança Lady Osborne avec une moue pincée. Il n'y a donc pas de divertissements ? Et le concert ?

— Je suis navré, milady, s'excusa le valet. Le zeppelin approche d'une zone de turbulence qui nous force à écourter la soirée.

— Une zone de turbulences ? s'inquiéta Lady Hamilton. Est-ce dangereux ?

Un brouhaha enfla dans l'assemblée. Mirabelle sentit une boule prendre forme dans sa gorge.

— Pas le moins du monde, rassurez-vous. Le vaisseau risque simplement d'être un peu secoué pendant la nuit. Pour votre confort, le capitaine vous remercie de ne pas sortir de vos cabines afin de ne pas troubler les manœuvres du personnel navigant...

— Troubler le personnel navigant ! s'insurgea Adélaïde avec un rire sec. Ce serait plutôt à eux de ne pas nous déranger, que diantre !

Une vague de murmures approbateurs sillonna la foule.

— Naturellement, nous ferons tout pour vous préserver du moindre désagrément...

— C'est un peu tard pour cela, grommela Adélaïde. Croyez-moi, j'en toucherai deux mots au prince. Tout ceci est profondément désappointant.

Quelques magiciens firent connaître leur assentiment tandis que d'autres passagers hésitaient à rejoindre dès à présent leurs quartiers.

— Allons, chers amis ! s'écria Arthur avec sa désinvolture habituelle. Nous pouvons quand même profiter d'un verre de brandy et d'un cigare !

Mirabelle se hissa sur la pointe des pieds pour mieux scruter la foule. Où était donc passé Antoine ? Une silhouette se pressa à ses côtés et elle tourna vivement la tête, surprise.

— J'espère que vous n'avez pas oublié notre petit marché, souffla à son oreille la voix du recteur. Avez-vous avancé ?

— Nous avons besoin de plus de temps, esquiva-t-elle. Avec la tempête qui s'annonce...

— Un contretemps regrettable, j'en conviens. Mais je ne modifierais pas mes conditions.

Il marqua un temps d'arrêt pour observer les magiciens s'agglutiner autour du pauvre domestique et l'assaillir de questions.

— Votre ordinaire se montrera surement plus efficace. Peut-être est-ce sur lui que je devrais miser en fin de compte...

La magicienne se figea, le cœur battant. Elle n'était pas certaine de ce que l'homme tentait d'insinuer, mais le sentiment d'urgence se mit à lui tenailler l'estomac. Elle chercha plus frénétiquement encore Antoine, fouillant la pièce des yeux.

— Seriez-vous attachée à lui ?

— Où est-il ? exigea-t-elle d'une voix sèche.

Le regard du recteur étincela et un rictus mi triomphant mi révulsé étira sa bouche. Il claqua la langue d'un air désapprobateur.

Les Accords ÉlectriquesDonde viven las historias. Descúbrelo ahora