21 - MIRABELLE (2/2)

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Antoine l'attira derrière un des lourds pylônes d'acier et se plaqua contre la surface métallique pour éviter que la magicienne ne s'y brûle.

En silence, ils attendirent, le cœur battant serrés l'un contre l'autre. La peur d'être découverte forçait Mirabelle à ne pas bouger. Néanmoins, son esprit ne parvenait pas à totalement occulter la chaleur d'Antoine contre elle ni les pulsations agitées de son cœur à travers le tissu de sa chemise.

La flamme d'une lanterne illumina la pénombre d'un halo aveuglant lorsque deux hommes traversèrent la salle des machines. Ils passèrent à quelques pas d'eux, sans les voir.

— Tout semble en ordre, décréta le premier en levant sa lanterne vers les rouages en action. Tu vois quelque chose d'anormal ?

— Rien. Est-ce qu'il faut allumer la chaudière de secours ? demanda la voix de l'autre. On distancerait plus vite l'orage, non ?

Mirabelle se pencha discrètement pour reconnaître le profil de l'aérostier venu alerter le prince sur le pont. L'autre homme laissa planer un silence, comme s'il prenait le temps de la réflexion.

— Non. L'armature est censée résister à un ouragan, Becquerel l'a assuré.

Antoine se contracta brusquement. Elle le sentit s'agiter pour tendre le cou en direction des hommes. D'une main ferme, elle agrippa son col pour le forcer à se renfoncer dans l'ombre :

— Qu'est-ce qui vous prend ? Ne bougez pas.

— Ces hommes connaissent Auguste. Ils doivent savoir où le trouver.

— Vous n'allez quand même pas les aborder ici ?

— Et pourquoi pas ? répliqua-t-il en lui jetant un coup d'œil éloquent. À nous deux, nous pouvons les neutraliser. Et vous saurez les convaincre de parler.

Elle plissa les yeux, choquée par son audace.

— Je n'arrive déjà pas à vous persuader de rebrousser chemin, alors je vois mal comment je pourrais m'y prendre avec eux !

— Vous y mettez décidément toute la mauvaise volonté du monde !

— Pas si fort ! siffla Mirabelle.

Les voix des deux hommes s'étaient interrompues.

— Je vais me débrouiller tout seul, grommela Antoine en s'écartant, prêt à quitter les ombres protectrices de leur cachette.

Elle plaqua une main sur sa bouche et le repoussa en arrière, jusqu'à le plaquer contre le pilier.

— Vous avez entendu ? demanda l'un des hommes.

Un silence glacé tomba sur la salle des machines, strictement troublé par le ronronnement des rouages et le rugissement du vent à l'extérieur.

Mirabelle fixait Antoine, à la fois furieuse et effrayée, la main toujours plaquée sur ses lèvres. Leurs visages n'étaient qu'à quelques centimètres, seulement séparés par la barrière de sa paume. Elle pouvait sentir son souffle sur ses doigts. L'odeur fraîche qui s'échappait du col de sa chemise. Sa main frôla sa hanche, et ce simple contact lui parut plus brûlant encore que la morsure du fer. Le temps sembla se distendre. Son cœur cognait à lui fendre les côtes et la peur se mêlait à une sensation étrange, une chaleur agréable, sur laquelle elle refusait de mettre un nom.

Enfin, l'autre homme brisa le silence :

— Je n'entends rien à part cette maudite machine.

— On ferait mieux de remonter. Ils attendent là-haut.

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