25 - MIRABELLE (1/2)

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Mirabelle contempla la robe rouge déployée en corolle sur le lit. Elle se mordilla la lèvre et tendit la main avec une hésitation avant de laisser retomber son bras.

C'était idiot.

Le tissu pesait une tonne et le corsage à lui seul représentait un calvaire. Quelle occasion aurait-elle de porter à nouveau une telle tenue ? Aucune. Elle devait se résoudre à ne prendre que l'essentiel, et cette robe n'en faisait résolument pas partie.

Elle lissa tout de même les pans de la jupe pour en éprouver une dernière fois la texture. Un sentiment de culpabilité la tirailla. L'image de lady Osborne s'imposa à elle. Malgré tous ses défauts, ses maladresses, ses piques, et ses infâmes opinions suprémagistes, Mirabelle ne pouvait nier qu'elle les avait aidés... à sa manière. Antoine aurait probablement un avis différent sur la question, mais tout de même. Nul doute que la magicienne serait très vexée de leur départ précipité.

Elle avisa le secrétaire disposé contre l'armoire, fit claquer l'abattant et sortit un feuillet vierge ainsi qu'une longue plume d'oie qu'elle trempa dans un petit encrier.

La plume crissa sur le papier et d'une écriture fine, elle rédigea une note succincte de remerciements, ajouta un mot d'excuse et une explication évasive pour justifier leur départ. Puis, elle replia la missive et la glissa avec soin entre les plis de la robe.

Voilà qui apaisait quelque peu ses scrupules.

Alors qu'elle refermait l'encrier, un éclat doré attira son attention. La médaille d'Antoine gisait toujours au sol.

Elle s'approcha pour étudier le bijou. Elle savait qu'il y tenait, quoi qu'il en dise. Sinon pourquoi l'aurait-il conservé tout ce temps, avec les risques que cela impliquait ? Son regard s'attarda sur les maillons fracturés.

Regretterait-il son geste plus tard, lorsque la fièvre du départ se serait évanouie ?

Et s'il avait d'autres regrets ? lui souffla une voix pernicieuse.

Elle enfila ses gants et s'accroupit pour ramasser la chaînette avec précaution. La médaille se balança sous ses yeux dans la faible lumière. La vierge à l'enfant finement ciselée lui rendit un regard doux. Le disque tournoya sur lui-même révélant une gravure si délicate qu'elle dut plisser les yeux pour la déchiffrer :

Antoine Louis Reynaud. 16 juin 1832

Amassez des trésors dans le ciel. Matt.VI.20

Un sourire amusé étira ses lèvres. En règle générale, elle ne se montrait pas superstitieuse, mais la coïncidence la laissa tout de même songeuse. Alors que la tourmente mugissait au-dehors, et transformait le ciel en enfer, ce fragment d'évangile prenait des allures de promesse. Le genre de présage qu'on ne foulait pas du pied.

Elle sortit de son corsage un mouchoir et rangea le bijou à l'intérieur avant de le glisser contre sa poitrine.

Une rapide inspection de la chambre lui confirma qu'il n'y avait que peu de choses dont elle pourrait s'embarrasser dans leur fuite. Elle ne disposait d'aucun bien de valeur, ses gants étaient tout ce dont elle aurait besoin.

Ses doigts délacèrent tout de même les attaches de la robe brodée de perles et elle s'approcha de sa malle pour en tirer la toilette de demi-deuil de Violeta, celle qu'elle avait porté lors de leur incursion dans les bas-fonds londoniens.

Plus pratique. Et plus discret.

Il ne lui fallut pas plus d'une dizaine de minutes pour se changer, et elle s'assit sur la courtepointe du lit avec un soupir, rajustant nerveusement ses gants.

Les Accords ÉlectriquesWhere stories live. Discover now