15 - ANTOINE (1/2)

66 13 72
                                    


En rajustant une dernière fois son col, Antoine jeta un coup d'œil nerveux à travers la vitre. La voiture s'engageait sous une artère du quartier de Knightsbridge, où les résidences luxueuses, avec leurs péristyles immaculés, voisinaient les demeures plus anciennes comme autant de joyaux dans un même écrin.

— Nous sommes presque arrivés, les informa Lady Osborne.

Le fiacre ralentit au même moment pour passer sous une arcade couverte.

— Nous aurions pu aller à pied, commenta Antoine. Ce n'était pas si loin.

— J'aimerais vous voir marcher avec des souliers à talons et le poids d'une crinoline sur vos hanches, murmura Mirabelle.

Il avisa la lourde robe de velours qu'elle portait et dut convenir qu'elle n'avait pas complètement tort. Son attention glissa naturellement sur ses épaules, sa gorge et ses bras. Une chaleur s'empara de son ventre et remonta jusqu'à sa poitrine. Si les manches longues recouvraient soigneusement ses poignets, le décolleté en revanche frôlait la lisière de toutes les convenances. Sa coiffure dégageait pour une fois son cou et il fixa, fasciné, le duvet brun qui courait sur sa nuque à la base de ses cheveux.

La sensation brûlante grimpa jusqu'à son visage. Il tourna prestement la tête pour coller son front à la vitre froide. Il devait garder les idées claires. Ces pensées intempestives et ces pulsions complètement absurdes n'étaient qu'une conséquence de sa nervosité. Son esprit cherchait juste un objet de distraction, n'importe lequel, fût-il contre nature. Rien de plus.

Les rangées de caryatides qui soutenaient les voûtes de l'arcade lui rendirent un regard livide. Il eut la désagréable sensation qu'elles le jugeaient en silence.

La résidence du prince Solstörm tenait plus du palais que de l'hôtel particulier et même si Antoine ne pouvait masquer sa désapprobation, il devait admettre que la façade représentait une merveille d'architecture. Des corniches scupltées de guirlandes végétales marquaient chacun de ses trois niveaux, ponctués par de hautes fenêtres entrouvertes qui brillaient de mille feux dans le soir tombant. Elles arrosaient les pavés réguliers de la cour de leur lumière chaude et généreuse. Des éclats de voix, des rires raffinés et quelques accords de violons s'échappaient du premier étage, invitant les visiteurs à passer le seuil pour rejoindre les festivités.

Antoine descendit le premier et tendit une main gantée en direction de Mirabelle qui, pour une fois, choisit de l'accepter. Du bout de ses souliers, elle chercha l'escabelle avec prudence, gênée par les pans de son ample jupe.

Puis ce fut au tour de Lady Osborne de s'extraire du fiacre. Sa robe de satin, brodée de minuscules carapaces de scarabées irisées comme autant de perles aux teintes changeantes, crissa contre les portes.

— Je vais rentrer la première, lui confia-t-elle le regard brillant. Accompagnez votre sœur derrière moi.

Elle ouvrit son éventail dans un claquement sec et se dirigea vers les marches de marbre où un valet raide comme un piquet se tenait prêt à les accueillir.

Le fiacre repartait déjà et Antoine nota l'absence d'autres voitures.

— Notre hôtesse s'est arrangée pour arriver la dernière, dit-il en offrant son bras à Mirabelle.

— Encore une stratégie pour se distinguer, j'imagine. Nous sommes à Londres pour nous cacher, et elle se donne un mal fou pour qu'on nous remarque.

Antoine lui jeta un regard oblique.

— Si je peux me permettre, vous êtes tout sauf discrète ce soir.

Elle tressaillit et plissa le front, comme pour déterminer s'il se moquait d'elle ou s'il s'agissait d'un compliment.

Les Accords ÉlectriquesWhere stories live. Discover now