34 - MIRABELLE (2/2)

48 12 44
                                    

De nouveau dans les couloirs, elle guida Mirabelle jusqu'au premier étage. Une rangée de fillettes, cheveux soigneusement nattés, visage graves, toutes vêtues de blouses grises et conduites par une religieuse au regard sévère s'avança à leur rencontre.

— Ah, sœur Madeleine, s'écria Marie de sa voix douce. La petite Reynaud n'est pas avec vous ?

— Dans la cellule, souffla l'autre. Cette maudite enfant est en pénitence, encore une fois. Pourquoi donc ?

— Mademoiselle est venue la chercher. Ordre de l'Évêque. Elle retourne à Paris.

La religieuse se tourna vers Mirabelle et haussa un sourcil.

— Voilà une excellente nouvelle. Je vous souhaite bien du courage, mademoiselle. Prenez-garde, c'est un petit démon buté.

Sur un reniflement, elle pivota vers ses ouailles dont les grands yeux curieux inspectaient la visiteuse extérieure avec intérêt :

— Allons mesdemoiselles, dépêchons !

La file indienne se remit en marche, avec une discipline militaire. Les grands yeux brillants s'éteignirent et se braquèrent vers le sol. La minute de distraction s'était déjà enfuie.

Sœur Marie esquissa un rapide sourire, comme pour excuser la brusquerie de sa collègue et entraîna Mirabelle jusqu'à une porte munie d'un judas grillagé.

— Louise, lança-t-elle en introduisant la clé dans la serrure. Lève-toi.

Inquiète à l'idée de ce qu'elle allait trouver dans cette cellule, Mirabelle se tint en retrait, une appréhension sourde chevillée aux côtes. Par-dessus le voile de la nonne, elle entraperçut une petite pièce aux murs nus, à l'exception d'un crucifix de fer accroché au-dessus d'une couchette. Un minuscule œil de bœuf éclaboussait le parquet d'une flaque de lumière dorée.

Elle observa le lit étroit, les draps rêches, mais propres, le bureau sur lequel trônait une bible... C'était une pièce grise et sobre, un peu triste, certes, mais bien loin de la cellule de pénitence glaciale qu'elle avait connue.

Rassurée, elle osa avancer. Une silhouette recroquevillée contre la tête de lit leva le nez pour la toiser sans aménité.

— Cette demoiselle te ramène à Paris, expliqua sœur Marie.

La fillette ne réagit pas. Son regard étudia Mirabelle de haut en bas avec une méfiance accrue.

— Non, siffla une voix fluette.

On aurait dit un chaton rétif. Mirabelle approcha de la couchette et Louise recula jusqu'à se trouver dos au mur.

Un picotement de flux grimpa le long de ses nerfs. Une attaque maladroite et peu puissante, pas assez en tout cas pour figer ses mouvements. Mirabelle ignora la gêne et s'agenouilla à hauteur de la petite fille pour mieux planter son regard dans le sien.

Elle désigna la médaille à son cou.

— Tu la reconnais, n'est-ce pas ? souffla-t-elle doucement.

L'enfant plissa les yeux avant de les écarquiller. Mirabelle posa discrètement un doigt sur ses lèvres. Louise hocha lentement la tête.

Maline.

— Je connais quelqu'un qui a hâte de te retrouver.

La petite bouche s'entrouvrit de surprise. Une lueur venait de s'allumer dans le regard éteint et l'espace d'une seconde Mirabelle craignit qu'elle ne trahisse le nom d'Antoine.

Mais l'enfant resta muette, comme une carpe et se contenta de triturer fiévreusement le tissu de sa blouse. Nulle trace de bracelets à ses poignets. Les règles du couvent s'étaient probablement assouplies.

Les Accords ÉlectriquesWhere stories live. Discover now