16 - MIRABELLE (1/2

57 14 43
                                    

— Je ne comprends pas cette précipitation, pleurnichait Lady Osborne en chancelant pour sortir du fiacre. Alexeï était affreuuuusement vexé de notre départ.

— Alexeï s'en remettra, répliqua Antoine.

Dans un silence contrarié, Mirabelle rassembla ses jupes et descendit le marchepied tandis qu'il maintenait tant bien que mal leur hôtesse sur ses deux jambes. Elle les précéda pour grimper les marches du perron.

Alertée par le bruit des chevaux et armée d'une chandelle tremblotante, Béatrice leur ouvrit la porte, les yeux plissés pour percer la pénombre de la rue. Mirabelle réalisa qu'en l'absence de magiciens dans la maisonnée, les domestiques n'avaient d'autres choix que de s'éclairer à la bougie. Elle s'empressa de diriger le flux pour allumer les lustres du vestibule.

— Déjà ? s'étonna la femme de chambre en haussant un sourcil.

— Je crains que Lady Osborne n'ait un peu abusé des largesses du prince, expliqua Mirabelle avec une grimace.

Béatrice souffla sa chandelle et hocha la tête.

— Je m'en occupe. Mais cela risque de prendre du temps.

— Aucun problème, je me débrouillerai, affirma la magicienne en s'écartant pour laisser passer une Violeta pendue au bras d'Antoine.

— Je regrette tant que vous n'ayez pas dansé avec la nièce de Lady Cavendish... Je suis sûre qu'elle vous aurait plu... C'est une brave fille avec assez peu d'esprit, mais jolie comme un cœur.

Béatrice prit le relai du jeune homme, visiblement soulagé de se débarrasser de son fardeau. Avec une délicatesse dictée par l'habitude, elle passa un bras sous celui de sa maîtresse, preuve, s'il en était, que Lady Osborne avait pour coutume de forcer sur le champagne de ses hôtes.

— Allons, madame, venez avec moi.

— Ah, ne me parlez pas comme à une enfant Béatrice ! Je peux parfaitement tenir seule sur mes deux jambes ! s'écria Violeta en chancelant en arrière.

La domestique la rattrapa juste à temps et roula discrètement des yeux.

— Bien entendu. Mais je viens de briquer les sols, vous les trouverez peut-être un peu glissants.

— Quelle idée saugrenue ! Astiquer les planchers la nuit... Vous êtes bien sotte...

Elles grimpèrent à l'étage, abandonnant dans le vestibule Mirabelle et d'Antoine. Ils n'osaient échanger un regard et le silence entre eux s'éternisa, lourd de tension. Mirabelle avait l'impression de sentir encore la brûlure de sa main sur sa taille, la pression de ses doigts sur les siens et l'électricité dans son regard... Elle songea à la manière dont le flux s'était cabré autour d'eux pendant qu'ils dansaient et espérait que personne n'avait remarqué l'agitation de sa magie sous leurs pas. Elle coula un regard en biais dans sa direction. L'avait-il senti aussi ?

Antoine se racla la gorge.

— Je vais me changer et je repars. Bonne soirée.

Alors qu'il montait les premières marches, Mirabelle attrapa son coude.

— Où irez-vous ensuite ?

Il cligna des yeux, surpris et fixa la main de la jeune femme, comme s'il hésitait à se dégager.

— Rejoindre mes tripots et mes filles de tavernes, répliqua-t-il d'une voix cassante.

— Je viens avec vous.

— Pourquoi ?

— Pourquoi pas ? Si vous menez l'enquête comme vous le dites, vous n'y verrez pas d'inconvénient. Et dans le cas contraire, comme vous avez gâché ma soirée, je peux bien vous rendre la pareille.

Les Accords ÉlectriquesWhere stories live. Discover now