Les Accords Électriques

28 - MIRABELLE

L'eau envahissait tout.

Sa bouche, son nez, sa gorge, ses yeux. Le sel la paralysait. Il faisait taire les cris suraigus de la magie. L'étreinte d'Antoine s'était effacée en même temps que la chape de glace s'était refermée sur eux. Où était-il ? Le froid la transperçait, piquant sa peau comme un millier d'hameçons.

Des vagues belliqueuses malmenèrent son corps impuissant.

Elle se débattit en tous sens, incapable de distinguer le haut du bas. Dans cet enfer, tout était noir.

Je ne sais pas nager.

Elle tentait de battre des pieds et des bras, mais ses mouvements désordonnés lui donnaient l'impression de s'enfoncer plus profondément encore. Une terreur viscérale l'empêchait de raisonner. Une seule pensée, comme une sirène d'alarme stridente tournoyait dans sa tête : elle se noyait.

Encore.

À la différence qu'elle ne pouvait plus compter sur sa magie pour lui venir en aide.

Sa robe gorgée d'eau l'entravait, l'alourdissait, la tirait toujours plus loin dans les profondeurs. Elle ouvrit la bouche pour crier. Son esprit en manque d'oxygène ne réfléchissait plus. L'eau dévala sa gorge, se fraya un chemin jusqu'à ses poumons.

Elle cessa de batailler, épuisée. Vaguement, elle sentit à la marge de son esprit à la dérive qu'on l'empoignait par la taille. Quelqu'un arracha quelque chose à son cou et la tira violemment en arrière. Ou peut-être en avant.

Impossible de le savoir.

Quelle importance ?

Il faisait froid... si froid...

La magie l'avait abandonnée. Elle n'entendait plus son chuchotement et un silence absolu l'encerclait. Un silence comme jamais encore elle n'en avait connu, même au plus profond des heures sombres de sa mémoire.

Elle était seule. Terriblement seule.

Elle ferma les yeux et s'abandonna à l'obscurité.