12 - ANTOINE (2/2)

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— Vous êtes certaine que c'est ici ?

Antoine embrassa du regard la somptueuse demeure devant laquelle la diligence les avait déposés. De hautes fenêtres à croisée, encadrées par des chapiteaux de pierre blanche perçaient la façade dont les corniches se paraient de guirlandes sculptées. Le lourd porche plantait ses colonnes épaisses de part et d'autre d'une porte en bois noir, laqué à la perfection. Antoine pouvait presque y contempler son reflet

Mirabelle lui jeta un regard irrité.

— Évidemment que je suis certaine.

Comme pour en faire la démonstration, elle s'engagea sous le porche et actionna le heurtoir en marbre noir qui produisit un claquement sonore.

— C'est juste que... C'est si différent de la maison d'Emily. J'ignorais que sa sœur était riche...

— Il va vraiment falloir que vous révisiez vos idées reçues sur les magiciens.

Une domestique au visage pincé, entrebâilla la porte et les toisa d'un air peu amène.

— Nous sommes attendus par Lady Osborne, annonça Mirabelle avec hauteur.

— Et vous êtes ?

Antoine n'aurait jamais cru possible que quiconque puisse se montrer plus condescendant que Mirabelle, mais force était de constater que cette jeune femme peu gracieuse accomplissait l'exploit sans se donner grande peine.

— Mirabelle et Antoine d'Aubenas.

La servante haussa les épaules et s'écarta pour les faire entrer dans un vestibule mal éclairé. Un papier peint sombre ornait les murs aux sous-bassements en noyer. Des peintures moroses s'entassaient jusqu'au plafond dans une l'atmosphère de renfermé et de poussière.

— Lady Osborne est dans son cabinet de travail, décréta la domestique d'une voix égale tout en ouvrant une double porte sur leur droite. Vous pouvez patienter au salon.

Elle s'éclipsa tandis qu'ils pénétraient une pièce enténébrée à la décoration aussi chargée que celle du vestibule. Avec un soupir, Antoine se laissa choir sur un large canapé recouvert d'un chintz hors d'âge.

Mirabelle alluma les globes qui projetèrent une lumière soudaine et vive sur le décor. Une vieille cheminée de pierre sommeillait dans un coin et une quantité impressionnante de bibelots de porcelaine en habillaient la tablette supérieure.

Des bouquets de roses séchées diffusaient un parfum de pot-pourri et de violettes.

— Vous devriez vous asseoir, suggéra Antoine à la magicienne qui s'obstinait à faire les cent pas.

Sourde à son conseil, Mirabelle s'entêta à tourner comme un lion en cage. Il haussa les épaules. Un claquement précipité de talon résonna dans le hall. La double porte se rouvrit brusquement.

My dears ! scanda une voix haute-perchée.

Antoine se redressa, surpris.

La copie conforme d'Emily, vêtue d'une longue robe à crinoline de satin mauve à motif papillons se précipita vers Mirabelle. Elle saisit ses mains sous son regard médusé.

— J'étais morte d'impatience et d'inquiétude lorsque j'ai reçu le télégramme de ma chère sœur ! Pensez-vous, deux pauvres âmes telles que vous envoyées par ses soins. Emily est si avare en compliments vous savez, mais je sais lire entre les lignes et je la connais par cœur malgré les années de distance... Elle vous tient en très haute estime, je l'ai senti... Oh ce qu'il me tardait de vous rencontrer mes enfants !

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