Chapitre 16 - Manipulation

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— Cassie, Cassie, tu m'entends ?

Je cligne des yeux et mets du temps à accommoder ma vue. Je perçois les dalles d'un vieux plafond blanc grisé par le temps. Je tourne difficilement la tête et essaie de me souvenir pourquoi je suis allongée dans cette chambre aux murs immaculés. Des bips stridents et réguliers m'angoissent. Chaque respiration est extrêmement douloureuse, je sens un objet qui obstrue ma gorge et m'empêche de parler. Je m'agite paniquée, mais mes poignets sont attachés aux barreaux du lit. Je ne vois pas mon ventre, je ne ressens plus aucun mouvement, j'ai l'impression qu'il est vide, j'ai envie de crier, de me débattre. Où est mon bébé ?

— Calme-toi, tout va bien, je vais appeler l'infirmière.

Je reconnais la voix douce de Thalia. Elle presse le bouton d'urgence et j'attends d'interminables minutes. L'infirmière, Marine, si j'en crois l'étiquette qui orne sa blouse blanche, n'a rien de la personne bienveillante auquel on peut s'attendre dans ces circonstances. Elle m'explique laconiquement que j'ai été placée dans le coma à mon arrivée. L'équipe médicale m'a intubée pour conserver mes fonctions vitales et m'a mis une sonde gastrique pour manger. Elle me débite des données qui me semblent tellement dérisoires. Je veux seulement qu'elle me parle de mon bébé. Je pleure à défaut de pouvoir crier et quand je peux enfin prononcer des mots, de ma voix éraillée, je lui implore de me dire où il est ?

— Madame, vous avez passé deux semaines dans le coma, vous avez fait une grave hémorragie, vous avez deux côtes fêlées, des lésions abdominales, un hématome sous-dural qui se résorbe progressivement.

J'ai envie de lui cracher toute ma rage quand elle continue à me débiter sèchement un rapport sur mon état de santé en éludant ma question. Devant mon regard meurtrier, elle décide néanmoins de me donner les renseignements tant attendus :

— Quand vous êtes arrivée, nous avons dû pratiquer une césarienne d'urgence. Malgré la brutalité de ce que votre fille a enduré avant même de venir au monde, elle a survécu.

Ma fille, j'ai une petite fille. Je ne comprends pas le ton accusateur de l'infirmière, mais sa naissance me remplit de joie.

— Est-ce que vous pouvez me détacher ? J'ai besoin d'aller la voir, s'il vous plaît ?

Elle écarquille les yeux devant ma question et tout me semble irréel.

— Reposez-vous, je vais prévenir la personne qui s'occupe de votre dossier et vous aurez de la visite dans l'après-midi. Pour l'instant je ne peux pas vous détacher.

Puis, elle s'adresse à Thalia avant que je ne puisse l'interroger sur ces mots qui m'interpellent :

— Madame, veuillez me suivre, elle doit juste se reposer. Merci de respecter les heures de visites et de ne pas entraver notre travail.

Elle ne lui laisse pas le temps de protester et l'entraîne avec elle. Thalia, qui ne peut dissimuler ses yeux remplis de larmes, me promet de revenir.

Les minutes me paraissent des heures et l'attente est douloureuse. Je vois défiler des aides-soignantes, infirmières, médecins et personne ne répond à mes questions. J'ai glané quelques informations sur ma localisation : Vannes, hôpital le plus proche de Belle Ile, sur mon état qui nécessite que je reste encore quelque temps, mais rien sur ma fille ni l'entrave de mes poignets. Elle va bien, trois mots qu'ils me disent tous comme un texte récité par cœur. Thalia aurait dû me rassurer, me parler d'elle, mais son désespoir me laisse présager le pire. Et s'ils me mentaient pour m'épargner, le temps que j'aille mieux ? Ça expliquerait les larmes de ma meilleure amie. Qu'est-ce qui pourrait m'empêcher de la voir ? Pourquoi l'infirmière se comportait-elle de manière si odieuse ? Non, ça ne veut rien dire, il y a des personnes malveillantes partout, j'en sais quelque chose. Je repasse en boucle mes derniers souvenirs et je prie pour que Thomas n'ait pas la garde de ma fille.

Tu m'appartiens (CONCOURS FYCTIA)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant