Chapitre 26 - Première sortie

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Cela fait des semaines que Thalia m'encourage à sortir de la maison. Elle a décidé de garder Émilie et m'a organisé une soirée avec Julie et ses copines. Une première que j'appréhende. Ma meilleure amie le voit bien et se permet d'insister.

— Tu ne veux pas ressembler à ces mères poules qui ne laissent pas respirer leurs enfants ? Regarde-la ! Elle adore sa tata ! Je veux l'avoir pour moi toute seule ! Tu vas t'amuser comme une petite folle et tu me remercieras après. Je t'ai choisi une robe canonissime !!! Laisse-les te montrer à quel point la vie est belle !

Je sais qu'elle à raison, je ne peux pas m'enfermer toute ma vie dans sa maison. Ce n'est sain pour personne. Il faudra bientôt que je vole de mes propres ailes et que je laisse Thalia faire sa vie de son côté. Sa présence me rassure bien que ce soit très égoïste. Je commence doucement à regarder les annonces de biens à vendre, mais je me trouve toujours des excuses : cuisine trop petite, trop loin de Concarneau, trop isolé, trop grand, trop petit, trop vieux, trop de travaux !

À la sortie de l'hôpital, je me suis battue sans relâche pour récupérer l'héritage de ma grand-mère, je me bats encore. J'ai déjà touché une partie de l'argent. Quant à sa jolie demeure, j'ai dû y renoncer, elle a déjà été vendue à une famille et ne peut pas m'être restituée. Un coup de Thomas que j'ai eu du mal à accepter, il a même réussi à me voler mes souvenirs ! J'ai accepté tout l'argent qui m'était destiné après son suicide, pour assurer l'avenir de ma fille et essayer de réparer la vie qu'il m'avait volé. J'ai de quoi m'acheter une jolie maison et y fabriquer ma propre cuisine, bientôt, chaque chose en son temps. Je me suis vite habituée à la maison douillette de Thalia et même si je participe financièrement, j'ai conscience que j'empiète sur sa vie sentimentale. Théo est plutôt sympa et il essaie tant bien que mal de faire bonne figure quand Thalia passe ses nuits avec moi plutôt que chez lui. De son côté, elle a de moins en moins confiance en lui et voit en cette distance un moyen de vérifier si un avenir entre eux est possible. Elle joue avec le feu.

— Je veux bien sortir ce soir si demain tu acceptes de rester dormir chez Théo.

— Et qui sera là pour te réveiller quand les cauchemars t'envahiront ?

— Premièrement, je suis sûre que tu m'entendras de chez Théo et je t'interdis de venir. Deuxièmement, je dois apprendre à gérer cette merde toute seule sinon tu deviendras une vieille tata fripée désespérément seule et aigrie ! Depuis que je suis ici, c'est tout juste si tu lui accordes du temps, tu lui reproches de sortir alors que c'est toi qui refuses de l'accompagner. Je ne veux pas que tu le perdes à cause de moi !

Je suis terrifiée à l'idée de dormir seule avec Émilie, mais je ne peux pas la laisser gâcher sa relation.

— Je ne l'empêche pas de sortir, c'est juste qu'il se comporte bizarrement et avec son passif de dragueur, je n'arrive pas à lui faire confiance !

— Peut-être qu'il a juste besoin que tu lui accordes du temps, parle-lui, deal ?

— Deal ! Allez au boulot !

Je m'attelle en cuisine pendant que Thalia s'isole dans son bureau en télétravail. On a une organisation bien rodée. Émilie est installée dans sa chaise haute et me regarde cuisiner. Quand elle commence à s'agiter, je la pose dans son parc puis l'emmène dans ma chambre pour la sieste. À son réveil, sa tata vient prendre le relais pendant que je donne mes instructions au livreur en fin de matinée. Je travaille quelques heures l'après-midi sur mon approvisionnement, mes commandes, la comptabilité et l'organisation des livraisons. Nous goûtons toutes les trois puis je sors Émilie vers dix-sept heures pour prendre un peu l'air. Nous nous promenons le long de la plage ou dans la ville close de Concarneau quand le vent est trop fort, comme aujourd'hui. Le mois de décembre est arrivé à grands pas, mais la neige est rare ici.

Quand je rentre de notre ballade, je découvre une robe vert émeraude, de la couleur de mes yeux. Elle est magnifique et scandaleusement courte !

— Waouh, mais NON ! C'est très gentil, vraiment, elle est beaucoup trop sexy pour moi et tu as mis le nez dehors ? Il fait quoi, trois degrés ?

— Rappelle-moi ton âge ? Enfile-la, elle arrive au-dessus du genou, certes, mais rien de choquant ! Et puis je t'ai pris des jolis bas noirs. Avec mon manteau long, aucun risque ! Les bars sont surchauffés, et, dans le pire des cas, ça t'aide à te trouver un beau mâle pour pallier la fraîcheur de l'hiver !

Je plaque mes mains sur les oreilles d'Émilie, non, elle n'a pas osé ?

— Temps mort, on ne dit pas des choses comme ça devant ma fille ! T'as déjà oublié la dernière fois que j'ai rencontré un mec dans un bar ? Hors de question d'un taré de plus dans ma vie !

— Tu peux continuer à lui boucher les oreilles, c'est sûr que « Beau mâle » c'est plus choquant que « taré » ! Tu es tombée sur le plus gros psychopathe qui existait, mais il y a aussi des gens bien, tu sais ?

— Je suis désolée, mais ce sera jean et petit pull pour moi ce soir, c'est déjà bien que je sorte, aucune envie d'être reluquée toute la soirée comme un morceau de viande.

— OK, trop d'un coup, je comprends ! J'ai quand même une alternative à tes fringues de mémé, suis-moi. Et je ne renonce pas à te voir porter cette robe bientôt !!!

— L'espoir fait vivre !

Je lui tire la langue comme une gamine et on se chamaille pendant deux heures sur ce qu'elle veut que je porte et sur ce que je suis capable d'assumer. Je finis par ressortir de sa chambre avec un haut vert en soie, une jupe longue droite, légèrement fendue sur le côté et des bottines à talons noires. J'accepte un soupçon de rouge à lèvres et une parure oversize dorée. Elle prend le temps de dessiner de jolies boucles sur mes cheveux redevenus blonds qui m'arrivent maintenant aux épaules. Je caresse le tissu qui recouvre mes bras tatoués. C'est le premier endroit où j'ai été à la sortie de l'hôpital : un salon de tatouage spécialisé dans les covers de cicatrices. Ils ont caché chaque marque laissée par Thomas.

La sonnette de la porte d'entrée me sort de mes pensées.  

Tu m'appartiens (CONCOURS FYCTIA)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant