Chapitre 12 - Révélation

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Je rentre toute guillerette de ma visite chez la gynécologue, un sourire figé sur les lèvres et Art m'attend comme à son habitude, juché sur le tabouret de la cuisine, sirotant un café. Julie est à ses côtés et je sens depuis peu une pointe de jalousie que je ne m'explique pas. Ils ne me mettent jamais dans l'embarras avec des démonstrations débordantes d'affection, mais le fait qu'ils soient presque collés à table ou que parfois ils n'aient pas besoin de mots pour se comprendre, me rend envieuse. Je secoue la tête pour chasser ces pensées totalement déplacées. Julie aurait tous les droits d'être jalouse et possessive envers Art et, pourtant, elle ne l'est pas du tout.

Elle me demande ce que je prévois pour ce soir et je lui déroule le menu choisi : salade de chèvre chaud, galette complète et tarte Tatin, simple, mais qui plaît à tout le monde.

— C'est parfait comme toujours, je vous laisse cuisiner tous les deux.

Art lave la salade pendant que je prépare la pâte feuilletée pour le dessert. Je passe derrière lui et il se retourne pour m'éclabousser. Je prends le verre d'eau sur la table et le mouille à mon tour. Il a ce rire enfantin qui est si contagieux. Je manque de tomber sur le sol devenu glissant et il me rattrape et me ramène contre lui. Je sens son parfum boisé, brut, il accroche mon regard et se rapproche dangereusement de mes lèvres, ma respiration s'accélère et je ne devrais pas, mais j'ai envie qu'il m'embrasse. Il est si beau. Ses yeux bleus transpirent l'envie, mais aussi le doute. Il attend mon approbation. Je reviens soudain à la raison et je m'écarte vivement. Je crois lire de la peine sur son visage. Je ne peux pas faire ça à Julie, je suis autant en colère contre lui que contre moi.

— Tu crois que Julie réagirait comment à ce que tu viens de faire ?

Mon ton est sec, tranchant, je lui en veux.

— Julie n'a pas son mot à dire !

Je le regarde, bouche bée, mais quel culot ! Je reprends mes activités comme un robot et il ne dit plus rien, mais ses gestes trahissent autant d'énervement que moi. Culpabilise-t-il pour ce qu'il s'apprêtait à faire ? Ça le rendrait peut-être un peu moins coupable à mes yeux. Il aime Julie, ça se voit alors pourquoi lui faire une chose pareille ?

Je me sens honteuse quand elle nous rejoint à la fin de ce service pour le moins tendu. Elle nous regarde tour à tour puis nous demande si tout va bien. Art acquiesce. Heureusement, il ne lui dira rien ! Je tiens trop à elle pour risquer de la perdre.

Je décide alors de prendre le temps du dîner pour leur parler. Ça aura le mérite de mettre un point final à cette ambiguïté.

— J'espère que vous ne m'en voudrez pas de ne vous avoir rien dit. Je me racle la gorge, et regarde par terre, mal à l'aise. Je suis enceinte de cinq mois, c'est pour mai.

Je débite cette phrase à toute vitesse, relève la tête et sonde leurs émotions avec appréhension.

Julie se tourne vers Art qui quitte la table sans un mot. Il prétexte un rendez-vous avec le voisin. Je vois bien que mon annonce ne lui a pas plu.

Julie contourne la table pour me prendre dans ses bras. Elle me félicite chaleureusement et je me dis à cet instant que je ne mérite pas une amie comme elle.

— Je suis très heureuse pour toi, tu peux rester autant que tu veux et tu le sais. Tu seras peut-être vite à l'étroit dans le penty, mais ce sera ton choix. Si tu as besoin d'aide ou de parler, je suis là. Ne t'inquiète pas pour Art, il s'en remettra, il est juste très à cheval sur l'honnêteté et il tient beaucoup à toi.

Sa remarque m'intrigue. Certes je lui ai caché ma grossesse, mais je n'avais aucune obligation envers lui. Il tient beaucoup à toi... pourquoi me dit-elle ça ?

Une fois que les clients du manoir ont rejoint leur chambre, Julie m'invite à une soirée au coin du feu. On reste plusieurs heures à parler de ma grossesse, de l'avenir, on joue aux cartes et je finis par me décider à rentrer chez moi. Devant ma peur de la nuit, Julie me raccompagne.

Alors que nous quittons le manoir, Walou arrive suivi de son maître titubant au bras d'une superbe femme, qui ressemble à la cliente du manoir que j'ai croisée ce matin.

Elle nous toise d'un air hautain. Ils nous contournent tous les deux, sans un mot.

Julie me regarde, peinée, et donne l'ordre à Walou de venir avec moi.

— Envoie-moi un message si tu as un souci, il peut dormir avec toi ce soir. Je vais botter les fesses de Art.

Je rentre dégoûtée par son comportement. Il me déçoit tellement... les hommes, tous les mêmes ! Il est tellement alcoolisé qu'il ne doit même pas se rendre compte du mal qu'il lui fait. Et dire qu'il a essayé de m'embrasser il y a quelques heures. Je suis triste pour Julie et je m'en veux d'avoir pu imaginer quelque chose avec lui. 

Tu m'appartiens (CONCOURS FYCTIA)Hikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin