Chapitre 22 - Le piège

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Je peine une nouvelle fois à me réveiller, le corps ankylosé. Je mets du temps à m'adapter à la forte luminosité de la pièce. Je finis par reconnaître le lustre en métal noir et le cadre abstrait au mur. Je suis dans la maison de Thomas. Dans ce qui fut notre chambre. Un mal de tête intense m'empêche de me rappeler comment j'ai pu arriver là. J'ai l'impression de m'être enivrée toute la nuit.

Mon dernier souvenir remonte à Pauline. Ces traitements me rendent amnésique, je ne me reconnais plus. Je me lève avec difficulté. Je descends dans la cuisine, je fais le tour de chaque pièce, j'appelle Thomas, aucune réponse. Au rez-de-chaussée, bien loin de notre chambre, il y a une petite pièce dans laquelle se trouve un berceau et une armoire pour bébé. Il n'y a aucune décoration. Il faudra que j'en parle à Thomas, je veux mon bébé près de moi. Ma petite Émilie. Je vais la récupérer.

L'horloge indique quatorze heures. Je ne sais même pas quel jour nous sommes. Cette maison m'angoisse. Je réalise qu'il n'y a rien de moi ici, pas même un tableau ou un meuble que j'aurais choisi. J'y étais comme une invitée, je n'ai jamais été chez moi. Mon petit penty me manque.

J'essaie de sortir dans la cour qui borde la maison, mais la porte est verrouillée et je n'ai aucune idée de l'endroit où se trouvent les clefs. Je me sens mal, j'ai besoin d'espace, j'ouvre la fenêtre, mais l'air de Paris, pollué et lourd, m'oppresse. Il fait une chaleur étourdissante.

Je finis par m'installer sur le canapé, s'ensuit une attente interminable. Je regarde défiler les minutes, les souvenirs d'horreur m'assaillent et le docteur Granger n'est pas là pour me rassurer. Mon estomac vide se tord et je me mets à chercher un gâteau ou un bout de pain. J'ouvre tous les placards, désespérément vides. J'ai le choix entre une pomme ou des œufs. Pas de gluten, pas de lait. Le régime reprend. J'opte pour une omelette. Au moment où je m'attable, j'entends la clef dans la serrure. 

Mon mari s'installe face à moi :

— Alors mon ange, heureuse d'être enfin chez toi ?

Sa présence me déstabilise, je me sens toute petite, comme une intruse dans sa vie :

— Oui, mais je ne me sens pas très bien, je n'ai aucun souvenir de mon arrivée ici.

— Je vais demander au docteur Granger de diminuer ton traitement.

— Il me semblait qu'il avait quitté la clinique.

— Juste pour des vacances bien méritées. Nous restons en contact pour les prescriptions et le suivi de ses patients.

Il me prend l'assiette des mains et vide mes œufs dans la poubelle. Il sort de son sac une bouteille de jus détox et un petit sachet de baies de goji.

— C'est de ma faute, il faut que je refasse des courses. Tu ne veux pas te débarrasser de tes kilos de grossesse ?

Je regarde mon corps mince et je lui rétorque, vexée par sa pique :

— J'ai déjà tout perdu.

— Ne le prends pas mal, c'est sûr que tu es plus fine qu'enceinte, mais tu es bien loin de la silhouette que tu avais quand je prenais soin de toi.

Je me fiche de mon corps, mais parler de ma grossesse comme si ma fille n'existait pas, cela me blesse. Il ne remarque rien et poursuit :

— Une sage-femme viendra demain pour vérifier si tu peux reprendre le sport. Le plus tôt sera le mieux. J'ai pris mon après-midi pour rester avec toi.

— Est-ce qu'on peut aller se promener dans Paris, j'ai l'impression que ça fait une éternité que je n'ai pas mis les pieds dehors ?

Il accède à ma demande, me prépare des vêtements pour ma sortie : un tailleur-pantalon noir et des escarpins. C'est toujours un maniaque du contrôle.

Tu m'appartiens (CONCOURS FYCTIA)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant