Chapitre 9 - Réadaptation

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Je ne sais plus comment me comporter. Je dépasse les bornes. Depuis qu'il m'a ramenée, il m'aide avec bienveillance et je le traite comme si c'était le pire des enfoirés. Je culpabilise de l'avoir condamné sans écouter sa version.

Je me rends compte qu'il est déjà vingt-deux heures et je n'ai rien avalé depuis la crêperie. J'ouvre le frigo : ils ont fait des courses : j'ai des laitages, de la salade et deux plats traiteurs à réchauffer. Je choisis le poisson avec un risotto de cèpes, un délice. Le poisson est très frais, la crème est excellente.

Je m'en veux encore plus d'être aussi méchante alors qu'ils ont été prévenus il y a quelques heures et ont pensé à tout.

Je ferme les volets, prends une douche bien chaude, je suis soulagée d'enlever mes lentilles bleues qui me brûlent. Je me mets sous la couette douillette en sous-vêtements... Je devrai aussi m'acheter un pyjama. Le feu crépite toujours dans l'âtre et distille une douce chaleur dans la pièce.

Je ferme les yeux, je repense à Walou, j'espère que je pourrais le garder quand même de temps en temps avec moi. Je n'ai même pas demandé à Thomas ce qu'ils avaient fait de mon chat, les parents de Thalia l'ont sûrement récupéré. Il faudra que je m'en assure. Je tourne dans mon lit pendant des heures avant de trouver le sommeil et quand je dors enfin, ma nuit se ponctue de cauchemars. À chaque réveil, j'entends les craquements de la maison et le bruit du vent dehors. J'entends aussi les vagues qui se brisent sur les rochers. Je suis terrorisée d'être seule, si vulnérable. Je sais qu'il est impossible qu'il me retrouve déjà, pourtant je ne peux pas me raisonner. J'attends avec impatience que le jour se lève. Quand je faisais des cauchemars, ma grand-mère me disait toujours : « les fantômes de la nuit disparaissent au soleil, ne t'inquiète pas demain tout ira mieux ». Et c'était vrai, mes peurs d'enfants disparaissaient en journée pour réapparaître la nuit. Je priais pour qu'il en soit ainsi.

Vers huit heures, les premières lueurs du jour apparaissent et je suis heureuse que cette nuit soit derrière moi. Je cherche comment me faire pardonner. En ouvrant les placards, je trouve tous les ingrédients pour concocter des gâteaux. Je décide de leur confectionner ce que je sais le mieux faire : des cookies au chocolat et caramel au beurre salé. Je prends un plaisir immense à pâtisser. Plus de deux ans que ça n'était plus envisageable.

La bonne odeur de chocolat fondu à la sortie du four me rend nostalgique. C'est avec émotion que je transporte mes cookies encore tièdes jusqu'au manoir. Je me place devant une immense porte d'entrée en bois, et utilise le heurtoir pour les avertir de ma présence.

Julie m'ouvre, joyeuse. Je me sens soulagée qu'elle ne paraisse pas au courant de mon altercation avec Artémis.

— Quelle bonne surprise ! Entre, je t'en prie.

Je la suis et admire cette immense bâtisse. Les pierres sont apparentes et la hauteur sous plafond donne une impression d'espace. C'est tout l'inverse de mon penty. Ici, tout est démesuré. Les plafonds sont traversés de poutres en bois foncé, contrastant avec les murs de pierres et le sol en grés beige. Il y fait froid et elle m'invite à me rapprocher de la cheminée du salon qui mange tout le mur du fond. Je lui tends mes gâteaux et m'assois sur un fauteuil d'époque.

— On a encore beaucoup de travaux à faire, soupire-t-elle avant de se fendre d'un large sourire. Peu importe, nous sommes déjà complets pour l'année.

J'admire son optimisme devant l'étendue de la tâche. De mon fauteuil, la vue sur la plage bordée de pins centenaires est à couper le souffle. Très vite, le feu me réchauffe et j'apprécie ce moment de paix.

— Est-ce que tu veux un café, un thé ?

— C'est gentil, je ne veux pas te déranger, je souhaitais juste vous remercier et m'excuser auprès d'Artémis. J'ai parfois des réactions exagérées et il ne le méritait pas.

Tu m'appartiens (CONCOURS FYCTIA)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant