Chapitre 69

1.7K 153 33
                                    

- Un cinq en dictée ?! Franchement, tu n'as pas pu avoir mieux que ça ?! Même le fils des voisins à fait mieux que toi alors que son père est mort il y a des années !! Qu'est-ce qu'il a de mieux que toi hein ?! Tu as une famille toi au moins et malgré ça, tu t'obstines à rester stupide ! Monte dans ta chambre et tu n'en redescends pas avant demain !

La tête baissée, je traîne mes petits pieds d'enfants vers ma chambre et, comme mon père me l'avait dit, je reste dans celle-ci toute la journée, ma petite tête appuyée contre la vitre de ma petite fenêtre, à regarder le fils des voisins qui se faisait chaleureusement féliciter pour ses excellents résultats.

***

- Un six sur vingt en chimie ?! Nan, mais tu te moques de moi ?! Tu penses que tes sorties avec les cons qui te servent de copains vont t'aider à quelque chose ?! T'es privé de sortie pour une semaine ! Tu penses que si tu continues comme ça, tu vas réussir les examens de fin d'année ?! Ne compte pas sur moi pour payer la direction et les supplier de te faire passer en terminal.

- Tu penses que ça me fait plaisir ces notes ?! Gueulais-je en jetant mon cartable je ne sais où. Et ne t'inquiète pas, je vais le réussir ce foutu test de malheur, criais-je en montant les escaliers quatre à quatre.

Je reste dans ma chambre jusqu'au lendemain. Ma mère frappe plusieurs fois à la porte, mais je n'en fais rien. Pas question que j'ouvre, même pour elle.

***

J'ouvre les yeux lentement pour faire face au plafond blanc de ma chambre. Je n'ai jamais été l'enfant idéal, je n'ai jamais été le meilleur élève de la classe. Je n'étais même pas le type d'élève qui était encouragé par les profs, car il faisait un effort pour réussir.
Personne ne savait pourquoi je ramenais des notes aussi médiocres chez moi, et pourquoi je ne faisais jamais rien pour changer ça.
Les "il a du potentiel, on ne sait juste pas pourquoi il ne l'exploite pas" remplissaient mes carnets. Même moi, je ne savais pas pourquoi je trimballais des notes pareilles alors que je comprenais toujours ce qu'on nous enseignait en cours.
Mon père me rabaissait toujours pour ça, il a bien raison. Je n'ai pas pu le rendre fier, je n'ai pas pu être le genre d'élève qu'il montrait fièrement à la famille.

Une fois mes yeux habitués à la lumière, je me redresse légèrement. J'essaye de me lever, mais je n'y arrive toujours pas. Ce souvenir me blesse presque plus que mes souvenirs de prison. Je ne devrais pas plaindre mon père, il a raison de me détester, je n'ai jamais rien fait pour le rendre fier. Je comprenais tout, mais une fois devant la feuille d'examen tout se transformait en chinois, je ne comprenais plus rien.
Mais bon, je ne m'étais jamais vraiment intéressé à l'école. Je traînais souvent avec mes amis dans les ruelles du quartier, ou bien au café des parents du petit Matt. J'étais bien satisfait et l'école ne faisait pas partie de mes priorités. Je n'y allais que pour faire plaisir à ma mère. Je gagnais mon argent de poche en vendant des cartes de jeu Pokémon ou Yugi je sais pas quoi : je reprenais les cartes dont on avait plus besoin et les revendait pour les gosses qui en voulaient, ainsi que d'autres trucs aux élèves de ma classe. J'étais un vrai dealer et je n'ai jamais été attrapé par la direction. Heureusement pour moi, mon père m'aurait écorché direct.

Je veux lui montrer que je vaux bien plus qu'un élève stupide qui ne sait même pas compter deux par deux ou lasser ses chaussures. J'ai du potentiel, je ne l'ai pas utilisé là où il fallait, mais il est bien là. Je suis gérant de la concurrence d'une entreprise alors que je suis sans diplôme. Mon poste à une importance capitale dans l'entreprise, et je me vois bien parmi la grande direction qui entre en dernier durant les réunions. Je me vois bien avoir un appartement moderne dans une rue propre sans délinquants qui me cassent les fenêtres chaque jour. Je me vois bien marcher aux côtés de Samar fièrement, car oui, je la mérite. Je mérite de voir tout cela se produire, et pour cela, je dois donner à mon père l'argent qu'il demande, et puis penser à finalement exploiter mon salaire rien que pour moi. Pour moi seul, sans payer le loyer de deux maisons et épargner plus que la moitié de mon salaire.

Enfin libre ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant