Enfin libre ?

Chapitre 80

Il n'est pas la personne dont la trahison me surprendrai le plus. Il n'a jamais été un amoureux de la loi, et les suivre n'était qu'une routine monotone rien que pour éviter la prison, rien de plus. Il n'était qu'un alcoolique marginalisé de la société, mais jamais je ne l'aurais cru capable de collaborer avec une mafia et faire marcher un immense business international de trafique d'organe ! Pas parce qu'il n'en a pas le cœur, mais parce qu'il n'en a pas les tripes. Il n'a pas le courage de faire quelque chose de pareil ! Ça a toujours été l'homme paresseux qui restait sur son fauteuil dégoûtant, une bouteille de vodka dans la main, une autre dans la bouche, et une centaine d'autres dans le sang.

Je n'ai plus confiance en rien ni en personne. La personne la plus gentille au monde pourrait vous arracher les membres sur un coup de tête, et la personne qui parait si lasse et si insouciante pourrait faire fonctionner un marché d'organes depuis son fauteuil plein de sueur. La confiance n'est qu'une gomme enfuie au plus profond de notre être, elle devient de plus en plus petite après chaque erreur. La mienne est devenue si petite qu'elle ne sert plus à rien...

Je concentre mon attention sur le petit bout de papier sur lequel est inscrit une adresse qui pourrait tout changer, qui pourrait détruire le dernier pont qui me reste. Je sais que je me dirige vers un gouffre sans fond en suivant les indices de mon ennemi, mais ma curiosité n'acceptera jamais ne laisser passer cette adresse sans rien faire...

"Tu ne me crois pas ? Va à cette adresse, tu verras bien."

Mon pied appuie fortement sur le champignon, le ronronnement de ma caisse réveillant une partie de moi que je croyais morte il y a longtemps: La peur d'un inconnu si tentant. Je dois savoir, mais j'ai peur de le savoir. J'ai peur de trouver quelque chose qui enfoncerai le couteau plus profondément qu'il ne l'ai déjà. Je suis un papillon volant au dessus d'une flamme, attiré par sa lumière et sa chaleur mais effrayé par ses craquements et la mort qu'elle pourrait m'apporter si je m'approche trop près.

Je regarde derrière la vitre pour me tenir face à un immeuble rempli de lofts dans un des quartiers bourgeois de la ville. Un immeuble moderne, qui me laisse perplexe. Je suis sensé être au cinquième étage. Je coupe le contact rapidement une fois ma voiture garée, puis descend, un frisson me parcourant l'échine quand je pense à ce qui pourrait m'attendre une fois au cinquième étage.

***

Mes frappes sur la porte de l'appartement retentissent dans l'écho du couloir. J'attends sagement quelques minutes pour enfin avoir le droit de défoncer la porte: Personne ne va venir ouvrir, c'est bien logique, Wilkerson m'a sûrement...

La porte s'ouvre alors soudainement, révélant la silhouette de mon père, toujours aussi grincheux. Ma bouche s'entrouvre de stupeur en regardant la mine de mon père se dresser dans l'entrebâillement de la porte. Voilà pourquoi on m'avait donné cette adresse, c'est maintenant si clair devant mes yeux...

Il nous a laissé sombrer dans la pauvreté depuis ma plus tendre enfance, alors qu'il vivait dans le luxe que lui permettaient ses gains dans la vente d'organe. Nous mangions de la soupe faite avec les restes des anciens plats, alors qu'il se régalait calmement dans son loft de luxe ! Nous croyions qu'il restait au travail jours et nuits pour nous payer notre pain quotidien, mais ce n'était qu'un hypocrite, un égoïste et un lâche qui se régalait de la vie aisée injuste en plongeant sa famille dans la pauvreté !! Mais qui est-ce ?! Ce n'est pas l'homme détestable que je connaissais ! Si seulement il avait gardé l'image de père coléreux et paresseux que je connaissais, pas l'image de l'homme criminel, narcissique, qui ne pense qu'à lui et qui vit aux dépends des vies des autres !!