(Gratuit le 3 Janvier) APTITUDE : Le Chaos Et La Couronne.

CHAPITRE 1 : La Cueillette (Partie I)

Je revêtis la capuche noire de ma veste et avançai dans la rue bondée. Ce jour-là, tout le monde ou presque était dehors. Femmes, hommes et enfants se bousculaient. Cela n'avait rien d'étonnant. À cette heure de l'après-midi, la plupart des habitants de la misérable bourgade qu'était Kalénine se trouvaient encore au travail, et les plus jeunes rentraient tout juste de l'école.

Même si nous n'étions qu'au mois d'Octobre, il faisait une chaleur étouffante. J'avais assez étudié l'histoire pour savoir que c'était dû à ce qu'on avait appelé autrefois le réchauffement climatique. Phénomène qui semblait avoir subsisté après tous ces siècles malgré la Grande Explosion, mais qui s'était néanmoins tassé après la réduction de la population mondiale.

J'avais beau transpirer comme un bœuf sous ma veste noire, je préférais ne pas l'enlever. Elle me réconfortait et empêchait la peur et l'appréhension de s'insinuer à travers les pores de ma peau.

Je fus bousculée plusieurs fois par des inconnus affolés. Cela ne me ralentit pas, au contraire, je pressai le pas. Pourtant, je ne pouvais nier que l'agitation était trop grande. Je compris tout de suite ce que cela signifiait...

La boutique de Daniel. Réfugies-y toi.

Ces mots résonnaient en moi comme une prière. Tout en m'efforçant de ne pas céder à la panique, je me mis à courir. On m'attrapa le bras. Je hurlai. Une grande main se posa sur ma bouche, bloquant le son de ma voix.

— Chut, me murmura une voix apaisante. Kylie, ce n'est que moi.

Je soupirai de soulagement en reconnaissant la voix de mon plus proche et unique ami, Dylan. Ce dernier me guida alors à travers la foule, en silence. Le message était clair. Pas de temps à perdre en bavardages inutiles.

Nous arrivâmes bientôt à destination. Dylan poussa la petite porte en bois d'une minuscule habitation. Une personne ignorant son existence ne la remarquerait sans doute même pas.

Pourtant, cette boutique était le lieu de prédilection des Aptes les plus superficiels. Ou plutôt des Nobles les plus superficiels. Car contrairement à ce que pensaient beaucoup de personnes, tous les Aptes n'étaient pas forcément privilégiés. Certains pouvaient même être plus défavorisés que les Inaptes. Il s'agissait d'un cas rare, auquel je n'avais jamais assisté, mais bien réel.

Daniel Anderon était le père de Dylan. Lorsque j'avais rencontré ce dernier pour la première fois, j'avais treize ans. C'était peu après la mort de mon propre père lors d'un accident de travail, trois ans plus tôt. Ce dernier était employé au sein d'un garage miteux chargé de réparer des voitures, situé à l'extérieur de Kalénine, à mi-chemin du Palais.

Généralement, très peu d'Inaptes parvenaient à se procurer l'un de ces engins mécaniques, nous n'en voyions d'ailleurs jamais à Kalénine. Et lorsque c'était le cas, une immense frayeur prenait possession des habitants. Car nous devinions aussitôt à qui ces voitures appartenaient...

Avant le fatal accident de mon père Joe Taylor, ma famille avait déjà des problèmes pour joindre les deux bouts. Et pourtant, nous nous estimions chanceux en comparaison d'autres familles Inaptes de notre connaissance. Mais après la disparition du pilier de la famille, les choses étaient devenues très dures.

Tout m'était alors retombé sur la tête à une vitesse phénoménale. J'avais tout de suite compris que l'école n'était plus un endroit pour moi. De toute manière, aucun adolescent de mon âge ne pouvait se vanter de bénéficier d'un enseignement à la qualité exemplaire, entre des professeurs rongés par l'angoisse d'apprendre un jour l'enlèvement de l'un de leurs élèves, et des écoles misérables aux pupitres à moitié détruits.