(Gratuit le 3 Janvier) APTITUDE : Le Chaos Et La Couronne.

Les Prétendants A La Couronne (Partie II)

Nerveuse, j'observais soigneusement le visage de Kian passer de la surprise au choc à mesure que le prince feuilletait le journal de Nathan Stiles, installé sur un sofa près de la fenêtre de ma chambre.

― Non, ce doit être un cauchemar, murmura-t-il brusquement en me tendant le carnet, avant de se lever et de se mettre à arpenter la pièce de long en large.

― Tu avais raison, ce journal a été dissimulé pour une bonne raison, commentai-je en relisant pour la énième fois le discours d'Emeline Grayson.

― Est-ce que tu réalises, s'exclama Kian les mains tremblantes, que l'existence même de cette nation est bâtie sur un énorme secret ? Des siècles de mensonges ont bercé mon royaume ! La Grande Explosion n'était en réalité qu'un prétexte pervers pour lancer ce... ce fichu Virus sur l'humanité !

― Un Virus qui a ensuite conféré aux survivants des dons exceptionnels, ajoutai-je d'une voix étrangement calme. L'Aptitude.

― Mais pas à tous, soupira Kian. Certains survivants de l'explosion ont fini par succomber aux effets secondaires du Virus A20N, c'est ce que Nathan décrit quelques pages après le discours de cette vieille chouette. Des effets secondaires particulièrement violents, apparemment. Maux de tête, vertiges, troubles mentaux...

― Il y a aussi les survivants des autres pays, ajoutai-je en me remémorant tout ce que j'avais appris au cours de ma lecture. L'Aptitude n'est apparue ni en Europe ni en Afrique, uniquement en Asie et en Amérique...

― Bien sûr, comprit Kian. Il n'y avait aucun Inapte dans les deux continents à avoir atteint leur but. De la même manière qu'il n'y avait aucun Apte en Afrique et en Europe, dont le nombre de survivants était déjà bien faible. Ce doit être bien plus tard que les Inaptes ont décidé de s'installer ici et en Fédération Libre, voilà qui explique pourquoi ils sont minoritaires dans le royaume.

― Concentrons-nous sur les États-Unis, l'interrompis-je en brandissant le carnet. Et sur les jumeaux Taylor, Nathan dit qu'il n'a jamais réussi à exercer ses pouvoirs sur aucun des deux. Et que les effets secondaires dont ils souffraient se sont prolongés sur une durée bien plus importante que ceux des Aptes de l'abri souterrain.

― Ces effets secondaires ou symptômes étaient aussi plus violents chez les Taylor, commenta Kian d'un air pensif. Plus particulièrement chez la fille, Erika. D'après Nathan, elle aurait même sombré dans une profonde dépression. Son frère Lucas, lui, s'en est plus ou moins mieux sorti...

― Et après sont apparus leurs pouvoirs, m'exclamai-je. Dont une capacité à contrôler les... éléments, les quatre éléments !

Je m'interrompis, sous le choc, avant de me prendre la tête entre les mains.

― Ce que tu arrives à faire avec les flammes n'est encore qu'un dixième de tes capacités, Kylie, me dit Kian avec un regard admiratif. Je suis sûr qu'avec un peu d'entrainement tu pourrais réaliser des choses aussi impressionnantes que dangereuses !

Je hochai la tête en silence, avant de lâcher :

― Cependant, je trouve que ce journal contient encore beaucoup de mystères. Comme si Nathan avait bien trop écrit sur une trop courte durée, avant d'interrompre la rédaction de manière brutale.

― Je ne pense pas que c'est ce qui s'est passé, rétorqua le prince l'air soudain sombre. Je pense qu'il y a plusieurs carnets de ce genre, mais que quelqu'un a caché les plus importants, du moins qu'il les a dissimulés mieux que celui-ci...

― Pour être honnête, j'ai un peu l'impression que ce journal devait être trouvé, dis-je prudemment. Comme si la mystérieuse personne qui s'évertue à protéger tous ces secrets savait que j'arriverais ici un jour ou l'autre...

Kian releva la tête vers moi, sourcils haussés.

— La question est de savoir qui est cette personne. Et comment est-elle au courant de tout cela alors que même les dirigeants de la nation ignorent tout à propos des origines de l'Aptitude.

― En es-tu bien sûr ? répliquai-je. Penses-tu vraiment que tous ces secrets aient pu être cachés ici sans que le roi n'en sache rien ?

― J'en suis sûr, m'assura mon interlocuteur. Il y a des affaires qui se transmettent de monarque en monarque depuis des générations. Or, je ne savais rien à propos des origines de l'Aptitude ni du cas des jumeaux Taylor. Crois-moi, mon père aurait eu une réaction totalement différente en découvrant ton immunité s'il avait su que tu n'étais pas la première.

― Je suis pourtant la première depuis des générations, fis-je observer.

― Je trouve aussi ce point assez étrange, mais pas impossible à résoudre, il suffirait d'abord de remonter aux origines de ta lignée. Je suppose que l'Adam de ta famille était Lucas Taylor... maintenant, nous ne pouvons qu'émettre des hypothèses quant à la nature de son épouse.

― Sûrement une Inapte, lâchai-je.

― Nous ne pouvons pas être sûrs qu'il y avait déjà des Inaptes sur notre sol, pas si tôt, l'épouse de Lucas pouvait très bien être une Apte.

― Impossible, assurai-je en croisant les bras. Si cela avait été le cas, ma famille entière aurait été Apte. L'Aptitude domine, Calvin en est la preuve vivante.

Kian haussa les sourcils d'un air surpris.

― En effet. Donc, si nous parlons ici d'hérédité, nous pouvons considérer l'Aptitude comme un gène dominant sur l'Inaptitude, alors que ce dernier domine celui de...

― L'Égarement, soufflai-je après un bref coup d'œil au carnet.

À ma grande surprise, mon interlocuteur afficha un grand sourire déroutant.

― Quoi ? Pourquoi est-ce que tu souris comme un idiot ?

― Eh bien... tu dois te sentir libérée d'un poids, non ? rétorqua Kian en haussant les épaules. Au moins, tu sais désormais que tu es une Egarée. Et que tu es simplement le résultat d'une mutation du Virus qui a conduit à l'apparition des gens comme moi.

― Simplement ? répétai-je d'une voix moqueuse.

Le prince éclata de rire, et je ne tardai pas à l'imiter.

― C'est vrai que nous vivons une situation tout à fait ordinaire, railla-t-il. À la différence que nous sommes désormais au courant d'un secret qui pourrait faire basculer le système tout entier.

― Ce ne sont que des détails, allons, ris-je en balayant ses propos d'un revers de la main.

Soudain, le regard de Kian changea complètement et se fit plus sérieux. Je m'interrompis soudain en le voyant esquisser un pas en ma direction. Puis un second.

Je sentis mon rythme cardiaque accélérer lorsque nos visages devinrent bien trop proches à mon goût. Cela aussi, ce n'est qu'un détail.

Pourtant, je n'esquissai aucun mouvement de recul lorsque Kian posa ses lèvres sur les miennes avec une douceur extrême. Et même si ma raison me hurlait de mettre fin à cette énorme bêtise, je répondis au baiser du prince, satisfaisant ainsi mon cœur assoiffé.