La Naissance Du Brasier (Partie II)

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Je me retrouvai face à une dame d'environ une soixantaine d'années, encore belle. Ses cheveux argentés étaient parcourus de fines mèches sombres, et rassemblés en un chignon strict. Son regard gris se souda soudain au mien. À cet instant, une voix me souffla que je venais de me fourrer dans un sacré pétrin.

— Comment ça ? sifflai-je. Je n'ai pas de temps à perdre. Êtes-vous la fichue destinataire de ce paquet ou pas ?

— Je le suis bien, répondit-elle calmement. Mais le nom d'Ella Green était celui de ma défunte belle-fille. Elle a été assassinée il y a quelques années. Je préfère vous épargner les détails les plus sanglants.

Désarçonné, j'écarquillai les yeux.

— Je me présente, déclara mon interlocutrice en me tendant une petite main gracile. Mon nom est Amalia Casey Chasen. Pardonnez ce léger désagrément. Mais je ne pouvais pas laisser une trace de moi à n'importe qui. Pas même à un homme aussi inoffensif et respectable que votre cher père. Utiliser une identité insoupçonnable était nécessaire. Voyez-vous, je suis comme qui dirait... la personne à abattre. Comme mon fils avant moi, mais lui, ils l'ont eu.

— Ne le prenez pas mal, rétorquai-je. Je suis sûr que votre vie est une tragédie, mais il y a des gens qui ont de vrais problèmes. Les vôtres sont le cadet de mes soucis.

— Un peu de respect, mon garçon, grogna le Balafré. Tu ne sais pas à qui tu as affaire.

— Tout va bien Corey, dit Amalia sans me lâcher des yeux. Tu avais raison. Il a le profil parfait...

Je fronçai le nez, soudain dégouté. Qu'entendait-elle par cette phrase ?

— Dites-moi Dylan, avez-vous jeté un œil au contenu de ce paquet ? demanda-t-elle tranquillement.

Je sentis un frisson glacé me parcourir.

— Comment connaissez-vous mon prénom ? balbutiai-je.

— Contentez-vous de répondre, répliqua Amalia avec un sourire en coin.

— Non ! tonnai-je soudain, l'estomac noué. Je ne veux pas savoir ce qu'il y a à l'intérieur. Ce n'est rien que je puisse m'offrir en tout cas.

Avec un geste brusque, Corey le Balafré me fourra une lourde bourse en toile dans les mains. Fronçant les sourcils, je m'apprêtai à jeter l'offrande à terre. Je m'interrompis en sentant un métal froid à travers le tissu.

— Ceci revient à votre brave père, m'annonça Amalia. Voyez-vous, je sais apprécier le talent à sa juste valeur. Même si la commande qu'il vous a confiée ne m'est en réalité pas destinée...

Faisant fi de l'étrangeté de la dame, je dénouai les cordons de la bourse avec des gestes fébriles. Je sentis ma mâchoire se décrocher en découvrant des centaines de cubes d'or à l'éclat étincelant. Pris de court, je secouai frénétiquement la tête.

— Je ne peux pas accepter, balbutiai-je. C'est beaucoup trop...

— Ne sois pas ridicule, gamin, gronda Corey en m'assénant une bourrade tout sauf amicale. C'est ce que ton père et toi méritez pour ce bon boulot.

— Cette somme d'or exorbitante vous revient de droit, intervint Amalia. À force d'être rabaissé par les autres acheteurs, vous en êtes venu à douter de votre propre valeur. Ce n'est pas normal, Dylan. Malheureusement, c'est un comportement bien trop répandu. Il faut remédier à cela en urgence.

Je retombai brutalement sur terre en remarquant la tenue onéreuse de mon interlocutrice. Mes lèvres se retroussèrent en un sourire mauvais.

— Vous me semblez bien empathique pour une dame de votre rang, commentai-je. D'où vous vient cette subite prise de conscience ? Y aurait-il une pénurie de soie ?

(Gratuit le 3 Janvier) APTITUDE : Le Chaos Et La Couronne.Where stories live. Discover now