(Gratuit le 3 Janvier) APTITUDE : Le Chaos Et La Couronne.

CHAPITRE 18 : Le Père Du Rebelle (Partie I)

Le lendemain, je peinai à ouvrir les yeux. Je manquais cruellement de sommeil après la terrible nuit qui s'était écoulée. Finalement, je me redressai péniblement dans mon lit en frottant les paupières encore gonflées par mes larmes. Mon regard se posa machinalement sur la fenêtre de ma chambre, par laquelle pénétraient désormais les rayons froids d'un soleil matinal. Je ne pus retenir un sourire en me souvenant de la longue conversation que Baldwin Chasen et moi avions eue, et qui ne s'était achevée que très tard.

Poussée par une impulsion intérieure, j'avais révélé à Baldwin toute la vérité concernant les origines de l'Aptitude, ainsi que l'existence de l'Égarement et de la Vision. Et ce, en évoquant le journal de Nathan Stiles et les documents de Fealds, récupérés à la hâte dans la chambre du défunt. Le tout était désormais soigneusement dissimulé sous la fameuse latte de plancher amovible que recouvrait l'épais tapis à poils.

Je poussai un profond soupir en repensant à la manière qu'avait eue Baldwin de s'ouvrir à moi, et qui m'avait confortée dans ma décision de partager avec lui le fardeau des secrets que je portais depuis bien trop longtemps à mon goût. Je ne savais pas si j'avais raison d'accorder de nouveau ma confiance à quelqu'un à la Cour, mais Baldwin Chasen n'était pas n'importe qui. Il était un mouton noir aux yeux des DeCalonne et leurs alliés, ce qui nous faisait un point commun non négligeable.

De plus, je me sentais incapable de m'en sortir seule au milieu de ce guêpier. Tout le monde a besoin d'un allié dans la vie, et je ne faisais pas exception à la règle. Cependant, j'avais commis l'erreur de m'attacher à Kian DeCalonne, laissant mes sentiments naissants dicter ma conduite. Maintenant, les choses seraient différentes. Et je comptais bien ne plus me laisser distraire.

Désormais, je possédais une quête qui nécessitait d'abord de me fixer des cibles à atteindre.

La première d'entre elles serait d'en apprendre plus sur le mystérieux Edgar DeCalonne, afin de déterminer le lien entre lui et les sombres prémonitions de Loan. Car j'avais déduit des dires de Fealds que le défunt père de Geneviève en savait bien trop pour rester en dehors de la partie. Après tout, c'était bien lui qui avait retrouvé la trace des Confidents, puis permis à Fealds de s'immiscer à la Cour sans que personne ne pose de questions compromettantes. J'avais aussi cru comprendre que jusqu'à sa mort, Edgar avait gardé un œil attentif sur les agissements du Confident. Et comme un secret en dissimule toujours un autre, qui sait ce que cachait le frère de Thobias avant sa mort ? Je ne pus retenir un frisson en songeant que peut-être, Edgar DeCalonne avait retrouvé la trace de la dernière Egarée avant même que je ne découvre ma propre immunité contre l'Aptitude. Peut-être m'avait-il surveillée durant des années à l'insu du roi, attendant patiemment que je révèle ma nature secrète ?

Je fus tirée de mes pensées par un léger cliquetis. Relevant brusquement la tête, je vis Mélanie entrer dans ma chambre, une pile de vêtements entre les bras. Mon cœur se serra lorsque j'avisai son regard baissé au sol et son teint pâle. La vieille dame, habituellement d'apparence si forte, évoquait désormais une mère éplorée.

― Mélanie ? hélai-je doucement.

L'intéressée leva lentement les yeux vers moi, comme si elle s'éveillait d'un rêve.

― Bonjour Kylie, dit-elle en forçant un sourire. Comment vas-tu ce matin ?

― Tu sais pour Calvin, lâchai-je en éludant sa question.

Mon interlocutrice prit une profonde inspiration, comme si entendre ce prénom était trop douloureux pour elle. Finalement, elle se contenta de hocher la tête.

― Il m'a demandé de te dire au revoir, ajoutai-je prudemment. Je sais que pour lui, tu étais comme une mère, même s'il n'a jamais osé se l'avouer...