(Gratuit le 3 Janvier) APTITUDE : Le Chaos Et La Couronne.

CHAPITRE 34 : Le Déshonneur Du Visionnaire (Partie I)

Le corps raide comme un piquet, sa chevelure couleur feuille morte dégoulinant dans son dos, la mère de Charles et Geneviève se tenait face au roi. Ce dernier avait ses ongles fermement plantés dans la chair tendre du plus jeune membre de la famille royale. Je tressaillis en avisant le visage émacié de l'enfant, ses cheveux roux hirsutes et assombris par la saleté accentuant son aspect négligé. Charles n'était plus que l'ombre du jeune prince soigné qu'il avait été. Ne demeurait plus rien de son innocence espiègle, seuls la terreur et l'épuisement apparaissaient désormais sur ses traits.

Semblant enfin remarquer ma présence, Devonne me lança un regard alarmé. Je m'empressai aussitôt d'attraper la main libre de Geneviève et de la serrer fermement. La rouquine paraissait au bord de l'évanouissement, et ne sembla même pas remarquer ma présence. Je notai que sa peau était glacée.

— Père ! s'écria une voix paniquée derrière nous. J'ai reçu votre message !

Je me retournai et vis Kian se diriger vivement vers nous. Le visage déjà tendu du prince se teinta d'une expression horrifiée lorsqu'il prit conscience de ce qui se déroulait à quelques mètres de lui. Comme si elle s'éveillait d'un rêve, Geneviève se redressa vivement en apercevant son cousin.

— Kian ! lança-t-elle, le regard fou. Tu peux empêcher ça ! Tu prétends pouvoir devenir un grand roi ? Alors le moment est venu de faire tes preuves !

Élise jeta un regard d'avertissement à sa fille, comme Thobias posait un œil méprisant sur sa nièce. Je compris que la veuve d'Edgar DeCalonne tentait de garder sa fille unique hors du champ de mire du souverain, s'efforçant de conserver la situation sous contrôle. Sauf que personne ne se faisait d'illusions à ce sujet. Il y avait longtemps que les choses avaient dégénéré, malgré les efforts vains d'Élise...

— Père, souffla Kian d'un air perdu en esquissant un geste vers Charles.

Le garçon eut aussitôt un mouvement de recul, et le roi poussa violemment son neveu derrière son dos, le maintenant hors de portée. Face à ce geste, je vis le visage d'Élise se décomposer. Elle leva les mains en l'air dans une volonté d'apaiser les choses.

— Nous savons aussi bien que l'autre que tu n'as rien à prouver aux autres Nobles, dit-elle calmement. Tu n'es pas obligé d'infliger un tel traitement à un membre de ta famille par peur de représailles.

— À partir du moment où ce membre de ma famille se révèle être une faille, je me dois de faire respecter la loi, rétorqua Thobias d'un ton glacial.

À la surprise générale, Devonne s'écria d'une voix pleine de larmes :

— La loi ne t'a jamais empêché de n'en faire qu'à ta tête ! Ne nous prends pas pour des imbéciles, Charles pourrait très bien continuer de vivre à la Cour ou dans la résidence secondaire de mon oncle ! Les Nobles pourraient jaser à ce propos que tu n'en aurais cure ! Tu ferais mieux d'assumer ton acte de pure cruauté, au lieu de te cacher derrière des faux-semblants !

Un silence médusé accueillit ses propos. Le visage du monarque demeura impassible, mais la colère sourde qui grondait en lui était palpable dans l'air. Ne se démontant pas pour autant, Devonne se redressa de toute sa hauteur sans prendre la peine de sécher ses larmes.

— En voulant détruire sa famille, tu ne cherches qu'à te venger d'Edgar ! poursuivit-elle en élevant la voix, ses cheveux voletant furieusement autour de son visage. Comme tout le monde, tu crois dur comme fer que mon oncle a cherché à te trahir durant les derniers instants de sa vie ! Mais tu sais au fond de toi que c'est faux. Edgar cherchait simplement à te protéger !

Kian sursauta violemment, et la princesse s'interrompit aussitôt. Geneviève et moi échangeâmes un regard inquiet, craignant qu'elle n'en ait trop dit. Mais Thobias ne sembla rien remarquer, contemplant sa fille avec condescendance. Le visage d'Élise blêmit encore plus au moment où deux Gardes à la carrure impressionnante s'approchaient de leur souverain.