CHAPITRE 35 : Qui A Tué Henry DeCalonne ? (Partie I)

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Debout face à un large miroir au cadre argenté, je m'observais sous toutes les coutures, étrangement mal à l'aise. Mes mains moites effleurèrent la soie onéreuse de ma longue robe couleur crème, et je ne pus retenir un profond soupir. Je triturai nerveusement une mèche de cheveux brune échappée de mon chignon élégant.

— Kylie Taylor, tu me dégoutes, murmurai-je en fronçant les sourcils.

Non loin de moi, mon reflet me renvoya l'image d'une inconnue tirée à quatre épingles. Les bijoux qui ornaient ses poignets semblaient se moquer ouvertement de moi. Je m'apprêtai un instant à détacher le collier de perles enroulé autour de mon cou, puis me ravisai. Je penchai légèrement la tête sur le côté, intriguée par un détail non négligeable. Apprêtée de la sorte, il semblait se dégager de mon être une aura pesante de puissance et de lumière. Pourtant, ni les diamants ni le tissu onéreux de ma toilette ne parvenaient à dissimuler la lueur d'inquiétude qui brillait dans mes yeux marrons.

Je savais pertinemment qu'en se basant sur mon apparence extérieure, personne ne devinerait qu'à l'intérieur de moi se cachait une meurtrière. Ou que mes longs doigts parés de bagues luxueuses seraient bientôt tachés de sang. Mais je pouvais sentir les deux parts de moi rivaliser au fond de mon âme. L'ancienne Kylie Taylor n'éprouvait que mépris et colère à l'égard de l'Egarée, me reprochant d'être devenue ce que j'aurais dû haïr par principe.

— Aucune beauté extérieure ne peut effacer ce qui pourrit à l'intérieur, chuchotai-je. Et aucun parfum enivrant ne peut masquer l'odeur de la mort.

Comme mon rythme cardiaque se faisait plus haché, je me détournai du miroir et fermai les yeux en serrant durement les paupières. Tu le fais pour Kian, pour Amy... pour la Patrie de La Renaissance.

J'entendis quelqu'un frapper à la porte, et ne pus retenir un tressaillement. Je croisai les bras et me composai une expression neutre avant d'aller ouvrir.

Je découvris alors Mélanie Anderon sur le pas de la porte. Ses yeux bleus s'écarquillèrent en me voyant, et un sourire attendri étira ses lèvres fines.

— Tu es absolument magnifique, souffla-t-elle en effleurant mon visage. Tu as l'air d'une reine.

Cette dernière phrase me fit l'effet d'un coup de poignard. Après ce que je m'apprêtais à faire, je doutais qu'aucun DeCalonne puisse me regarder de nouveau en face. En réalité, je doutais parvenir à jeter un œil à mon propre reflet. Car j'avais beau avoir l'option de cacher la vérité à Kian et Devonne, je ne préférais pas ajouter le mensonge à la liste de mes péchés.

Face au compliment de Mélanie, je me contentai de hocher la tête. Néanmoins plus sèchement que j'aurais voulu, car une ride soucieuse barra aussitôt le front de l'Inapte.

― Tout va bien ? s'enquit-elle en me fixant. Tu m'as l'air soucieuse.

Maudissant ma faiblesse, j'esquissai un sourire forcé.

— Je suis juste un peu nerveuse, mentis-je. Je n'ai pas l'habitude de ce genre... d'évènements.

— Je suis certaine que tu passeras une belle soirée, s'empressa-t-elle de me rassurer. Les Nobles ne trouvent plus rien à dire à ton sujet, et je suis sûre que Kian te réservera une danse...

Mon interlocutrice marqua une pause, avant de me lancer un regard compatissant.

— En réalité, tu crains qu'il ne soit forcé de passer tout son temps avec Olivia Némirovsky, n'est-ce pas ?

Je retins de justesse un rire nerveux. J'aurais tellement aimé être le genre d'adolescente possédant des préoccupations aussi futiles. Mais à la place, j'étais une Egarée entourée d'ennemis de tous les côtés, réduisant la vie d'un homme à un vulgaire obstacle.

(Gratuit le 3 Janvier) APTITUDE : Le Chaos Et La Couronne.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant