c.1: Nouveau départ

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Je regarde du haut du toit de l'orphelinat les autres maisons, celles des riches, celles des gosses fortunés qui se fichent de tout sauf de leur petite personne. Ou du confort de leur vie, vous le prenez comme vous voulez. Ils jouent au golf, achètent leurs fringues dans des boutiques qui les desservent spécialement, mangent dans les grands restaurants, vivent dans des villas tout à fait extraordinaires, organisent de grandes réceptions. Tout est grand pour eux. Tout, sauf eux. 

Et dans tout leur baratin, on en fait quoi de vivre et bouger, de parler comme on le veut en mâchant un chewing-gum? S'acheter une délicieuse pomme d'amour a deux euros dans une fête foraine avec sa clique, crier à s'en déchirer les cordes vocales, prendre le monde et en faire partie, l'emmener avec soi, ça: c'est la vraie vie. Pas besoin d'être riche pour tout ça.

Je baisse la tête et regarde mon paquet de cigarettes. C'est le premier que j'achète.

De toutes façons, ma vie ne rime à rien.

Dur à admettre, sans doutes, mais crue est trop souvent la réalité. On parle, on parle, mais la beauté de la vie n'est pas dans cet orphelinat celle que je décris.

- Iris! Descends, il y a quelqu'un pour toi, ma chérie.

Quelqu'un pour moi? Restait-il seulement une personne qui penserait à moi, qui aurait fait l'effort de venir voir une fille rebelle et turbulente? En tout cas, je ne connais pas cette personne. Je ne connais pas grand monde comme ça.

Ma curiosité l'emporte, je me bouge les fesses. Je range donc la cigarette que je m'apprêtais à allumer dans son paquet neuf, descends du toit, puis atterris les deux pieds fermes dans ma chambre. Discrètement, sous un pantalon dans le tiroir de ma commode, je glisse le paquet et ouvre la porte.

Madame Russel m'attendait, toujours souriante. Elle représente ce cliché de la gentille dame blonde aux cheveux épais et bouclés à leur pointe, reposant juste sur leurs épaules. La quarantaine, un peu rondelette, toujours camouflée sous un pull-over, une ou deux rides dissimulées derrière une paire de lunettes pour miro. Elle me demande de la suivre, gentiment, et j'obéis, en maugréant. Pourquoi faut-il toujours que l'on me dérange quand je suis calme? Non, mon tempérament n'est pas stable, plutôt rangé du côté maussade. Je n'aime pas qu'on me dérange, je n'aime pas quand on me prend pour une enfant, je n'aime pas quand je me réveille encore et encore dans cette chambre qui sent le moisi.

La seule chose que j'aimais et qui n'est plus là, c'était Scoubidou, ma jument.

Aux talons de Madame Russel, j'entre dans le bureau, ou presque. J'y découvre un couple âgé d'un peu plus de trente ans, souriant jusqu'aux oreilles. Ça pue. Ça pue l'arnaque.

La femme est blonde, rouge à lèvres pétard, les yeux mi-noirs. La peau parfaitement lisse. Lifting? L'homme, lui, a les cheveux châtains, la coupe à la mode, rasé sur les côtés, un peu plus long au dessus. Son visage demeure exactement comme celui de sa compagne, lisse et beau. Leurs vêtements de soie affichent clairement "Nous sommes riches à n'en plus pouvoir et nous en sommes fiers". Rien qu'à leur tête, en fait, leur richesse sautait aux yeux, et cela repérable à cinq cents mètres au moins! Je l'avait dit, ça pue.

J'avale ma salive sans sourire, plantée comme une idiote dans l'encadrement de la porte. Je ne trouve pas ça drôle.

- Olivier et Anne Franks t'adoptent, ma chérie! Cela fait un an et demi qu'ils ont entamé une procédure auprès de nous pour toi. Ne sachant pas si cela allait aboutir, je ne t'en avais pas parlé. Tu vas enfin pouvoir vivre une vraie vie, comme tu en rêves. Je t'ai conseillée auprès d'eux car je vois bien qu'ici est un frein à ta passion, ajoute-t-elle, une sourire malicieux en coin. 

AzzaroTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang