c.3: Même le noir peut briller

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Adrien lève la tête de la queue qu'il démêle, et fronce les sourcils. Il me regarde longuement avant de répondre, un air de défi dans la voix.

- Et pourquoi?

- Parce qu'Anne te le demande. Je dois acheter un téléphone et remplir mon armoire! On va en avoir pour à peu près 4 heures, donc... si jétais toi, je me dépêcherai.

Bien préciser le temps, juste histoire de lui donner un avant goût de sa journée. En espérant te faire passer la pire de toutes, mon cher. Si j'avais eu une jupe, je l'aurais pincée des deux côtés, et aurait soulignée une révérence notable. Adrien soupire, et donne un dernier coup de brosse avant de quitter le cheval. Plutôt antipathique ce bonhomme, fort sérieux et absolument pas délicat, non pas que je le sois en contrepartie. Rien qu'à sa manière de brosser. J'ai beau ne plus vouloir penser aux chevaux, remarquer les détails défectueux ne peuvent pas échapper à mon œil inspecteur. Il me regarde d'ailleurs bizarrement, je le sais parce qu'il louche affreusement sur mon visage, comme si j'avais une vulgaire pustule, première en vitrine. Je dois dire que cela est particulièrement insupportable.

- Quoi?! Finis-je par demander, agacée.

Adrien secoue la tête, comme pour se tirer d'une vilaine pensée, et range la caisse dans le casier. Il sort de sa poche ses clés de voiture et les secoue en me regardant, on-ne-peut-plus sérieux.

- Tu comptes y aller comme ça?

Déjà que son odeur empeste, il ne va pas aller ainsi dans les boutiques!

- Oui, ça gêne mademoiselle?

- Ça gêne mademoiselle, en effet.

Naturellement, comme si il n'y avait rien de plus banal, mais toujours dans l'éternelle provoque. Je note que le cheval derrière lui cherche quelque chose dans son pantalon. Il est plutôt mignon: c'est un petit cheval noir, pas si fin que ça, sans muscles, mais charmant. Il a la tête typique d'un Selle Français. Une cicatrice juste sous l'œil attire mon attention. Je l'observe longuement dans les yeux, comme pour essayer de deviner son caractère. Ses traits fins le rendent minutieux et s'étirent à leur maximum pour fouiller la poche d'Adrien.

- Houhou! Il me tire de ma pensée tandis qu'il rit. On y va?

Je marque une deuxième note de dégoût face à ses vêtements, il ajoute:

- Je resterai dans la voiture, allez viens ou je pars sans toi!

Sans attendre ma réponse, Adrien fait volte face et se dirige vers un 4x4 flambant neuf. Ce n'est pas pour autant que je le suis; je reste plantée comme une idiote à regarder le petit noir s'ébrouer. Il m'a l'air drôlement vif, je me demande d'ailleurs pourquoi il n'a pas le plaisir de se défouler dans un pré, il a besoin de prendre l'air.

Quand je réalise que je n'ai pas bougé et qu'il en est aux trois quarts du chemin, je cours pour le rattraper. Mon postérieur prend place au siège passager en pensant malicieusement que je n'aurais pas sa vue pendant tout le trajet. C'est une tactique comme une autre pour éviter les personnes: lorsqu'il y a quelqu'un que je n'aime pas, je me mets à côté de lui, ça m'évite d'voir envie de vomir à chaque fois que je lève la tête.


       Il se gare devant un Mr Bricolage et descend, tandis que je demeure immobile. Déjà que je dois le supporter tout le trajet, je ne vais pas l'accompagner!

- Tu viens?

Le sourire aux lèvres, j'aurais pu parier que c'était en quelques sortes de la drague.

- Tu rêves.

Je le gratifie de mon superbe regard noir en croisant les bras, afin de lui montrer que je suis bien déterminée à rester dans cette voiture.

AzzaroWhere stories live. Discover now