c.61: Comme ça, sans prévenir

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Lou m'a épatée, quand le policier s'est exclamé un "En effet..." qui a fait basculer sa mission de "récupérer un cheval" à "visiter des gens pour rien" elle a commencé à lui prouver qu'ils avaient tous tord, parlant de toutes sortes de choses qui menaient à des arguments juste et valorisés comme il le fallait. Je riait donc à son nez lorsque le lendemain matin, elle me racontait en démêlant ses cheveux où elle avait appris à parler de la sorte.

- Tu parles! Tellement de fois je me suis faite virer de cours ou encore collée au passage, si avec ça je n'ai pas développé mes arguments d'excuses, je ne vois pas comment j'aurais pu faire!

Au programme de la matinée: elle séchait les cours du lundi matin pour financer tranquillement avec moi une matinée complète de shopping avant se résigner à tout de même à assister au cours de maths qui commençait à quatorze heures. Ensuite, elle viendrait prendre son cours de dressage prévu ce soir à dix huit heures, cours au quel j'ai également promis d'aller. J'ai d'abord supplié Anne d'annuler le rendez-vous avec mon professeur particulier d'histoire de dix heures et de le repousser à quatorze heures, également. Après une grimace, elle l'a appelé et j'ai obtenu une fois de plus ce que je voulais. Moi qui rencontrait souvent des enfants capricieux en me baladant dans la rue, je leur aurait bien donné une tarte. L'idée de ne même pas avoir à faire en pleine rue un cirque braillant de pleurs et de supplie pour obtenir ce que je veux me fait sourire, j'ai la revanche sur la pauvreté dans laquelle mon pourri de grand-père m'a abandonnée avant de mourir sans même me laisser ses gains.

Bref, la journée s'est déroulée comme elle le devait. Une fois que Lou a disparu dans la voiture blanche de sa mère et que celle-ci a passé le grand portail, Adrien est venu me poser une question tout en montant au manoir, nous changer.

- Iris, cette fois il faut que tu acceptes que j'aille au moins à la giga fête que fait mon meilleur ami pour son anniversaire.

- Giga tu dis? Hors de question, si c'est pour finir au lit toute la journée le lendemain parce que t'auras pris une grosse cuite, tu peux toujours rêver!

- Iris, comprends-moi un peu, une fête par mois, ça va pas te tuer de me laisser y aller quand-même!

- Je t'ai déjà dit que je ne te faisais pas confiance?

Un petit sourire apparaît sur mon visage, me rappelant agréablement le souvenir de la dernière soirée.

- Oui!! Justement! J'en ai marre!!

Je peux voir dans ses yeux un énervement grand, très grand même. Il commence à perdre sérieusement patience, et intimidée par cette noirceur, je détourne mon regard. Doucement, il prend alors mon menton et m'oblige à le regarder. Je pointe alors rageusement mes pupilles dans les siennes et attend ce qu'il à a me dire.

- Iris écoute-moi bien... J'en ai marre de tout ce cirque, si c'est juste parce que tu ne me fais pas confiance, au point que tu me prives autant de ma vie sociale, dans ce cas là on arrête.

- Je ne te suis pas là, on arrête quoi?

Le bipolaire change alors complètement de face, ses yeux rougissent et s'envahissent d'eau salée, et doucement quelques larmes coulent sur ses joues. De le voir comme ça me fend le cœur, mais je reste les bras croisés dans le salon et aucun organe de mon corps ne daigne réagir.

- On arrête tout, nous deux, nos délires, nos taquineries, tout.



                    Je ne suis pas sûre de ce qu'il a fait, parce que je ne m'en souviens plus nettement, mais il est partit, en y laissant sa fierté, pleurant de douleur à ses propres paroles. La seule chose que mon corps a pris en compte de faire après Adrien, ça a été de froncer les sourcils, face à se rabat de situation. Ça fait actuellement trois heures que nous avons cassé, et je l'entends à l'instant renifler, dans sa chambre. Il est tard, et Lou et Pauline me bombardent de messages pour s'assurer que je vais réellement et nettement bien. Après l'avoir revue, on s'envoie régulièrement quelques nouvelles, contentes de se retrouver. Il fallait d'ailleurs qu'on prévoie une après midi toutes les deux, mais ce n'était pas encore calé. Il y a une chose qui me sidère: je n'ai pas versé une seule larme, pas même une remontée de pleurs n'est intervenu dans ma gorge. Je me sentais... Toute bizarre. Il est presque vingt trois heures et Lou m'appelle, mais sachant parfaitement quelle est l'isolation, je ne décroche pas. Je me contente de me précipiter et de m'enfermer dans le salon. Je sais qu'au moins, d'ici personne ne m'entend. Sûrement pas même Olivier, dans son bureau encore en train de travailler.

- Oui allô?

- Comment ça se fait que tu ne pleures pas? Dis moi comment tu te sens et vite ma grosse!

- Bizarre, j'ai pas envie de pleurer, je ne suis même pas triste! Mais je ne suis pas non-plus joyeuse tu vois, c'est trop bizarre.

- Ah ben il va falloir...

Je n'écoute pas le reste de sa phrase, une silhouette  s'est arrêtée à l'entrée de la porte. Mon téléphone m'échappe et tombe par terre, je suis sidérée du visage que je découvre.

Adrien se tient droit, les yeux rougis, il n'a d'ailleurs pas mangé avec nous ce soir. Son nez a sûrement coulé, je distingue que sa mâchoire est contractée.

- Alors comme ça, tu t'en fiches? Tu te fou de moi depuis le début? Dis-moi au moins en face que tu ne m'as jamais aimé!! Dis-le!! Assumes au moins!! Et moi qui souffre pour la connasse que tu es! Ça vaut bien le coup, tiens! S'exclame-t-il en levant les bras.

Un long silence demeure et ses paroles criées résonnent dans ma tête comme un écho. Je finis par ouvrir la bouche, le sens de mes mots tout réfléchit.

- Dans ce cas, souffre en silence s'teuplaît.

Je me baisse pour ramasser mon appareil et veille à cogner son épaule en repartant.

L'écran de mon portable est tout fissuré, il ne marche plus, mais quelle importance cela peut bien avoir? Aucune à mes yeux, étant donné la situation. Scoub se réfugie dans mes bras et s'allonge sur moi pour obtenir des caresses, je suis convaincue qu'elle comprend qu'il se passe quelque chose. Je pense à Pauline, à qui je n'ai pas répondu, puis à Lou, que je n'ai pas écoutée jusqu'à la fin. Je ne l'ai pas entendu remonter même après vingt minutes passées. La seule raison potable est qu'il s'est fait à manger, afin de survivre. Je me lève tôt ce matin, mon premier cours est à huit heures, et il est six heures. En silence je me prépare et sort du manoir, talonnée par ma chienne. Je sais que tout le monde dort encore, c'est une occasion merveilleuse pour faufiler quelques mots de discussion avec Azzaro.

" Salut, désolée de te réveiller si tôt... "

Il se lève en s'ébrouant doucement et me renifle les poches avant de me répondre.

" Ne t'inquiètes pas. Je sais tout, pour Adrien et toi! Hier soir juste après votre engueulade il est venu se livrer à moi longtemps, de A à Z. Il est passé par tous les détails.

"Ah, pas trop lourd à entendre?"

" Oh, bin j'ai dormi la plupart du temps, j'avais autre chose à faire moi! Mais ce que j'ai compris de son monologue c'est qu'il tient vraiment à toi, qu'il a fait ça pour que tu réagisses, mais tu t'en fiches. Il a dit qu'il regrettait de t'avoir incitée à dire toutes ces bêtises mais qu'il était bien heureux de ne pas le savoir, au final. Il a dérivé à parler de notre relation, à toi et à moi. "

" Et qu'est-ce qu'il t'a dit sur nous deux? "

" Qu'il était persuadé que les chevaux en savaient beaucoup, qu'ils l'écoutaient sans juger, et qu'il savait qu'il se passait un truc entre toi et moi, mais il n'a pas décrété quoi. "

Je souris, le fait que j'ai décidé de ne rien dire à Adrien à ce sujet prend finalement son importance.

" Qu'est-ce que je vais faire? Je ne ressens rien, c'est vrai. Je ne sais même pas si je l'ai aimé réellement! Je nage dans les problèmes, moi... "

" Je ne m'y connais en rien aux cœurs moi! "

" J'ai aucun moyen de prévenir Lou, mon téléphone est cassé. "

On est resté là, tous les deux, à discuter de cette histoire sous tous les points de vue possibles. Je n'ai pas non-plus vu Adrien de la journée, à part enfin le soir, quand il a daigné venir manger avec nous. J'ai passé la première partie du repas à guetter ses réactions. J'ai souvent croisé son regard, colérique pour la plupart du temps. Boy a bien vu notre manège, le repas a été aussi silencieux que mon tout premier dans cette famille. Le soir même, il s'est préparé et s'est rendu à la fête, puis Boy s'est précipité sur moi avec plein de questions. Quelle journée épuisante! Lou m'a grondée quand je lui ai répété mot pour mot la dernière phrase que j'ai adressé à Adrien. Je suis totalement perdue, je ne sais quoi faire.


AzzaroWhere stories live. Discover now