c.43: Des gens bizarres traînent

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Je sens les nerfs d'Azzaro se reporter sur toute son attention, un bruit trop loufoque et il détale comme un lièvre. Dessus ou pas dessus, ma présence ne changera pas grand chose à son instinct.

C'est trop calme.

Seuls les pas des chevaux résonnent sur la terre meuble. Pas même un cricket ne siffle. Je ne saurais jamais comment décrire le doute qui règne en nous. Nos yeux scrutent, plissés ou grands ouverts, à l'aguet d'une simple feuille volante.

" Il y a quelqu'un à quelques mètres. "

Azzaro m'a dit ça en chuchotant, de peur qu'on ne l'entende. Ses pieds s'encrent dans le sol, pire qu'un arbre. Il commence à faire pivoter son corps de manière à effectuer un rapide demi-tour. Quand Savane s'aperçoit de la crainte de son ami, il l'imite aussitôt. Mon regard croise alors celui de ma meilleure amie et tout devient...

Bizarre...

- Heu... Il y a quelqu'un? J'hasarde.

Un gros bruit surgit d'un buisson, à seulement deux mètres de nous. Un homme tout noir hurlant " OUI! " munit d'une tronçonneuse en ricanant me fait totalement perdre le contrôle. Je serre les jambes du plus fort que je peux. Un cri très aigu s'échappe de ma gorge, mais aussi de celle de Lou, sur mes talons. Les deux chevaux ont fait demi tour et nous nous sommes retrouvés ventre à terre en quelques secondes. Nous crions toujours, mortes de trouilles. Les oreilles de mon étalon effectuent des changements de direction permanents, ses grands yeux blancs sont ouverts, et Savane détale aussi vite que lui à nos côtés. La panique est à son comble.

- IL EST ENCORE LA?!

Lou hausse les épaules alors que les chevaux traversent plein galop le terrain que nous venions de passer au petit trot. Après dix minutes de plein galop, la vitesse ralenti et nous explosons de rire, de soulagement. Quelle frayeur! Une vague de joie remplit alors mon cœur et l'atmosphère glacée qui pesait y a quelques secondes se transforme pour un bon fou rire. Cela fait du bien un peu, de rire de peur. Azzaro hennit gaiement et je le regarde, une lueur d'admiration dans les yeux. J'aime quand il me rappelle que sur son dos je serai toujours en sécurité, j'aime quand je ne vois que la prunelle de son œil, de là où je suis, j'aime voir ses oreilles en avant et ressentir ses muscles de son dos. J'aime aussi passer mes doigts dans ses fins crins noirs et regarder leur petit scintillement, dû aux rayons du soleil. Tout cela, c'est un petit plus de choses et d'autres qui font que je l'aime encore un peu plus à chaque fois. Passons, le rire a cessé et je jette un coup d'œil derrière mon dos, histoire de m'assurer qu'il ne nous aurait pas rejoint, mais le sentier que nous venons de traverser ne passe que la largeur d'un cheval: aucun risque.

Longtemps après, en rentrant au club, nous parlions toujours de notre ressenti. Nous avons passé toutes les secondes au peigne fin de notre scrupuleuse aventure. On en a rit, avec frayeur et appréhension, tout était partagé.

Je descends et dépose un doux baiser sur l'angle du museau doux d'Azzaro, toutes les cavalières se reconnaîtront.

- Tiens, d'ailleurs, je ne t'ai jamais entendu prononcer son petit surnom, il en a un au moins?

J'explose de rire au nez de Lou, sous son idiote question.

- Non mais parce que Savane, c'est patate, alors c'est quoi le tien?

Je ris à n'en plus finir sous le nez de mon amie. Azzaro rit intérieurement aussi, je le sais parce que je le connais trop bien pour ne même pas avoir à lui demander. Elle lève un sourcil, sans froncer l'autre, une de ses particularités que je n'arriverai jamais a reproduire. Je m'arrête un instant, puis je laisse tout de même échapper un gémissement retenu de rire, quand elle louche avec ses yeux et rigole à son tour.

AzzaroWhere stories live. Discover now