c.19: L'heure est aux aveux

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- Ça ne te dérange pas, si nous restons voir comment tu t'en sors? propose Olivier.

A vrai dire oui, c'est stressant. D'un côté, je les comprends: confier leur cheval à leur fille qu'ils n'ont jamais vu monter, il vaudrait mieux la voir à l'oeuvre! Je mens gentiment.

- Non non!

Je me tournes sur ma gauche pour ouvrir mon casier, Anne s'approche pour mieux voir l'intérieur. Quand j'ouvre la grande porte, elle s'exaspère d'un souffle en devinant que cela a dû coûter. Tout est bien rangé, neuf et brillant, comme l'intérieur d'une maison. Je me souviens que le casier que j'avais pour Scoub, a été l'unique et même casier depuis que j'étais toute petite, toujours nickel et formidablement bien rangé. Iris maniaque, bonjour! Déterminée à faire de même pour celui là, je m'y applique. Je pense que le casier représente l'intérieur de notre tête: bordélique, conscient, bien dans sa peau, stressé, simple à vivre ou encore ordonné. Olivier siffle d'admiration et... et je remarque qu'Adrien a disparu. Où a-t-il bien pu aller? Toutes les tâches à faire, elles sont cochées sur la tableau du bureau, soigneusement fait de ma paume encore pleine de craie. Bon, OK, je n'ai pas fait les box, mais ça n'est pas mon boulot! Puis, soyons honnête, ça prend du temps et c'est barbant. Je m'empare du tapis et de l'amortisseur pour les installer sur le dos d'Azzaro le plus délicatement possible.

"Ça va? Tu as vu, nous avons des contrôleurs aujourd'hui! "

Pour me rassurer plus moi-même que lui, je lui parle. Parce que le fait qu'ils me regardent me stresse. Ils examinent chacun de mes mouvements un par un jugeant chaque seconde de mes efforts. Qui n'aurait pas la goutte de sueur à la tempe! Je devine au regard d'Anne qu'elle a déjà détaché. Je ne sais pas à quoi elle pense, mais cela étire et arrondit ses pommettes.

"Moi ça va. Mais toi, tu devrais te détendre."

Pourtant, rien dans mon physique ne laisse paraître une seule seconde ma gêne. Seul mon fort intérieur est agité. Et question expressions faciales pour mentir, je maîtrise plutôt bien. Je dispose la superbe Antarès sur son dos, doucement, mais habilement. Faute d'un geste répété des centaines de fois: rapide et efficace. Ne jamais négliger ces deux mots. Geste également imité bien des fois: le soin de dé-garrotter largement, comme je l'ai toujours fait. Je fixe la sangle dans les lanières du tapis et l'attache de l'autre côté, elle lui va a merveille! Joli coup d'œil, Iris.

Cette idée me ravit, et le sourire aux lèvres, je passe sous son encolure pour récupérer les guêtres, j'ai rincé l'argile avant que ma famille adoptive arrive. Délicatement, je les installe en pensant que ça fait tellement longtemps que je n'ai pas fait ces mouvements! Comme une idiote, je souris rien qu'à cette idée: seller un cheval alors qu'on ne l'a pas fait depuis longtemps procure une joie mésestimée. Anne me laisse assez de place pour attraper le filet et le lui mettre. Je passe les rênes par dessus les oreilles et les bloque avec la laine de mouton qui ressort de l'amortisseur. Il prend le mors tout seul, comme un ange, sûrement lui aussi tout content de reprendre de l'entraînement! Même si cela commençait uniquement par une balade. Et encore, sans raconter la petite expérience d'avant, c'était un bon début! Je sors la belle bombe de son étui après avoir ajusté le filet à sa taille et la met. Anne me prend par les deux épaules et me contemple un instant avant de me libérer.

- Tu es superbe ma chérie! Bonne balade.

Mon regard plein d'étoiles plonge dans le sien, la fierté la comble, ça se voit. Je la remercie, tandis qu'elle me colle un gros bisou sur la joue, sous la bombe. Il y a petit peu de bave qui est restée, mais je n'ose pas l'enlever devant elle. Le pire choix du monde. J'use alors d'une tactique: je me penche dans le casier pour récupérer une pomme - fraîche et non pourrie - , essuie ma joue comme si tout allait bien et me relève pour la donner à Azzaro, elle sourit tranquillement et m'aide même à monter après avoir ressanglé.

- Alors?

Elle paraît vraiment heureuse de me voir à cheval, tout est décrit dans ses yeux! Moi qui la trouvait bizarre au début, je n'étais simplement pas habituée au belles têtes de gros riches! Bon, j'imagine que maintenant je n'ai plus le droit de les critiquer, vu que je fais partie de cette classe sociale. Contrairement à ce que j'aurais pu penser avant des riches, pouvoir s'acheter ce que l'on veut n'a rien de si mal, et les gens "riches" ne s'occupent pas spécialement de leur petite personne. Tout le monde est égoïste, je qualifierai en particulier les gens normaux, qui gardent tout ce qu'ils ont pour eux! Ces gens ont du cœur, ils sont quand-même allés en Ferrari dans les cartiers défavorisés de la ville pour adopter une... Iris. Faut être dévissé. J'aime bien leur folie.

- C'est... Juste trop bien, merci beaucoup, Anne. Merci pour tout. Sans vous, je ne sais pas quelle personne affreuse j'aurais fini par être.

- Mais de rien, ma chérie.

Je commence à faire demi tour, songeant bien que la conversation était finie, mais Anne ajoute tout haut:

- Oh! Il faudra que l'on t'annonce quelque chose, ce soir.

J'acquiesce, puis pars en ressanglant une dernière fois, en direction de Lou et de Savane. En passant devant les gens qui vaquent, je me fais féliciter, pour mon retour à cheval. Ça fait du bien. Tout mon corps se vide d'un poids énorme, tellement lourd que je n'arrivais plus à vivre comme je l'aurai aimé. Je souffle longtemps un bon coup et me rend compte que je suis heureuse. Je suis heureuse? Réellement heureuse? Un an de dépression, de malheurs accablés, de labeur, de bêtises, qui l'aurait cru? Moi, une pauvre fille qui a eu sa chance chez les riches, les gros riches.

Lou est déjà à cheval, lorsque j'arrive. Elle siffle quand elle me voit, en rigolant.

- Ben dis donc tu as fière allure, toi, sur un cheval avec des super affaires mais l'air campagnards!

Je rigole à cette idée, on fait la paire! Cavalier un jour, cavalier toujours, tel est le dicton. Ce sport est une réelle drogue, c'est dingue, on en boit chaque gorgée sans jamais être saoul. Et c'est pourtant un effet aussi procurant que la cigarette, nous en sommes totalement dépendant. Je secoue un peu la tête pour me remettre les idées en place et regarder franchement mon amie. Je n'en ai peut-être qu'une seule, mais elle me suffit amplement! Heureuse de réunir ce que j'aime le plus: la passion et l'amitié, nous partons en balade, pour une petite heure. Discutant de tout et de rien, le moment se veut très agréable! Jusqu'à ce que l'épisode de l'autre nuit sorte de ma bouche. Mince... Bon, ben... maintenant que j'ai commencé, autant finir. Je me lance donc dans un récit, tellement long qu'on a le temps d'arriver à une cascade, pourtant bien loin du club. Elle me regardait dans le vide, comme si elle buvait chacune de mes paroles, se passionnant de ma petite vie. Plutôt comique! Nous nous arrêtons devant l'endroit, il ressemblait bien aux comptes de fées, un peu irréel, trop beau pour être vrai, comme le fait que je puisse parler à Azzaro par la pensée. La soudaine envie de lui raconter ce qu'il se passe avec Azzaro me prend. Non Iris, elle n'y croira jamais.

Réfléchis un peu, elle te prendrais pour une folle totalement psychotique.

Mais je peux lui faire confiance.

Cette ridicule phrase prend le dessus sur toutes les autres et je prends mon courage à deux mains pour lui avouer.

- Ça ne va pas? Tu es toute blanche!

Sans me préoccuper ni de mon état, ni de sa phrase, je commence.

- Lou, il faut que je te dise quelque chose de vraiment très important. Mais pour ça j'ai besoin que tu me donnes ta paroles que tu ne le répétera pas, même si ça te semble fou. Et aussi que tu le jures, sur la tête de Savane.

Elle prend un air amusé et me répond:

- Houla! Il en faut des choses sincères pour que tu me dise ce que c'est. Je te jure sur la tête de Savane que je ne répéterais rien, absolument rien de ce que tu me dis. Je te donne ma parole!

Elle se redresse comme un soldat, ce qui m'amuse, mais l'heure n'est pas assez bonne pour rire d'un rien. Je prends un grand souffle et commence:

-Je ne sais pas trop pourquoi, mais je peux parler avec Azzaro. C'est dingue!

AzzaroWhere stories live. Discover now