c.7: Bizarre bizarre...

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Des larmes dévalent mes joues à vitesse grand V, jamais autant d'eau n'a dévalé mes yeux en si peu de temps. Et dieu sait que j'en ai eu l'occasion! La douleur grandit encore et encore, je me retiens de crier de toutes mes forces, mais la douleur est atroce... C'est insoutenable.

"Iris."

Mon nom résonne dans ma tête en un écho infernal. Pourtant, il a été prononcé avec tendresse, mais je suis terrorisée. Une balle m'a traversée? Je crie, pleins poumons. Jusqu'à ce que ma gorge me brûle. Ce qui me certifiait que je n'étais pas en train de rêver, c'était mes yeux grands ouverts, qui me renvoyaient le sol, trop réaliste. Je manque d'air, atrocement. La bouche grande ouverte, j'essaye de respirer comme je peux. Je ne peux plus respirer du tout! Mes yeux se ferment contre ma volonté et la douleur s'arrête, une énorme pulsation soulève mon torse du sol et le laisse retomber de tout son poids. Je suis recroquevillée devant mon rideau sur le parquet, je pleure. La douleur n'est plus là, mais je la ressens encore. Je pense à mes parents et à Scoub, ils me regardent d'en haut, savent-il, eux? La porte s'ouvre en grand, on accoure sur moi. Ce qui me sidère le plus, c'est que je suis totalement consciente.

- Iris? Iris! Ça va? Iris!! On me secoue, mes oreilles sont comme immergées, je n'entends pas très bien.

Quelques minutes, je reste recroquevillée en pleurant. Qu'est-ce qu'il s'est passé? Je veux qu'elle vienne me sauver. Je veux revoir Scoub. Je veux Scoub. Ma Scoub. Scoubinette. Mon coeur. Ma vie. Scoub. Je marmonne Scoub dans ma barbe, en boucle, comme si ça allait réellement la ramener.

On me prend, me porte et me dépose soigneusement dans mon lit. On installe ma couette par dessus et commence à s'en aller. C'est la silhouette d'Adrien que je découvre, reprenant mes esprits.

- A... Attends.

La main sur la porte, il se retourne, la referme et s'assoit sur mon lit.

- Adrien, c'est toi hein?

La chambre est noire, j'ai à peine reconnu sa voix entre mes larmes et ma douleur.

- Oui, qu'est-ce qu'il s'est passé? Ça va?

Je me relève et le prend dans mes bras. J'ai besoin d'une présence.

- Non, ça ne va pas, reste avec moi, je t'en supplie. Je t'en supplie. Je t'en supplie. Je t'en supplie.

Je le serre sans doute aussi fort que j'ai eu mal, j'ai besoin de lui, c'est le seul qui est là. Il me berce doucement. Sans broncher une seconde, il s'installe à côté de moi sous la couette et je prends sa main. Je ne veux pas le lâcher, pas après ce qu'il vient de se passer. "Je suis en toi." Cette phrase résonnait dans ma tête, c'est cette phrase qui a déclenché la crise. Mais qui ça peut être?

          Je ne dors toujours pas quand le soleil se lève et les rayons traversent la pièce. Adrien ne m'a pas encore jamais vue défoncée d'une nuit courte et sans maquillage. Je le regarde dormir, il est encore plus mignon. Après tout, qu'est-ce que ça changerait qu'on soit en couple? A part que j'ai perdu son pari? Rien. De toutes manières, ici, je n'ai rien à faire. Il y a beau y avoir un tas de filles et garçons qui circulent dans les écuries la journée, je n'ai aucune envie d'aller les voir. Au moins l'une d'entre elles me reconnaîtrait et tout le monde serait au courant; c'est pour cela que je me cache sous une tonne de maquillage.

Il ouvre les yeux. Cramée... Bon, j'assume, je n'ai plus le choix.

- Salut, lançais-je en souriant.

- Salut. T'es super au naturel, il sourit, et ses yeux son sincères. Mais attends, je rêve ou tu me regardais dormir?

- C'est exact! T'es plutôt mignon quand tu dors, mais là, tu viens de tout gâcher! Je rêve ou tu viens de me dire que j'étais belle?

Il me donne un coup de coude gentil en rougissant, haha, j'ai trouvé son point faible! Il se lève et part se doucher, je l'imite de mon côté. Finalement, je crois que je pourrai vivre avec lui, bien qu'il soit insupportable, il reste attirant et très mignon, mais c'est bien son seul atout, tout de même. Aujourd'hui, je me décide à aller voir les écuries pleines. J'enfile de nouveaux vêtements, et je m'impressionne une fois de plus à m'apprécier dans une autre couleur que le noir. Je me maquille quand-même et laisse mes longs cheveux bouclés à leur guise. C'est la toute première fois que j'aime autant mes vêtements sans porter mon ancienne et traditionnelle culotte d'équitation! Adrien et moi descendons aux écuries. Anne avait exigé que je devais l'aider aux tâches les plus longues, comme celles de curer les box par exemple...

Aussitôt débarqué, un triplet de filles arrivent sur lui, elles lui demandent chacune à leur tour un service. Si ses journées se résumaient à cela, je veux bien comprendre qu'il en ai marre d'être ici. Les filles ne m'ont même pas adressées un seul mini regard, tant et si bien qu'Adrien a été obligé de me présenter, puis il m'a attribué les grains du matin. Une fois le troupeau de femelles en chaleur parti, il se tourne vers moi pour m'expliquer quelques trucs.

- Pour la première fois, je vais faire les grains avec toi, ensuite tu les feras toute seule. Et quelle chance tu as de ne pas te faire remarquer, si seulement les filles m'ignoraient autant!

Je rie jusqu'à me plier en deux en répondant:

- Ce n'est pas Monsieur Adrien qui hier se vantait d'avoir autant de filles à ses pieds? Et qui a même parié que je tomberai amoureuse de lui?

Il rougit, gêné, sans trop savoir quoi répondre. J'aime trop! Je décide de passer dire bonjour à Azzaro avant d'aller chercher le chariot à grains. Je lui fais un petit bisou, tout simplement. Adrien demande:

- Lui, tu le connais depuis quelques heures et tu lui fais des caresses et des bisous et même pas à moi?

Je ris rauque, quel bouffon.

"C'est drôle ça, bonjour Iris."

Je tressaille en m'immobilisant.

- Ça ne va pas?

Adrien s'inquiète, mon comportement est bipolaire. Je l'ignore, tourne la tête vers Azzaro. Le cheval me regarde avec les oreilles en avant, attendant des câlins. Est-ce lui qui m'aurait parlé? Je fais des hallucinations, ce n'est pas possible.

Adrien fini par me prendre le bras pour me forcer à m'amener à la grainerie. Il m'annonce les rations de chaque cheval une à une afin que je remplisse le bol pour leur donner, puis on passe à l'écurie suivante. Le club compte une bonne soixantaine de chevaux à nourrir chaque jour... C'est en passant ce petit moment avec Adrien que je remarque les regards noirs et mauvais de certaines cavalières. Mais ce sera malheureusement mon travail du matin. Après avoir fini, il me laisse afin d'aider en carrière. Je me dirige donc vers une cavalière qui semble galérer à soulever le pied d'un cheval. Elle le fâche, mais le flemmard alezan ne daigne pas réagir.

- Besoin d'aide? lançais-je en souriant, quand je me pointe devant le box.

Je n'ai pourtant pas vraiment la tenue exigée pour proposer mon aide, mais bon. La fille en question se relève pour m'observer, elle doit avoir mon âge, blonde avec un teint plutôt foncé, ses yeux sont au naturel et son visage est superbe. Elle me dévisage de longues secondes et je vois sa mâchoire se décoller.

- Ça va?

Je demande au bout d'une dizaine de secondes silencieuses. Cette fille me regarde comme si j'étais la huitième merveille du monde, elle doit pourtant avoir mon âge. Enfin, elle s'empresse de me dire:

- Tu ne serais pas Iris Joy?

- Scoub était ta jument!

Elle commence à parler de plus en fort et je ne tiens pas à ce que tout le monde le sache, alors je mets ma main sur sa bouche et l'entraîne à l'intérieur du box.

- Oui, alors, par contre j'aimerais que tu ne le dises à personne s'il te plaît.

Je lui dis cela gentiment histoire qu'elle comprenne un peu la situation. J'enlève automatiquement ma main de sa bouche, elle commence à me lécher, beurk!!

- Même pas à mes parents?

Elle me supplie du regard.

AzzaroWhere stories live. Discover now