c.4: Riche à en n'en plus pouvoir

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- Je ne sais pas, je peux te faire confiance? Lui lançais-je, un sourire aux coins des lèvres.

Cette question est ambitieuse, mais c'est un moyen comme un autre de tester sa sincérité. Depuis toute petite, je m'amuse à puiser mes réponses dans le regard des gens, tant et si bien que nous nous retrouvons les yeux dans les yeux. Il doit en faire rêver, des filles, lui, mais en tenue de ville. Ça va que je connais assez bien l'odeur des chevaux pour ne plus la sentir, mais les autres... Ses traits sont d'une beauté a s'en décrocher la mâchoire.

- Ça, c'est à toi d'en décider.

Il me sourit, content que je ne le remballe pas, comme à chaque fois qu'il m'adresse la parole. Je détache un instant mon regard pour admirer la vitrine et tombe amoureuse d'un ensemble, je m'impressionne d'ailleurs à laisser mes goûts vaquer sur autre chose que du noir ou du gris, dont je suis habituellement vêtue. Nous rentrons donc dans la boutique, je l'essaye avec une autre tenue que j'ai repéré, et finalement achète les deux. Tout se passe dans cet ordre là, jusqu'à ce qu'Adrien regarde sa montre puis s'affole.

- Iris!! Il est déjà une heure! Il faut rentrer, je recommence à une heure et demie et je n'ai pas encore mangé!

Je me détends en sortant de la cabine d'essayage, mets ma main devant moi direction le sol et la fait voler de haut en bas.

- Calmos... J'ai tout prévu.

Je me rhabille en vitesse et passe en caisse avec Adrien, tapant du pied de nervosité.

- Mais tu vas arrêter oui!

Il s'excuse, puis passe sa main derrière son cou, gêné que je le rembarre devant la caissière. Je saisis le sac sèchement et nous sortons du magasin. Il me demande énervé:

- Bon alors, on fait quoi? C'est quoi ton truc organisé de gonzesse?!

Mon petit cerveau décide de rester muet, tel une carpe. En passant devant une boutique d'électronique, je réalise que je suis là essentiellement pour acheter un téléphone, et que ce n'est toujours pas fait. Je l'emmène sans un mot dans un kebab, mon endroit préféré pour manger. Il regarde la vitrine du petit restaurant en plissant les yeux pour essayer de lire le menu.

- C'est quoi ce truc tout pourri? Se plaint-il devant la pancarte, négligeant l'endroit.

Ce qu'il peut être naïf! Je lui demande choisir, mais il ne répond pas, regardant la carte de travers pour essayer de deviner ce que sont des tenders ou un kebab au poulet.

- Bon, tu sais quoi, je commande pour toi, et tu me dis après, ok? Tu as de la chance de m'avoir trouvée, parce que toi, tu as sérieusement besoin d'un bon coup de chiffon.

L'ignorant hausse les épaules. Tout ce qu'il se charge de faire est de passer encore sa main dans son cou en riant. Je commande, puis nous nous installons autour d'une table à l'intérieur, accompagnés d'un Coca et d'un Fanta.

Après avoir bu deux ou trois gorgées, je décide d'entamer la conversation, autrement, tout va encore se dérouler exactement comme hier soir: ennuyant a mourir...

- Et sinon, à part draguer des filles et bosser en internat dans le club, tu sais faire des choses?

Il me regarde, frustré. Quoi?

Monsieur trop poli fini sa gorgée avant de s'apprêter à me répondre, mais les kebabs arrivent. Il finit tout de même sa phrase:

- Je ne sais pas, je peux te faire confiance? Répond le concerné, un sourire en coin, de malin plaisir à répéter ma question. Mais je suis convaincu que je vais arriver à te faire tomber amoureuse de moi!

Sur cette affirmation, je pouffe de rire en entamant mes frites.

- Alors là! Tu te trompes sur toute la ligne!

Je ris la bouche pleine, tandis qu'il fronce les sourcils, comme si je faisais quelque chose de bizarre. Bébé découvre la vie extérieure?

- Tu parles en mangeant?

C'était donc cela qui l'étonnait, alors que je ne considérais pas le fait de parler la bouche pleine comme quelque chose d'impoli.

- Oui, comme tous les ados. Et alors? C'est bien plus vivant que de se taire tout le repas.

N'oubliant évidement pas de remplir cette phrase d'une bouche pleine, nous rions de la situation.

- Aller, goûte!

Il inspecte son kebab, puis me regarde, indécis. Nos yeux se dévorent mutuellement. Je commence à croire que lui aussi, puise ses réponses dans mes yeux, aussi bien qu'il a deviné que je m'y connaissais en chevaux. Il prend une bouchée maladroite, mâche silencieusement. J'attends son verdict depuis quelques secondes, quelques secondes qui me paraissent au moins deux minutes. Sa mâchoire inférieure monte et descend à allure régulière sans final pendant une éternité.

- Alors? Finis-je par demander, alors qu'il a presque fini sa bouche.

- Mmm, mais c'est super bon ce truc!

Il me répond la bouche pleine en riant. Sous le coup de la scène je ris aussi, avant de me rendre compte qu'à la base, j'étais censée lui faire passer la pire des journées, et non lui faire goûter mon plat préféré, en tête à tête, en ville. Après avoir fini notre plateau, nous retournons dans la galerie commerciale. Je dois absolument acheter un téléphone, sans oublier de prendre ce qu'il y a de plus cher, cela ne fait pas de mal de goûter un instant à la richesse. Parce que ça ne va pas durer, hein. En marchant jusqu'à la première boutique de téléphones, Adrien en profite pour me reposer la question au sujet des chevaux, cette fois je daigne répondre.

- J'avais une jument avant. Enfin... Une grande ponette.

C'est tout ce qu'il obtient de moi. On ne va pas abuser, non plus. Si c'est pour se faire trahir auprès d'Anne et Olivier derrière... Je rentre dans la boutique et tombe d'abord sur une collection "Samsung". Ils sont très sympas et très beaux pour la plupart, mais je suis sûre que je peux trouver plus cher. J'arrive dans la collection "Apple", tout y est déjà plus cher, même si à mes yeux, c'est plus moche que les Samsung. Je m'arrête sur le tout dernier Iphone.

"Iphone 6S, trois coloris possibles, à seulement 750 euros." Je souris discrètement, j'ai trouvé LE téléphone. Moi qui n'aime habituellement pas le rose, je le trouve bien plus joli dans cette couleur que les autres, je m'empare donc de l'objet et me dirige vers la caisse.

- Non mais attends, tu ne vas tout de même pas acheter tout ça, non?

Tenter de me convaincre de ne pas dépenser autant d'argent dans un stupide téléphone... Que c'est mignon! Sur la table du vendeur, il y a un chargeur, un écran de protection, une coque transparente, une carte SIM, une carte SD et sans oublier: le téléphone. Têtue comme je suis, c'est loin d'être lui qui va arriver à me faire changer d'opinion! Le vendeur me sourit et je lui rends la gentillesse avant de glisser ma carte dans la machine de paiement.

- T'es folle, lâche Adrien.

- Et toi t'es qu'un pauvre garçon de riche qui a raté son adolescence, rétorquai-je, avant de filer dans cinq ou six autres boutiques, silence de tombe entre nous deux. 

AzzaroWhere stories live. Discover now