c.40: Retour de voyage

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Le lendemain matin, je suis sortie de l'hôpital aux côtés d'Adrien et d'Anne, Scoub sur mes talons. Les parents de Lou en ont eu marre de la voir sécher les cours, alors ils l'ont obligée à retourner en cours, même pour ma sortie. Quand j'ai franchis le hall d'accueil, une énorme vague de joie m'a remplie. J'avais beau me situer sur un parking goudronné, je sentais l'air caresser mon visage, et c'était super agréable. Le trajet jusqu'à la maison écrasée par Scoub qui se faisait de plus en plus lourde m'a semblé infiniment long! On pourrait me prendre pour la plus grosse des débiles sur Terre, mais la première chose que j'ai fait en sortant de la voiture a été de courir jusqu'à Azzaro. Déjà que courir m'avait fait du bien, le serrer dans mes maigres bras par rapport à son encolure m'a complètement comblée. Quand je dis "maigres bras", c'est que oui, leur nourriture était vraiment, mais vraiment immonde. Ça n'avait pas l'air de l'être pour Scoub, enfin bon.

" Alors, tu n'as rien? J'ai eu trop peur pour toi! Jure-moi que plus jamais on ne se disputera! "

J'ai lâché quelques larmes dans son encolure parfaitement propre, parfaitement propre, oui, ça c'est bizarre. Ce n'était pas dans les habitudes d'Azzaro de se laisser propre très longtemps, profitant des paddocks pour se couvrir de poussière ou de gadoue. J'ai pleuré comme une madeleine en m'excusant. Je lui ai sorti un espèce de super long récit parlant de tout et n'importe quoi, entrecoupé d'excuses.

- Les filles et leurs chevaux, j'ai jamais compris. Vous êtes tarées. À croire qu'il a plus d'importance à tes yeux que moi! Et heureusement que je m'en suis occupé de ton truc noir, parce que sinon tu aurais fait un câlin à un monstre boueux!

Adrien se plaint, déjà. Autant que je lui dise en face maintenant pour qu'il arrête de me saouler avec cette histoire. Attention, pas le fait que je parle avec Azzaro, non:

- Effectivement, Azzaro a plus d'importance à mes yeux que toi, mais tu ne peux pas comprendre, achevais-je, un sourire en coin.

- Génial... Maintenant je vais jalouser le cheval de ma petite amie parce qu'elle l'aime plus que moi.

Adrien se retourne avec un sourire en coin de lèvres et part, dans l'intention évidente que je le rattrape. Je sors la tête du box et attend qu'il se retourne quand il se rend compte que je ne le rattrape pas. Je le salue de ma main en souriant, bonne peste que je fais. Il sait lui aussi que ce geste est provocateur et me fonce dessus en criant. Je cris aussi, je ne sais pas ce qu'il va me faire. Il m'encastre par le bassin et me porte comme un sac à patates sur son épaule. J'essaye de me débattre, mais rien n'y fait. Finalement, il me jette dans la carrière. Et je roule pour ne pas recevoir le choc de l'atterrissage, ce qui me vaut une teinture sableuse. Il se jette sur moi et m'en met partout sur les vêtements, sauf la tête où il m'embrasse quand il a fini de me chatouiller.

- Si avec ça, t'as encore peur du sable, je ne vois vraiment pas ce que je peux faire!

Il se relève en se frottant les mains et s'en va sans moi, l'air de rien. Je me relève alors et cours pour lui sauter sur le dos en criant un cri d'attaque. Il a rigolé et m'a reçu comme un poids plume de cinq cents grammes a peines. J'ai beau en peser cinquante cinq, face à lui je ne fais pas le poids. Quel humour de jeux de mots Iris! Bravo... Un jour, quelqu'un pensera à me décerner ce trophée. Pour l'instant, j'atterris dans le tas du fumer, mélange de crasse: hôpital, sable, fumier... Mmmm. Et oui, l'hôpital porte une odeur.

J'ai fais semblant d'être vexée et je suis partie en courant dans le manoir. En matière de lama enfumé traversant les salles en pleine course, je crois que je serais toujours la plus forte. J'ai claqué violemment la porte de la salle de bain, avant de laisser simplement la petite adrénaline redescendre.

Une semaine, encore, sans monter à cheval, ça m'énerve. En tous cas, je suis retournée chez moi, c'est déjà bien. J'ai pris une douche d'environs quarante minutes, pour être sûre que cette odeur d'hôpital enfermé est partie. Je me suis même repassée trois fois le savon et le shampoing! Quand est venu le moment de m'habiller, je me suis rendue compte de mon erreur. Deux solutions s'offraient à moi. Soit j'appelais Adrien (pas Boy, il est encore au lycée), soit je mettais la courte serviette autour de mon corps et je traversais le couloir en deux enjambées avant de m'enfermer dans ma chambre. La deuxième est mieux. J'enroule donc la serviette autour de mes maigres muscles et ouvre la porte en vérifiant que la voix est libre. Heureusement que ma chambre se situe juste en face! Je m'élance à toutes jambes et rentre dans ma chambre telle une souris qui voit un chat. Captain Iris en mission secrète est de retour. Je verrouille la porte et souffle comme une abrutie qui a couru un marathon. En fait non, j'ai traversé un couloir en petite serviette. Je m'habille donc avec des vêtements propres, sentant la lessive d'ici. Enfin, je me sens chez moi, une grande première. Et bon sang, qu'est-ce que ça me fait du bien! Je ne stresse pas, de rien, pour une fois.

J'ai entendu du bruit sur ma porte, comme une longue griffure. Même sans danger, cette entente m'a frigorifiée et glacé le dos. Je finis donc de mettre ma chaussure comme si de rien n'était. Un autre lot de griffures. Bon, cette fois, j'en suis sûre, c'est qu'il y a quelque chose derrière, et c'est le comportement typique de Scoub. Je vais alors lui ouvrir, mais je ne tombe pas que sur un seul chien. Il y en a quatre! Je reconnais immédiatement Jackpot, Twin, Cartouche et enfin ma petite Scoub. Ma vue remonte les deux paires de chaussures et tombe sur deux têtes bien connues. Je leur saute immédiatement au cou et Boy me serre bien plus fort que Lou. J'ai même fini par être contrainte de lui demander de me serrer moins fort. Je l'aime beaucoup, mais pas au point de m'étouffer. Lou a rit.

J'ai passé le reste de ma journée allongée ou à descendre à la cuisine accompagnée de Lou. Vingt minutes par jour, vous vous souvenez? Surveillée, vous vous souvenez aussi? Chaque jour j'aurais le droit à dix minutes de plus. Bon, demain je pourrais passer trente minutes dehors. On a énormément discuté tous les trois, car Boy était venu avec nous. J'ai râlé quand j'ai constaté que Lou et Boy n'étaient pas censés être avec moi, mais plutôt avec leurs camarades de classe. Le hasard avait fait qu'ils s'étaient retrouvés dans la même classe et donc rentraient au manoir en même tant.

Le lendemain matin, alors que je finissais de balayer l'écurie, une tête que je connaissais semblait être perdue.

- Sylvie Dollet?

La femme a détourné les yeux des installations et m'a adressé un grand sourire. Si il était possible de faire plus grand, j'en aurai donné ma main à couper pour le voir! Entre les yeux de Lou et son sourire, il y aurai de quoi faire une bataille. Malgré la taille de ses lèvres et donc de sa bouche, cela lui donnait un charme. Elle étaient d'ailleurs naturellement rosées, pas gercées, contrairement aux miennes. Il m'arrivait fréquemment de mettre du baume à lèvres, mais il ne servait généralement à rien, si ce n'est d'en remettre dix minutes plus tard.

- Bonjour! Tu vas mieux? C'est ton copain qui m'a dit que tu étais ici.

Normal, il n'y a que lui et moi qu'elle connaît de présent dans les écuries à cette heure.

- Bonjour. Je vais bien, et toi?

- Comme toujours. Mr Franks m'a demandée de venir prélever un peu de ton sang et de te faire quelques soins au niveau de ta perfusion. Tu m'accompagnes à l'intérieur? Je ne connais pas vraiment le domaine.

Rien de plus normal, Olivier s'inquiétait pour moi, comme un père, même si je ne le considérais toujours pas comme. Je laisse le ballai dans l'écurie et l'accompagne donc. Elle est en train de désinfecter mon bras quand je lui pose cette question fatale. Je sais que comme conséquence, cela m'obligera à aller jusqu'à mon but précis avec Azzaro, intégrer l'équipe de France et gagner ces championnats!

- Dit, tu viendras nous voir un jour en compétition, avec Azzaro?

Sans pour autant me regarder, un plus petit sourire que tout à l'heure est né sur son visage.

- Si tu veux, ça me ferait plaisir! J'ai une cousine qui monte à cheval, mais elle a son ranch en Amérique, dans le Dakota. Une fois je suis montée avec un chapeau comme les western. J'avais adoré! Mais je ne peux pas me permettre de débuter l'équitation à mon âge, et puis, je fais déjà beaucoup de tennis.

C'était la première fois qu'elle m'exposait sa vie, et c'était touchant. Les infirmiers ne sont pas censés faire cela. Si elle l'a fait, c'est qu'elle sait que nous deviendrons plus proches qu'avec ses clients habituels, donc j'en suis heureuse.

- Ah bon?! Tu fais des compétitions de tennis? L'équitation que nous pratiquons ici n'est pas western. Elle est française, c'est très différent! Je pourrais te faire monter si tu veux! Il n'y a pas d'âge pour apprendre tu sais.

Elle a gaiement accepté, elle a aussi bien voulu que j'aille la voir a un de ses tournois, en précisant que ça lui ferai énormément plaisir. Après m'avoir soignée et piquée, je lui ai offert un café et montré Azzaro. Elle est repartie longtemps après, en me laissant sous entendre qu'elle allait clairement se faire massacrer en revenant, mais qu'elle avait passé un excellent moment. J'en ai rigolé avant d'aller retrouver Adrien pour finir de balayer.

AzzaroWhere stories live. Discover now