Chapitre 2 : La colle de ma vie

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-Je t'aime Mélodie, me souffla le délégué à l'oreille.
Je souriais. J'exultais. Mon cœur allait exploser dans ma poitrine. C'était comme une puissante douleur, mais une douleur délicieusement agréable.
Je le regardais, son visage toujours si beau et si angélique, face à moi. J'avais envie de l'embrasser.
Et ce fut comme s'il avait lu dans mes pensées, Nathaniel me prit le visage de ses douces mains et s'approcha pour déposer ses lèvres sur les miennes. Son baiser fut d'abord timide, hésitant, et petit à petit, je sentis une bouffée de désir m'envahir. Il me mordit la lèvre inférieure, me caressa le dos avec possessivité. Je passai mes mains dans ses boucles blondes avec tendresse. Je voulais qu'il m'appartienne.
J'en voulais plus, il m'aida à retirer mon T-shirt. Je me collai à lui, voulant approcher mon corps du sien, le sentir contre moi.

-Good morning les balais dans le cul ! lâcha une voix qui venait de pénétrer dans le bureau.
-Ca-Castiel ? Bégayai-je en tentant de repousser Nathaniel.


Ce dernier continuait malgré tout à déposer des baisers sur ma nuque avec passion, j'avais beau lui expliquer que l'autre abruti nous épiait, il ne semblait pas m'entendre. Je lui hurlai alors pour qu'il s'arrête, mais rien à faire, il ne m'écoutait plus.


Je me réveillai dans un sursaut, les yeux exorbités. Quel rêve étrange et... agréable.
Je me décidais très rapidement de replonger dans mon sommeil pour poursuivre ce que j'avais arrêté avec Nathaniel, priant pour que Castiel ne vienne pas tout gâcher cette fois-ci. Comme à son habitude.

***

-Tu as l'air de bonne humeur ce matin, me fit remarquer Lysandre déjà attablé pour prendre son petit-déjeuner. Tu as bien dormi ?
-Plutôt, répondis-je en me sentant rougir malgré moi.


Il me jeta un regard intéressé, qui dura quelques secondes, puis replongea la tête dans son café. Oh et puis ça va hein ! J'ai le droit de rêver de qui je veux d'abord !

-Quel est le programme aujourd'hui ? S'intéressa-t-il en me tendant la brique de lait.

Nous habitions dans la même maison depuis peu de temps mais nous avions rapidement pris nos marques. Il savait ce que je prenais pour le petit-déjeuner, je m'habituais à sa routine du poète solitaire, il connaissait mes programmes télé préférés, j'avais appris à éviter d'acheter au supermarché des produits avec des amandes, dont il était allergique,... C'était comme une routine qui s'installait peu à peu.
Le voir me passer la brique de lait aussi naturellement, avant même que j'ai eu le temps d'amorcer un mouvement pour sortir les Trésors du tiroir, me fit sourire malgré moi. Notre famille recomposée commençait réellement à prendre forme, je le constatais dans des moments comme celui-ci, ceux du quotidien.
Parce que ce sont ceux-là qui comptent le plus dans une famille, non ? C'est comme cela que l'on noue des liens. Et Lysandre avait beau m'énerver, j'étais malgré tout contente qu'il soit là, je me sentais moins seule entre les journées bien remplies de mon père.
En effet, mon géniteur était un travailleur acharné. Il travaillait même les samedis, d'où son absence ce matin.

-Je vais finir ma dissertation d'anglais et glander un peu cet après-midi, lui appris-je en tirant sur la poignée du placard à gâteau (je ne pus m'empêcher de repenser à mes Oréos, paix à leur âme...).
-Quand tu dis « glander », tu veux dire regarder « Nouveau look pour une nouvelle vie » toute la Sainte journée en engloutissant le fond de Nutella, c'est ça ? me questionna-t-il, amusé.


Qu'est-ce qu'il me connaît bien !

-Plus ou moins, assurai-je avec un sourire. Et toi alors ? Une quelconque répétition prévue sur ton planning chargé de star du lycée ?
- T'exagères avec ça... affirma-t-il en rougissant légèrement. Je ne te comprends pas avec cette histoire de « popularité », c'est ridicule. Et non, je n'ai pas de répétition. On va chez Castiel cet après-midi avec Nora, Véra et Matt. Tu veux venir ?


Parfois je me demande sur quelle planète vit Lysandre. J'avais beau l'avoir maintenant comme demi-frère et connaître Matt depuis ma naissance, je ne me sentais pas toujours à l'aise en compagnie de leurs amis. Comme si je n'étais pas vraiment à ma place.
De plus, môsieur est peut-être aveugle mais tout le monde dans le lycée savait pertinemment que lui et son petit groupe était au sommet de la hiérarchie de la popularité. C'est tellement cliché tout ça ! Pourquoi faut-il toujours que les plus beaux se regroupent ? On m'explique ou... ? Peut-être une histoire de reproduction ou qu'en sais-je...
De la même façon, sans trop savoir pourquoi, ils exerçaient une sorte de fascination sur les élèves, un mélange de jalousie, d'envie, de peur et de fantasme. Tout le monde avait l'impression que leurs vies étaient meilleures que les nôtres.
Mais pour connaître plutôt bien celles de Matt et de Lysandre, j'avais envie de crier sur tous les toits que non, ils vont aux toilettes comme tout le monde, et pas pour chier des paillettes si vous voyez ce que je veux dire, ils ont des coup de blues, ils se font priver de sortie par leurs parents, ils ont des sales notes. Enfin bref, en définitif, ils sont normaux. Cette stupide histoire de popularité m'exaspérait au plus haut point. Encore une étiquette qui n'avait pas lieu d'être, même si celle-là était certainement plus agréable à porter que d'autres (la mienne pour commencer)...

-C'est gentil, mais ça ira, refusai-je en avalant une cuillère de céréales avec appétit.

***

Oh non ! Pas ce haut Christina non ! J'en reviens pas qu'elle oblige cette pauvre fille à porter une horreur pareille ! Parfois, je ne te comprends pas Christina... Quelle déception...
J'enfournais une nouvelle bouchée de Nutella, subjuguée par ce programme d'un haut niveau intellectuel. Je lâchai un juron quand je découvris une énorme tâche de chocolat sur mon débardeur blanc que je portais comme à l'accoutumée en pyjama. Je tentai de frotter afin de faire disparaître la couleur marron très voyante mais abandonnai rapidement en me résignant à le mettre dans la pile de linge sale quand j'irai prendre ma douche.
Pour me consoler, je me mis à gratter le pot de la crème à tartiner pour réussir à en récupérer le moindre contenant.
C'est alors que j'entendis la clochette de la porte. Tiens, Miranda rentre déjà ?
Je me levai pour l'accueillir, la cuillère toujours dans la bouche.
Seulement, en ouvrant la porte d'entrée, ce n'est pas le joli carré blond de ma belle-mère que je découvris mais cinq paires d'yeux braqués sur moi. J'en laissai tomber ma cuillère par terre.

-Désolée, j'avais oublié mes clés, s'expliqua Lysandre pendant que je ramassais le couvert.

Je m'écartai légèrement pour laisser passer les cinq adolescents dans mon salon, toujours un peu sous le choc.

-T'es un cliché ambulant Mélodie, me fit remarquer Castiel en me contemplant de haut en bas. Rien d'autre à branler un samedi soir que de finir le pot de Nutella devant une émission débile ! T'as une tâche sur ton T-shirt d'ailleurs.

Je vis rapidement rouge. Castiel ne pouvait s'empêcher d'émettre des jugements sur n'importe quoi et n'importe qui à toute heure de la journée. Il devait sans doute espérer que son avis ait de l'importance aux yeux de quelqu'un, mais ce n'était malheureusement pas mon cas.
Malgré cette certitude, je ne pus m'empêcher de me comparer aux deux filles qui les accompagnaient. Je portais mon long peignoir rose Hello Kitty, un débardeur tâché et mon jogging de pyjama sans forme. Véra et Nora étaient habillées de jolies robes d'été aux couleurs pastel qui mettaient leurs formes en valeur. Pourquoi fallait-il toujours que j'ai l'impression d'être un mouton noir ?
Non, non, Mél, hors de question de lui donner raison à cet abruti !

-Désolée pour tes stéréotypes Castiel, mais je sors ce soir, rétorquai-je en croisant les bras avec un ton que j'espérais hautain.
-Sérieux ? s'étonna Matt en s'affalant sur le canapé.


Non mais je suis réellement si peu crédible que ça ?!

-Oui ! La nouvelle, Sue, organise une fête et elle m'a invité figure-toi, certifiai-je en plissant les yeux dans la direction de mon voisin.
-Elle t'a invité, toi ? insista Castiel toujours sceptique.
-Whoa ! Ma petite Méli-Mélo à une fête ! s'exclama Matt qui s'était relevé. Faut que je voie ça de mes propres yeux ! On peut venir ?
-Certainement pas ! m'insurgeai-je.
-Si c'est parce que tu n'es pas encore prête à assumer notre relation aux yeux du monde entier... Je comprends tu sais, se moqua Matt en me serrant dans ses bras. Mais notre amour est plus fort que tout Mélodie, il faut que...
-Ne fais pas l'idiot Matt ! l'interrompis-je en le repoussant. Vous... vous n'êtes pas invités de toute façon, je ne peux pas vous incruster ! Je la connais à peine !


J'avais trouvé cette excuse très rapidement. Mais, bien entendu, je n'en avais strictement rien à faire de les inviter à la fête de Sue, après tout, je n'aimais pas beaucoup la nouvelle. Son avis sur moi m'importait peu.
Cependant, il était hors de question qu'ils viennent gâcher ma soirée, surtout que j'espérais secrètement me rapprocher de Nathaniel.

-Vous parlez de Sue Madison ? intervint Nora. La petite blonde toute choupinette ? Elle m'a aussi invitée à sa fête ! Elle a même ajouté que je pouvais proposer à qui je voulais !

« Choupinette » ? Vraiment, super, merci Nora. J'observais la grande amazone rousse. Elle était vraiment très belle, ses yeux verts brillaient tels deux émeraudes, elle avait un beau nez aquilin et des légères tâches de rousseur. Elle aurait carrément pu être mannequin, elle, son un mètre soixante-quinze et ses cinquante kilos qui vous font regretter de vous être empiffrés de chocolat toute l'après-midi. Et le pire, c'est qu'elle était vraiment adorable en plus de ça. Le genre de fille irréprochable en tout point, que tu as envie de détester mais que tu n'y arrives pas parce que c'est tout simplement humainement impossible et injuste.
Quant à Véra, son acolyte d'un blond vénitien, elle était dotée d'une beauté plus classique, plus simple. Le standard de la jolie fille en somme. Malheureusement pour elle, Dieu avait oublié de lui filer un peu plus de matières grises et s'était contenté d'exercer sa grâce divine sur son corps et sa capacité à séduire les garçons. J'avais été chargé de lui filer des cours de soutien à de nombreuses reprises et je peux vous assurer que ce n'était pas de gaieté de cœur, malgré son aura positive et son humour décapant.

-Ca vous tente ? reprit la rousse en regardant tour à tour toutes les personnes présentes (moi mis à part).
-Carrément ! adhéra Véra. De toute façon, le plan bière et jeux-vidéos de Castiel ne me branchait pas du tout ! Je comprends jamais rien aux boutons de la Playstation...
-Forcément, les trois-quarts du temps j'éteins ta manette et mets ton joueur en mode ordi Débila (le surnom attitré de Véra, à savoir la contraction de Débile et Nabila, en référence à sa grosse poitrine), expliqua Castiel d'un ton neutre.
-Mais t'es sérieux ?!!! Alors pourquoi tu te foutais de ma gueule quand je te disais que tes boutons ne fonctionnaient pas ?!
-Parce que t'es trop naïve parfois Vé'...
-Bon, on s'en fout ! Moi j'ai bien envie d'y aller à cette soirée ! insista Nora pour mon plus grand malheur. Ca vous va ?


Et là, déchéance totale. Je vis la plupart des personnes acquiescer d'un air entendu. Comment est-ce que je vais pouvoir tenter quelque chose avec Nathaniel entre mon demi-frère, mon abruti de voisin et cet imbécile de Castiel qui se fera un plaisir de gâcher mon moment romantique ?!

-Mélodie... Tu te sens bien ? Tu es toute pâle tout à coup ? s'inquiéta Nora en posant sa main sur mon front d'un geste maternel.
-Juste un coup de froid, mentis-je en me pelotonnant dans mon peignoir.
-Allez viens, on va t'aider à te préparer avec Vé', proposa Nora en m'entraînant à l'étage.


***

-Je ne comprends pas Mélodie, tu as de si beaux yeux, pourquoi ne pas les mettre plus en valeur ? s'intéressa Nora pendant que Véra était en train de m'appliquer du fard à paupière.

Je dois avouer que j'appréciais leur compagnie plus que je ne l'aurais imaginé. Elles m'avaient gentiment conseillé sur la tenue la plus adéquate à enfiler et Véra s'était même proposée de me maquiller. J'étais touchée par la gentillesse dont elles faisaient preuve envers moi.

-Et tes cheveux alors ! Pourquoi toujours les attacher derrière une barrette ? Ils sont tellement mieux lâchés, continua Nora en passant ses délicats doigts dans ma chevelure.
-Je n'aime pas mes cheveux, expliquai-je simplement. J'aurais aimé être blonde comme mon père... Mais bon, je m'en contente.
-Tu n'as jamais pensé à te les teindre ? lâcha Véra qui tirait la langue pour mieux se concentrer je suppose.
-Non ! Mon père me tuerait ! m'exclamai-je. Il trouve que ça fait... Pimbêche.
-Moi je ne vois pas le problème si la couleur te va, insista néanmoins Véra.
-Hé ! Débila ! entendis-je du salon, c'est pas bientôt fini le Relooking Extrême ?
-Castiel ferme-la un peu ! répliqua Véra sans pour autant me lâcher le visage.
-Véra ? Pourquoi tu le laisses t'affubler de ce surnom idiot ?
-Parce que ça lui fait plaisir, il se croit drôle, il fait son intéressant et tout le monde est content ! Et puis je m'en fiche pas mal tu sais. Je sais très bien que venant de Castiel, ça ne veut pas dire grand-chose. Si ça sortait de la bouche de quelqu'un d'autre, je le prendrai mal. Le connaissant, il faut juste le prendre au second degré. Et puis, lui, au moins, il me dit les choses en face, pas comme ces abrutis de l'équipe de natation. Je les ai entendus se foutre de ma gueule dans les vestiaires la dernière fois.
-Oh non ! Et ça va, je veux dire, tu l'as pas trop mal pris j'espère ? m'inquiétai-je en sachant que ces gars-là pouvaient se montrer cruels.
-Tu parles ! Je suis rentrée dans les douches sans me gêner et j'ai crié dans les vestiaires qu'ils avaient de tous petits zizis. Ca les a vite calmés, je peux te le dire.


Je ne pus m'empêcher de glousser. Véra était toujours pleine de spontanéité et être avec elle était toujours source d'amusement, même dans la pire des situations.

-Tu vas en faire des ravages ce soir, m'assura Véra en terminant mon maquillage.
-Tu vises quelqu'un en particulier ? voulut savoir Nora. Matt, peut-être ?


Je manquai alors de m'étouffer sous la surprise (avec de l'air, oui, tout est possible avec moi...).

-Matt ? Haha, très drôle Nora, m'esclaffai-je en me tapant sur les genoux.
-Vous paraissez très proches pourtant... ajouta Véra plutôt sceptique.
-C'est un ami d'enfance. Il me taquine, c'est un jeu, c'est tout. Rien de bien sérieux, je peux vous l'assurer ! De toute façon, le jour où Matt dira ou fera quelque chose de sérieux, il faudra que je le voie de mes propres yeux pour y croire.
-Plus Nathaniel alors ? contre-attaqua la rouquine un doigt posé sur ses lèvres charnues.


Je me mis à rougir comme une pivoine. Touchée, coulée comme on dit.

-C'est vrai qu'il est plutôt mignon dans son genre, concéda-t-elle en haussant les épaules. Bon, prêtes les filles ?

Je me contemplais dans la glace. Ma tenue n'était clairement pas aussi jolie que les leurs, je m'étais contentée d'une jupe noire droite et d'un chemisier blanc légèrement décolleté, mais j'étais plutôt fière du travail de maquillage de Véra. Elle m'avait fait quelque chose de léger en déposant un coup de blush, une légère touche de fard à paupière rose et en déposant sur mes lèvres une pointe de gloss. Ca correspondait à la Mélodie que l'on connaissait : sage, simple, mais avec en plus une touche féminine qui n'appartenait qu'à la belle blonde pulpeuse. Son travail de pro avait fait ressortir mes grands yeux bleus azur, ce qui me plaisait assez je dois dire.

-Prête ! répondis-je en chœur avec Véra.

***

Nathaniel est déjà là ! Je l'avais aperçu presque immédiatement en pénétrant dans le bel appartement très lumineux et spacieux de Sue Madison. J'avais été soulagé de le trouver.
Si le groupe de Lysandre décidait de partir, je ne me retrouverai pas toute seule. En effet, Iris étant tombée malade, elle avait dû rester clouée au lit toute la journée, quant à Kim, elle avait déjà quelque chose de prévu pour ce soir (elle ne s'était pas étalée sur la question, comme à son habitude), Rosalya avait invité Leigh à passer la nuit chez elle (ses parents étant absents) et Violette... N'aimait tout simplement pas les bains de foule.
Je jetai un coup d'oeil autour de moi. Je n'avais malheureusement pas souvent l'occasion de me rendre à des fêtes, j'en profitais alors pour faire une observation complète pour être capable de faire un rapport précis à Iris le lendemain. La musique était à son maximum et je reconnus rapidement la chanson « Stole the Show ». Une masse de lycéens se déhanchait sur la piste de danse improvisée qu'était devenu le salon. Il y avait un monde fou ! Je me souvenais d'avoir entendu « soirée en comité restreint » et pas « grosse teuf où tout le monde s'incruste ». Heureusement, mon radar à Nath était toujours actif et j'avais su repérer sa tignasse blonde très rapidement. Je ne pus m'empêcher de me remémorer mon rêve de la nuit dernière, lui m'embrassant, me serrant dans ses bras,... J'aurais tellement aimé que ce soit vrai.

-Ferme la bouche, tu vas baver, me chuchota Matt en gloussant.

Je lui filai un coup de coude dans les côtes et il se plia en deux sous la douleur. Je ne pus réprimer un petit sourire machiavélique. Oups, pas fait exprès !

-Vous avez pu venir ! Je suis tellement contente de vous voir ! S'enthousiasma Sue sans même daigner me jeter un coup d'œil.

Super, cette cruche était impressionnée d'avoir les potes de Lysandre à sa fête. Bon Dieu, elle m'agace. Je suis sûre qu'elle n'a même pas remarqué ma présence.

-Le buffet est dans la cuisine, l'alcool est sur la table de la salle à manger avec les gobelets, indiqua-t-elle en pointant son doigt dans les bonnes directions, amusez-vous bien !
-Allez viens ! On va danser ! me glissa Matt à l'oreille en m'entraînant sur la piste de danse.


Je me laissai faire, consciente de ne pas faire le poids face à sa force de caractère.
Une fois à la hauteur des autres invités, Matt se mit alors à danser avec un talent certain, je devais le reconnaître. Quant à moi, je ne savais pas trop quoi faire de mes bras, et encore moins de mes jambes. Je tentai de l'imiter, avec une grande difficulté, et j'avais plutôt l'impression de ressembler à une gigantesque spaghetti. Il m'arrivait souvent d'envier la facilité qu'avait Matt à se laisser vivre, à passer outre de ce que les gens pouvaient bien penser de lui. C'était une qualité que je lui enviais beaucoup. A quoi pourrait bien ressembler ma vie si je pouvais lui ressembler un peu plus ? Peut-être que je n'aurais plus peur de montrer au monde la vraie Mélodie ? Pas Miss-Parfaite, non, la Mélodie qui avait aussi des côtés sombres, des coups de blues et des difficultés.
Matt finit par se rendre compte de mon air pensif et un peu mélancolique et se proposa d'aller me chercher un verre. J'acceptai volontiers.
Je profitai de son absence pour essayer de retrouver Nathaniel dans la foule. Je ne mis pas beaucoup de temps à le repérer, il était appuyé contre le mur avec un air rêveur. Je connaissais cette expression, il l'affichait quand il hésitait à agir et qu'une réflexion s'imposait.
Je m'approchai rapidement, brisant la distance qui nous séparait, pour le tirer de ses pensées.

-A quoi tu penses au juste ? m'intéressai-je une fois à sa portée.

Il sursauta brièvement, surpris d'être dérangé. Quand il me reconnut, il parut gêné et passa sa main dans ses cheveux nerveusement.

-Je... Je... Rien, c'est stupide, bégaya-t-il en baissant la tête.
-Mais non voyons ! insistai-je en lui donnant un petit coup de coude pour l'encourager.
-Tu vas te moquer de moi si je te le dis... assura-t-il en m'offrant un sourire qui fit augmenter dangereusement les battements de mon cœur.
-Bien sûr que non ! promis-je en exécutant un signe de croix.


Il m'observa longuement, pesant sûrement le pour et le contre avant de se résigner.

-Il y a... cette fille. Et j'ai envie de l'inviter à danser mais je n'ose pas, expliqua-t-il en me regardant intensément.

Une minute, une minute. Est-ce que je rêve ou... ?

-Ca ne te coûte rien d'essayer, tentai-je en haussant les épaules d'un air innocent.
-T'as raison, ça ne coûte rien, approuva-t-il en posant sa main sur mon bras.


Et alors que je croyais qu'il allait m'entraîner sur la piste de danse, me faire tournoyer comme une princesse, m'embrasser, m'emmener dans son château et me faire sauvagement l'amour, il brisa mon rêve à l'aide de seulement cinq petits mots :

-T'aurais pas vu Sue ?

Tout mon corps en tension se décontracta à la vitesse de l'éclair sous la déception. Mes épaules s'affaissèrent lourdement. Je me trouvai alors dans l'impossibilité de bouger, ne serait-ce qu'un cil. J'étais en plein bug. Quelque chose venait de se rompre en moi, et c'était putain de douloureux.

-Non, finis-je tout de même par réussir à articuler au bout de quelques secondes.
-Je vais aller voir dans la cuisine. Merci pour tes conseils Mélodie ! dit-il en me donnant une tape amicale sur l'épaule.


Mais... Que... ?! C'est pas possible nom de Dieu de bordel ! Il me prend pour son pote ! Il me fait le coup de la petite claque virile ! Mais je rêve là ? Pourquoi est-ce qu'il a fallu que ça m'arrive avec moi ? Je suis tombée amoureuse d'un abruti ! Voilà ! Je me déteste.
Je ne suis vraiment qu'une idiote d'avoir pu imaginer une seule seconde qu'il pourrait s'intéresser à moi, et encore plus d'avoir cru que cette soirée changerait quelque chose entre nous. Il n'en a rien à faire.
Je compris alors ce qui s'était brisé tout à l'heure à l'intérieur de moi : mon espoir, et ma confiance en moi.

-Je t'ai cherchée partout ! se plaignit Matt qui venait de me rejoindre. Tiens, ton verre.
-C'est quoi ? le questionnai-je.
-Du coca.
-Et toi t'as quoi ? m'enquis-je sèchement en désignant son verre d'un coup de tête.
-Un truc bien trop costaud pour toi ma petite, dit-il en lâchant un petit rire.
-File-moi ça, ordonnai-je en m'emparant de son verre avant même qu'il n'ait eu le temps de réagir.


Je le bus d'une seule traite. Le liquide me brûla la gorge et je ne pus m'empêcher de tousser bruyamment après avoir ingurgité la boisson. Ah ouais ! Il a pas déconné quand il a dit que c'était fort !

-Non mais t'es malade ou quoi ?! s'indigna Matt à moitié inquiet et à moitié énervé que j'ai fini le verre qu'il venait à peine d'aller se chercher.
-C'est dégueulasse ton truc, lui signalai-je en regardant le fond vide du récipient, tu peux aller m'en chercher un autre s'te plaît ?


Il plongea ses yeux d'un bleu nuit envoûtant dans les miens. J'avais toujours cette impression dérangeante de me retrouver face à mon père à chaque fois qu'il m'observait de la sorte. Les deux avaient un don pour lire en moi comme dans un livre ouvert. Je n'arrivais à rien leur cacher malgré toute ma bonne volonté. Mon père parce qu'il connaissait mon toc du mensonge et Matt parce qu'il était drôlement perspicace pour un idiot.

-Nathaniel ? comprit-il en soufflant bruyamment.
-Non, non, non, interdiction totale de prononcer ce nom de la soirée ! annonçai-je solennellement en levant l'index.


Il soupira à nouveau en levant les yeux au ciel, mais il s'exécuta et partit me chercher un nouveau verre rempli à ras bord d'un liquide mystérieux.

***
(Pour vous mettre un peu dans l'ambiance, cliquez !).

-At first I was afraid, I was petrified ! Kept thinking I could never live without you by my side ! But then I spent so many nights, tkinkin how you did me wrong... And I grew stroooong *! hurlai-je perchée sur la table de la salle à manger avec une bouteille vide en guise de micro.
-Mélodie ! Descend de la table s'il te plaît ! me quémanda Sue d'un ton suppliant.
-Non mais tu vas la mettre en sourdine ouais ?! s'écria Castiel en tentant de me faire redescendre.


Je lui filai un coup de pied pour le faire reculer, ignorant aussi par la même occasion Sue la briseuse de ménage, et me mis à chanter de plus belle :

-Just turn around now, caus' you're not welcome anymore. Weren't you the one who tried to hurt me with goodbye, did I crumble ? Did you think I'd down and die ? Oh no not I WILL SURVIVE **!
-Mais ferme-la nom de Dieu ! grogna Castiel en m'attrapant par la cheville.


Il me tira jusqu'à lui sans que je puisse me défendre cette fois-ci. Il me fit redescendre brutalement en me portant comme un sac de farine. Une fois les pieds au sol, j'étais persuadée qu'il allait me tuer, ou tout au plus m'insulter de tous les noms, mais j'étais tellement écroulée de rire qu'il se contenta de me faire jurer de ne plus jamais chanter devant lui.

-Je l'ai jamais vu dans un état pareil, précisa Matt en me contemplant avec inquiétude.

Il faut avouer que j'avais un peu trop poussé sur mes limites. Après avoir avalé mes deux premiers verres, je m'étais contentée de regarder Nathaniel et Sue danser l'un contre l'autre, avec une envie folle de meurtre. Et que je te souris, et que je te mets ma main sur ta hanche, et que je te pose ma tête sur ton épaule ! J'avais repris un verre, ou deux, j'avais un peu perdu le compte. J'étais bien trop occupée à ruminer en silence.
Les effets de l'alcool avaient débuté assez tôt, mais rien de bien grave jusque-là, je m'étais juste mise à danser seule comme une folle sur la piste. Les autres, et surtout Nathaniel, avaient été surpris de me voir dans cet état, mon image de Miss-Parfaite en prenant un coup, mais ils avaient rapidement repris leurs activités.
C'était à partir du moment où les gens avaient commencé à partir, vers 2heures du matin, que ça avait un peu dégénéré. Je m'étais mise à pleurer, enfin je crois, que ma vie était nulle et que Jésus devait se venger sur moi d'avoir été lâchement abandonné sur la croix. Je me rappelle avoir entendu Lysandre m'assurer que c'était ridicule et j'avais dû lui répondre que c'était Nathaniel qui était ridicule, ou alors je lui avais tout simplement ri au nez. Je ne m'en souviens plus tout à fait.
Après avoir passée la phase d'euphorie, puis celle des grandes larmes, il avait fallu que je me défoule. Et c'est ainsi que je me suis retrouvée comme une hystérique à réclamer pitoyablement la musique « I will survive » de Gloria Gaynor. Heureusement pour moi, il ne restait que peu de témoins de ma terrible humiliation autant sur le plan moral que physique.
Castiel, n'en pouvant plus, venait de demander à Lysandre de me ramener chez moi. Enfin, il avait plutôt dit un truc du genre : « bordel Lys', occupe-toi de ta sœur ou je vais la tuer ». Mais bon, au final, l'idée restait la même.
Lysandre m'avait prise dans ses bras comme une princesse, et non pas de sa propre volonté, j'avais fait une crise monstrueuse car je ne voulais plus rentrer. Alors il avait tout simplement employé la manière forte et m'avait traîné jusqu'à la maison avant de me poser délicatement dans mon lit. Heureusement pour son pauvre dos que la résidence de Sue ne se situait qu'à quelques pâtés de maison...

-Merci Lys', marmonnai-je en coinçant ma tête entre deux coussins. T'es un bon frère, vraiment bon ! Et puis, t'es cool sérieux ! Pas comme Nathaniel. Quel abruti !
-Mélodie. Est-ce que c'est une situation où je suis supposé m'inquiéter pour toi et aller m'expliquer avec Nathaniel ? Il t'a fait du mal ?
-Ah ouais tiens ! Va lui péter sa gueule à celui-là ! approuvai-je en faisant doucement claquer ma main sur sa joue. Il a détruit mon pauvre cœur !


Je me laissai retomber sur le lit en faisant mine d'avoir été touché profondément au niveau de la poitrine. Ce qui était un peu le cas, pour être honnête. Qu'est-ce qu'elle craint cette Sue !

-Je vais y réfléchir, concéda-t-il avant de s'éloigner vers la porte. Bonne nuit Mél.
-... Nuit' ! réussis-je à lâcher alors que je sentais la fatigue m'emporter.


((*Traduction paroles de la chanson: "Fais demi-tour maintenant car tu n'es plus le bienvenue. Pensais-tu que je m'effondrerais, pensais-tu que je traînerais par terre et que je mourrais ? Oh non, pas moi, je survivrai !
**Au début j'avais peur, j'étais pétrifiée. En pensant sans arrêt que je ne pourrais jamais vivre sans toi près de moi. Mais depuis j'ai passé tant de nuits à penser à comment tu m'avais fait du mal, et je me suis endurcie !
)
***

Après avoir passé tout mon dimanche cachée sous les draps à supporter à la fois un cœur brisé et une effroyable gueule de bois, tout en me jurant de ne plus jamais toucher à l'alcool, c'est avec appréhension que j'arrivais devant l'enceinte du lycée le lundi matin.
Iris avait tenté de me rassurer durant notre longue conversation téléphonique de la veille, où je lui avais raconté la soirée en détail (elle ne s'était d'ailleurs pas privée de se foutre de ma gueule la traîtresse). Je tentais de me rappeler les mots réconfortants qu'elle avait employé : « Tout le monde s'en fiche Mél' », « C'est pas siiiii grave ! », « Je suis sûre que personne n'a rien remarqué ! ».
Mais... Et si quelqu'un se souvenait de mon étrange comportement à la soirée de samedi soir ? Et si Nathaniel avait réussi à faire le lien entre ma soudaine envie de boire et sa soudaine envie d'inviter Sue à danser ? Et si Lysandre décidait d'aller réellement péter la gueule à Nathaniel ? Ou pire ! Et si Sue et Nathaniel étaient passés aux choses sérieuses et que je les retrouvais à se bécoter dans un couloir ?!
Je me déteste. Sérieusement. Et je déteste Nathaniel. Et encore plus Sue.
Pourquoi a-t-il fallu qu'elle débarque dans ce lycée ? Il y en a plein dans le monde ! Pourquoi pas n'importe où ailleurs ? Et sur un autre continent, de préférence !
C'est en maudissant ma vie (eh oui, encore), que je poussai les très lourdes portes en métal qui permettaient d'entrer dans le bâtiment. Les couloirs étaient déjà bien remplis, il y avait le même vacarme abrutissant et incessant que d'habitude.
Calme-toi Mélodie, le monde n'a pas changé parce que tu as bu samedi soir. Ca arrive ce genre de choses. Tout le monde fait des erreurs. Tout le monde. C'est humain !
Et c'est alors que j'étais pratiquement en train de m'en convaincre, en remarquant qu'absolument personne ne prêtait attention à moi (d'habitude, cette transparence avait tendance à m'agacer mais aujourd'hui, j'exultais de passer inaperçue), qu'une tignasse rouge vint se poster devant moi :

-Eh bah dis donc ! T'es encore en vie après la descente que tu t'es prise samedi soir ?
-Chuuuut ! lui intimai-je en posant ma main sur sa bouche.


Ce contact avait été instinctif, mais je ne pus m'empêcher de le regretter. Je ne savais pas trop pourquoi, mais le toucher me perturbait légèrement. Je retirai avec empressement ma main sous le regard étonné et amusé de Castiel.

-Tu sais maintenant ce que ça fait de toucher un Dieu, se vanta-t-il toujours avec son fameux sourire en coin de « je pète plus haut que mon cul » sur les lèvres.

J'avais une très forte envie de lui faire ravaler sa foutue prétention.

-Dieu des cons oui, marmonnai-je pour moi-même.
-T'as dit quoi là ?
-MADEMOISELLE VERNANT !


Castiel et moi nous retournâmes presque simultanément pour apercevoir une furie rose qui accourait à grandes enjambées dans notre direction.

-Houlala, je le connais ce ton. Tu vas passer un sale quart d'heure ! déclara Castiel sans quitter la directrice du regard.
-Ecartez-vous Monsieur Greenberg, intima la directrice en secouant sa main frénétiquement devant Castiel pour se frayer un passage jusqu'à ma personne.
-Oh mon Dieu ! Votre présence illumine ma journée Madame la directrice, dit-il en levant son visage vers le plafond, comme pour remercier le ciel.
-Je n'ai pas de temps à perdre avec vous aujourd'hui Greenberg, hors de ma vue !


Castiel, sentant qu'elle était prête à exploser comme un pop-corn, s'écarta galamment avant de disparaître et de me laisser seule avec la colère (que dis-je, la rage) de la directrice.

-Mademoiselle Vernant, ne vous avais-je pas demandé de finaliser le dossier d'inscription de Mademoiselle Madison ?

Oh non, oh non, ses narines se dilatent ! Très, très mauvais signe. Ses narines ne se dilatent que lorsqu'elle est vraiment en rogne.

-Oui Madame, répondis-je simplement sans comprendre où elle voulait en venir.
-Alors pouvez-vous m'expliquer POURQUOI je n'ai pas reçu les pièces manquantes sur mon bureau ce vendredi ?! J'étais supposée envoyer son dossier ce week-end mademoiselle, c'était la date limite ! Il va falloir que je recommence toute la procédure bon sang !
-Je-je ne comprends pas, balbutiai-je en fronçant les sourcils. J'ai prévenu Sue, elle m'avait pourtant assuré que...
-STOP ! me coupa-t-elle, folle de rage. Je n'ai pas le temps d'écouter vos excuses ! Vous serez collée, tout ce mercredi après-midi !


Et avant même que je n'ai eu le temps de m'expliquer, de clamer mon innocence, elle se retourna et s'éloigna en faisant claquer ses talons sur le sol.
J'en restais sur les fesses, je venais d'être collée. C-O-L-L-E-E ! Moi ! Je n'avais JAMAIS été collé de ma vie. Et encore moins pour une raison aussi ridicule ! Je connaissais la directrice, il lui arrivait de péter un câble et de réagir de manière disproportionnée, mais je n'en avais que rarement fait les frais. Elle déversait généralement sa colère sur Castiel, ou sur le premier abruti sur son chemin (souvent encore Castiel).
Et tout ça, c'était encore la faute de cette Sue ! Elle avait oublié de déposer les dossiers sur le bureau comme je le lui avais demandé ! Nom de Dieu ! Et pourquoi la directrice avait-elle directement sauté sur la conclusion que j'étais personnellement et entièrement fautive ?
Oh ! Mais je le sais pourquoi ! L'univers entier se paie ma tête, voilà pourquoi ! Comment je vais expliquer ça à mon père moi ?  

Et Dieu créa Mélodie... entre deux pauses pipiWhere stories live. Discover now