Chapitre 14 : Un coup de lampe qui change tout

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  Quelle merde. Je ne suis pas quelqu'un de vulgaire, mon père a toujours pris un grand soin de me répéter que le langage influe sur l'image que nous véhiculons. L'idée de prononcer un « gros mot » me donne l'impression de transgresser une règle longuement établie, de salir, ces mots ont toujours une grande difficulté à sortir de ma bouche.
Je n'ai jamais aimé ça et je n'aimerais jamais vraiment ça. Mais il y a parfois des situations qui nécessitent un vocabulaire adapté. Et là, quelle merde est très adapté.
Nous étions à la cafétéria ce lundi midi, tous réunis comme chaque jour, et même si les discussions allaient bon train, je me sentais tellement étrange. C'est comme si ce n'était qu'un bruit de fond, que j'étais incapable de réussir à me concentrer dessus. La seule chose à laquelle mon esprit avait décidé de s'intéresser, c'était Castiel. Après avoir passé le stade de l'incompréhension et la surprise, d'avoir séché mes larmes, j'avais été en colère. Tout d'abord contre moi, parce que je n'avais pas voulu qu'il me voit ainsi, aussi blessée par ce qu'on pouvait penser de moi alors que lui s'en contrefichait. J'aurais aussi dû le repousser quand il m'avait embrassé, quelle idiote j'avais été. J'avais trouvé ça agréable, alors j'en avais oublié que j'avais à faire à un coureur de jupons notoire qui devait très certainement compenser la perte de son plan d'un soir. Ce qui m'amène à la colère que j'avais ensuite éprouvé à son égard. Après tout, c'était lui qui m'avait embrassé, je ne l'avais pas forcé et encore moins incité. J'avais l'impression terrible qu'il s'était fichu de moi, puis qu'il s'était finalement rendu compte de l'erreur qu'il faisait en m'embrassant moi, la fille à papa, et qu'il avait fini par le regretter. Il n'y a qu'un mot pour les gars dans ce genre : un connard. Et encore une fois, je n'avais pas pu trouver mieux dans mon vocabulaire.
Il ne me regardait pas, il ne me parlait pas, si je devais traduire sa façon de me percevoir je dirais que j'étais pratiquement un fantôme. C'est tout juste s'il ne me rentrerait pas dedans. Et pourtant, il ne pouvait pas faire semblant. Je sentais une foutue tension à chaque fois qu'il se retrouvait dans la même pièce que moi. Bien entendu, les autres ne se rendaient compte de rien, comment le pourraient-ils ? Mais pour ma part, je trouvais la situation... gênante et bizarre. J'avais beau tenter de ne pas chercher son regard, je finissais toujours par jeter un œil dans sa direction. J'étais bien trop énervée contre lui, le sentait-il ? Je n'en avais aucune idée : monsieur Castiel était bien plus doué que moi dans le jeu de prétendre que rien ne s'était passé. Il était tellement bon dans le domaine que j'avais carrément l'impression qu'il prétendait qu'il ne m'avait même jamais rencontré. Enfin, c'est ce que j'aurais pu croire si je n'avais pas surpris sa conversation d'hier avec Lysandre en passant devant sa chambre pour aller prendre ma douche. Il lui avait annoncé qu'il ne pouvait plus continuer à vivre dans cette maison, qu'il lui était reconnaissant mais que ça avait bien trop duré. Lysandre lui avait demandé pourquoi il décidait soudainement d'un tel revirement, qu'ils s'étaient tous les deux mis d'accord pour qu'il reste encore une semaine ou deux chez nous. Bien entendu, Castiel n'avait pas trouvé d'excuse crédible pour se justifier. J'avais eu envie de rentrer pour lui annoncer que c'était sûrement de la faute de la salope de service qui vivait dans la chambre d'à côté, et dont Castiel s'imaginait qu'elle comptait lui sauter dessus à tout moment. Lysandre, bonne âme qu'il était, avait insisté pour l'héberger encore ce soir. Va savoir comment il l'avait convaincu de rester une minute de plus si près de la dangereuse psychopathe que j'étais.
Et à toute cette frustration s'ajoutait, attention roulement de tambours : Matt. Je n'avais pas non plus eu de nouvelles. Je n'avais pas osé lui envoyer un message ou l'appeler du week-end, j'avais l'intime conviction qu'il ne m'aurait pas répondu. Il avait changé de place pour ne pas se retrouver à côté de Lysandre, à qui il en voulait encore apparemment. Mon demi-frère ne disait pas un mot, ce qui ne changeait pas énormément de d'habitude, sauf qu'il avait ce regard triste et morne qui n'augurait rien de bon.
Qui a dit que les femmes étaient compliquées ? Un homme sûrement.

- Tout va bien ? me chuchota Iris discrètement.

Est-ce que je devrais lui en parler ? Non, non. Je me rappelais l'accord tacite que j'avais fait avec Castiel. Je devais bien avouer aussi que je n'avais pas non plus envie de lui d'avouer ce qui s'était passé.
Je secouai la tête énergiquement avant de me lever en annonçant que j'allais me chercher un yaourt à la fraise. Après m'être pris une remarque par Armin qui affirmait que j'avais des envies soudaines de femme enceinte, je me dirigeai vers le comptoir au dessert pour tenter de me trouver ce fameux yaourt.
J'étais en train de récupérer une petite cuillère lorsque je sentis quelqu'un me tapoter l'épaule. Je tournai rapidement la tête vers la personne qui venait de me déranger, et, ô comble de la joie, je pus découvrir Sue. J'avais l'impression qu'elle devenait plus belle à chaque fois que je la voyais, bon sang. Pourquoi est-ce que tout le monde avait décidé de me mettre en colère aujourd'hui ?

- Est-ce que tu es amoureuse de Nathaniel ? me balança-t-elle brusquement en plongeant son regard larmoyant dans le mien.

Je manquai de faire une crise cardiaque. J'avais oublié ce petit détail : Nathaniel lui avait raconté pour cette histoire de baiser. Je déglutis bruyamment. Elle me lançait un regard de chien battu qui me déstabilisa totalement, brisant toutes mes barrières de défense. Elle me fit tellement de peine que j'eue presque envie de lui balancer toute la vérité sur ma longue et douloureuse peine de cœur. Nom de nom, pourquoi est-ce que je n'ai pas ce talent de persuasion ?! Qu'est-ce que ça pourrait m'être utile !

- Non, je ne suis pas amoureuse de Nathaniel, répondis-je en tentant de la regarder droit dans les yeux.

Elle me sonda du regard, analysant la moindre de mes réactions. Je n'avais pas spécialement menti, j'avais juste omis de dire que notre « histoire », si tant est qu'il y en est une, était un peu plus compliquée que cela.

- Alors pourquoi est-ce que mon petit ami a essayé de t'embrasser ? Il faut que tu sois honnête avec moi, déjà que ça n'as pas été très fairplay de ta part de ne pas venir m'en parler.

Sérieusement ? Pourquoi cette fille me mettait-elle tellement en colère ? Elle n'avait pourtant pas l'air si méchante, juste un peu cruche avec un besoin presque maladif de se faire aimer de tout le monde. Je devais présumer qu'il y avait des gens avec qui ça ne pourrait tout simplement jamais coller.

- Ce qui n'aurait pas été flairplay, ça aurait été de l'embrasser. Or, je l'ai repoussé. Il n'y a rien entre nous à part un respect mutuel et une amitié platonique, assurai-je en serrant la mâchoire.
- Ce n'est pas ce que j'ai entendu, continua-t-elle. Tout le monde dans le lycée assure que tu es raide dingue de lui depuis que tu le connais ! Mélodie, j'ai besoin et le droit de savoir ce qui se passe.
- Il ne se passe rien, et il ne se passera rien. Comme je te l'ai dit, si je l'ai repoussé, je n'ai plus aucune raison de retourner vers lui pour tenter de le conquérir. Cela ne serait pas très intelligent comme stratégie, tu ne trouves pas ?


Elle plissa les yeux, guère convaincue, et croisa les bras sur sa poitrine.

- Ecoute Sue, je ne suis pas vraiment d'humeur aujourd'hui. Si tu ne me crois pas, tant pis, vraiment. Et puis, j'ai une question à te poser à mon tour, ajoutai-je en me rappelant les paroles de Lucas. Est-ce que tu as raconté cette histoire à des gens ?

Elle fronça les sourcils, étonnée par ma réplique avant de retrouver son masque de colère qui ne lui sied vraiment pas.

- J'en ai parlé à des amies, en effet : Edith, Julian, Peggy et Marie. J'avais besoin de conseils, et de réconfort aussi pour savoir si je devais rester avec Nathaniel ou non après ce qu'il m'avait fait.

Bon, et bien, un mystère de résolu : j'avais trouvé l'origine de toutes ses rumeurs. Peggy était la pire commère de tout le lycée, elle connaissait tous les secrets de tout le monde et se faisait une joie de les retranscrire sur un blog du lycée où elle y déposait toutes les informations qu'elle considérait comme croustillantes. Je n'y allais jamais, sanctionnant fortement ce genre de comportement puéril. Cependant, il me faudrait peut-être mettre mes résolutions de côté pour savoir ce qu'elle pouvait bien raconter sur moi...
Je m'éloignai de Sue en en oubliant mon yaourt, la saluant à peine. Ma journée était vraiment pourrie. Et comme pour le confirmer, en voulant quitter la cafétéria, je rentrai de plein fouet dans un Castiel tout aussi perdu dans ses pensées que moi. Quand nos regards se croisèrent, il fronça ouvertement les sourcils et prit une expression fâchée, sa foutue moue de dédain, celle qu'il réservait pour les personnes qui l'agaçait au plus haut point.
Il se fiche de moi ? Oh non, s'en était trop. Je ne pus contrôler ma main qui vint percuter sa joue droite.
Bon sang, ça commençait à devenir une habitude... Je me mordis la lèvre inférieure, il allait me tuer. J'avais cependant frappé moins fort que pour Lucas, mon intention n'étant pas particulièrement de le blesser. Il me lança un regard choqué qui me fit instantanément oublier toute ma culpabilité.

- Tu sais très bien pourquoi tu te l'aies prise celle-là, affirmai-je en pointant un doigt rageur sur son torse.

Bien entendu, cette réplique toute droit sortie d'un film idiot aurait pu me faire rire si je n'étais pas aussi énervée. Et c'est après avoir fait mon petit cirque que je le contournai et rejoignis les toilettes des filles en quatrième vitesse.
Je me passai de l'eau sur le visage pour me calmer. Que m'arrivait-il ? Pourquoi étais-je aussi folle de rage ? Au fond de moi, j'avais une réponse plutôt claire. J'avais l'impression d'être prise pour le dindon de la farce, et j'en avais plus que ras le bol.
J'étais en train de reprendre mes esprits, prenant appui sur un robinet, lorsque j'entendis quelqu'un entrer dans la pièce.

- Mélodie ? m'appela Matt en refermant la porte derrière lui.
- C'est les toilettes des filles, répliquai-je froidement.
- Je t'ai vu balancer une claque dans la tronche de Greenberg, tout va bien ?
- Oui, oui.


Un blanc s'installa après mon annonce, j'avais pourtant envie de lui parler, de briser la tension qui s'était installée entre nous, mais je ne savais pas comment m'y prendre. Je me contentais simplement de détourner le regard et de jouer avec mes doigts.

- Je suis désolé, finit-il par dire. Je m'en suis pris à toi samedi soir, alors que t'y étais pour rien dans l'histoire. Mais j'étais tellement en colère... J'ai beaucoup discuté avec Amélie, et je commence à peine à digérer la nouvelle. C'est facile de revenir comme ça après t'avoir engueulé, mais tu me connais, je m'emporte souvent pour rien.

Je ne pus m'empêcher de sourire. Il trouvait toujours les mots à ma place. Je me retournai pour lui faire face, et en l'apercevant, un gros sentiment de culpabilité m'envahit. J'avais presque oublié que j'avais embrassé Castiel. Devais-je réellement me sentir coupable ? Dans un sens, je ne savais pas comment ne pas l'être, et dans l'autre, il avait lui-même assuré que nous n'avions pas à nous attendre. Devais-je lui en parler ? Non, ce n'était clairement pas le bon moment. Mais en même temps, y aurait-il un bon moment ?
Je déglutis en lui offrant un sourire qui me parut faux, mais pour une fois, il ne sembla pas s'en rendre compte. Il me prit dans ses bras et déposa un baiser sur mon front, juste avant de me tirer les joues comme une enfant. Comment ferais-je sans lui ?

***

- Allez Vernant, Delessage ! On s'active là, c'est pas une promenade de santé ! nous gueula monsieur Boris alors que nous passions à côté de lui.

Nous étions en plein cours de sport, Alexy et moi, et tentions de terminer notre tour de stade en courant. Bien entendu, nous étions les derniers. Nous étions d'ailleurs tellement lents que les premiers coureurs nous avaient presque rattrapés. Nous étions littéralement en train de cracher nos poumons.
C'était la même chose à chaque cours de sport, nous nous retrouvions ensemble, comme deux pauvres larves, à nous soutenir mutuellement pour éviter de faire une syncope. Et le professeur de sport, monsieur Boris, s'en fichait comme de l'an 40.

- Je vais pas y arriver, marmonna Alexy entre deux souffles irréguliers. C'est une torture, je vois pas l'intérêt de courir comme ça, sans but...

Il ralentissait peu à peu, je tentai alors de le tirer par le bras.

- Allez, courage ! Regarde les autres ont presque terminé, il nous reste une centaine de mètres... l'encourageai-je difficilement.
- Vernant ! Delessage ! Faites demi-tour ! nous ordonna monsieur Boris alors que les autres se regroupaient autour de lui. Si on attend la fin de votre course, on est encore là demain matin !


Alexy poussa un petit cri de soulagement avant de faire volte-face et de me suivre en direction du professeur. Tous les élèves l'entouraient et nous regardaient soit avec désespoir pour certains soit avec des sourires moqueurs pour d'autres.

- Même Ambre a été plus rapide que vous les gars, nous fit remarquer Kim en levant les yeux au ciel.
- Et ça va ! On peut pas avoir toutes les qualités non plus ! s'exaspéra Alexy en passant un bras sur mes épaules.


Je sentis soudainement un regard particulièrement perçant sur moi. Je n'eus pas besoin de regarder dans la direction de son propriétaire pour savoir qu'il s'agissait de celui de Castiel. Et je me fichais totalement qu'il soit énervé, sa baffe, il ne l'avait pas volé. Je n'avais rien fait pour mériter son comportement depuis cette fameuse soirée.

- Les meilleurs temps de la semaine sont ceux de Kentin, annonça monsieur Boris. Et pour les filles, Kim est largement en tête. Félicitations à vous deux. En revanche, pour ceux qui sont à la traine, et je vise tout particulièrement Ambre, Charlotte, Mélodie et Alexy : je vous conseille vivement de faire plus d'efforts.
- Monsieur, je trouve ça très injuste, intervint Ambre en se recoiffant. Kim a un corps qui lui permet d'être avantagé par rapport à nous, il ne faut pas s'étonner qu'elle fasse un meilleur temps !
- T'entends quoi par là au juste la blondasse ? se révolta Kim.
- Oh ! Ne commence pas, tu sais très bien ce que je veux dire ! s'agaça Ambre en levant les yeux au ciel.
- Que j'ai un corps de mec, c'est ça ? C'est marrant parce que si tu m'envies autant qu'ça, je peux toujours essayer de t'arranger ta face.
- C'est une menace ? Non mais je rêve ! s'indigna Ambre. Monsieur : elle me menace et vous ne vous faites absolument rien ?!
- On se calme, tenta d'intervenir notre professeur de sport.
- La ferme Ambre bordel, t'es toujours en train de piailler, rouspéta Castiel sans pour autant me lâcher des yeux.
- Castiel, ne te mêle pas de ça je t'en prie, la défendit Nathaniel en se pinçant le nez.
- Ne te mêle pas de ça, et gnagnagna, répéta le rouquin en prenant une voix ridicule. Hé le suisse ! Ca t'arrives de la fermer ?
- T'es vraiment immature, s'emporta le délégué en avançant de quelques pas vers le rouquin pour mieux le sermonner.
- Mon pied !!! s'écria Rosalya en sautillant. Nath ! Mes tennis blanche toutes neuves ! Elles sont toutes tâchées ! Je vais te tuer, je te jure que je vais te tuer !
- Oh mon Dieu, désolée Rosalya... Je vais les nettoyer promis... s'excusa Nathaniel qui était tout blême.
- Silence ! tenta d'intervenir à nouveau monsieur Boris. Si je n'obtiens pas le silence je vous fais refaire trois tours de stade !
- Oh non ! Pitié ! s'exclama Alexy en gémissant. Je vais mourir, sérieux !
- Ca t'as pas pourtant pas tant dérangé que ça hier de me forcer à courir pour arriver avant la fermeture de ta boutique de fringues... râla Armin.
- Non mais tu te fiches de moi là ? s'énerva Alexy. Pourquoi on y est allé dans cette fichue boutique, faut que je te le rappelle aussi ? Parce que monsieur n'avait plus rien à se mettre pour aller voir sa copine !
- Oh !! C'est vrai Armin ? s'enthousiasma Véra avec un sourire idiot. C'est trop mignon !


Véra lui sauta littéralement dans les bras avant de l'embrasser avidement, en plein cours de sport. Armin ne savait plus où se mettre, il était tout rouge mais n'osait pas non plus la repousser, de peur sûrement de la vexer.

- Non mais vous vous croyez où au juste ?! hurla le professeur qui obtint cette fois-ci la totale attention.

Et c'est pour cela que je suis rentrée avec des courbatures sur l'ensemble de mon corps, à cause des pompes supplémentaires que nous avons dû exécuter pendant une bonne demi-heure, terminant d'entamer ma mauvaise humeur. Parfois, il y a des journées comme ça, où rien ne va.

***

- Je sais pas toi, mais moi j'ai même mal quand je m'assois, se plaignit Iris à l'autre bout du fil.

J'étais allongée sur mon lit, en pyjama, à me plaindre avec ma meilleure amie de la dureté de la vie. J'entendis ma porte s'ouvrir mais je n'esquissai pas un mouvement, j'imaginai facilement que Lysandre était à la recherche de son carnet. J'en avais un peu ras le bol qu'il perde ses affaires toutes les cinq minutes.
Il y eut un raclement de gorge qui me poussa cependant à relever les yeux. Et je croisai alors le regard de Castiel, qui était entré dans ma chambre et en avait refermé la porte.

- Iris, faut que je raccroche, annonçai-je à ma meilleure amie sans quitter cet abruti des yeux afin de m'assurer qu'il ne cassait rien.
- Euh... Ok. C'est ton père ? Tu peux lui dire que t'as assuré en espagnol, ça compensera tes notes de sport à ses yeux, me conseilla-t-elle en riant.
- Je suis pas si nulle que ça, arrête deux secondes. Bon allez, à demain Iris.


Je n'attendis pas sa réponse pour reposer mon téléphone.

- J'ai attendu que Lysandre aille prendre sa douche pour venir. Je voulais juste te dire que c'était pas très sympa de ta part de me frapper tout à l'heure, me fit-il signaler en croisant les bras sur son torse.

Je crus entendre un ton ironique dans sa voix. Il était en pyjama : il portait un jogging mais pour une fois avait eu la décence de mettre un T-shirt.
Je ne répondis pas pendant plusieurs secondes, n'en ayant aucune envie. Je me contentai de poser un regard que j'espérais dédaigneux sur lui.

- Bon OK, je l'avais peut-être un peu cherché, avoua-t-il avec un sourire.
- Un peu ? m'exclamai-je. T'as été odieux ! Tu m'as parlé comme si j'étais l'unique responsable ! Et après tu as tout simplement fait comme si je n'existais pas, ou alors tu me lançais des regards horribles ! Il faut que t'arrêtes de mordre tout le temps, tout le monde ne te veut pas du mal. Ce qui s'est passé, c'était clairement pas de ma faute.
- Ecoute, j'aurais pas dû te parler comme ça, j'ai fait mon connard. Tu méritais pas ça. Et encore moins que je te pousse à faire... cet autre truc. C'est dur pour moi d'avouer ce genre de choses mais tu m'as supporté ces derniers temps, et... Je voulais juste te remercier pour... ça quoi.


J'en restais sur les fesses. Etait-il sincèrement capable de faire preuve de remords ? Whoa ! Je n'en revenais toujours pas. Et moi qui pensais pouvoir lui crier dessus encore une vingtaine de minutes. J'avais toujours cru qu'il était incapable de se remettre en cause, et encore moins d'avouer ses fautes. Je m'étais fourvoyée sur son compte.

- Désolée de t'avoir giflé tout à l'heure, c'était un peu puéril... marmonnai-je difficilement.
- C'est pas comme si tu m'avais fait mal, t'as la force d'un bébé phoque, affirma-t-il en levant les yeux au ciel.
- C'est parce que je me suis re-te-nue, assurai-je en articulant le dernier mot tout en lui filant instinctivement une tape sur le bras.


Sauf que mon bras, bien loin de le toucher lui, rencontra d'abord la petite lampe sur mon bureau qui vint tomber par terre dans un vacarme pas possible.

- Ah ouais, c'est vrai que quand tu te re-tiens pas, j'ai bien plus mal, se moqua-t-il avec son sourire en coin.
- T'es vraiment lourd quand tu t'y mets...
- Allez quoi, tu vas pas recommencer à faire la gueule. C'est quand même pas de ma faute si t'as pas de force, continua-t-il en venant me frictionner la tête avec sa main droite.


Je tentai de me libérer de son emprise et exécutai un pas de travers qui me fit perdre l'équilibre. Je tombai lamentablement sur mon lit en grognant. C'est à ce moment-là que la porte de ma chambre s'ouvrit pour laisser entrer mon père portant encore son costume, et complètement paniqué.
Il posa par terre son attaché-case et nous contempla tous les deux, avec un air plus qu'ahuri. Je prenais peu à peu conscience de la situation. J'étais sur le lit, les cheveux débraillés, avec un Castiel en pyjama très proche.

- Qu'est-ce qu'il se passe ici au juste ? grogna mon père en rougissant de colère. J'ai entendu du bruit, j'ai cru que tu étais tombée... Et toi ! Qu'est-ce que tu fais ici ?! C'est la chambre de ma fille !
- Papa, c'est un malentendu, assurai-je en me levant tout en replaçant mes cheveux correctement.
- Ah oui ? Alors le fait qu'un garçon soit en pyjama dans ta chambre, c'est un malentendu peut-être ?
- Monsieur, c'est pas du tout ce que vous croyez... commença Castiel qui était étonnement calme.
- Je te conseille vivement de ne pas intervenir ! C'est donc pour ça que tu est devenue si étrange ces derniers temps ? Tout devient clair maintenant !
- Oh mon Dieu... Philippe ! s'exclama Lysandre qui venait de rentrer à son tour dans la chambre sûrement ameuté par le bruit. Je... Je suis tellement désolé... J'aurais dû t'en parler avant de... Je...
- Me parler de quoi à la fin ?! Lysandre, mon grand, qu'est-ce qui se passe au juste ?


Lysandre avait fortement blêmi. Lui dire la vérité allait le tuer. Ca allait briser la confiance que mon père pouvait porter en Lysandre, et ce dernier allait s'en vouloir ad vitam aeternam.
Je n'en revenais pas de ce que j'allais faire.

- On est en couple, annonçai-je soudainement en tentant de paraître convaincante.

Les trois hommes de la pièce se tournèrent subitement vers moi, plus stupéfiés les uns que les autres.

- Ce n'est pas du tout ça... Je vais tout t'expliquer, tenta d'intervenir Lysandre qui venait de comprendre mon petit jeu.
- Il n'y a rien à expliquer, j'ai déjà tout dit ! insistai-je en regardant mon père. Désolée papa, j'aurais dû t'en parler avant...
- Sortez ! Tous les deux ! ordonna mon père sans même regarder les deux jeunes gens en question.
- Mais Philippe... Mélodie n'a rien fait, je...
- Lysandre... soufflai-je en me caressant les tempes à la recherche d'une solution adéquate.
- Non mais les gars, c'est à moi de parler. Arrêtez vos conneries, intervint Castiel.


Mon père nous regardait les uns après les autres, totalement perdu face à la situation. Il était rouge comme jamais et je m'inquiétais quant à mon risque de survie. Je m'approchai du rouquin pour pouvoir lui chuchoter brièvement à l'oreille sans que mon père ne puisse l'entendre. Je savais que ça risquait de l'énerver d'autant plus mais je n'avais plus vraiment le choix.

- Laisse-moi gérer ça, lui soufflai-je. C'est ton ami, et ça le tuerait de se disputer ainsi avec mon père. Sors-le de là, et laisse-moi m'occuper de mon père. Fais-le pour Lysandre, je n'ai pas envie qu'il se dispute avec lui...

Je m'écartai de lui et il me lança un regard que je ne lui avais jamais vu. Je crus y voir une forme de respect.

- Désolé Mélodie. Pour tout. J'aurais jamais dû accepter que Lysandre m'héberge, marmonna-t-il à son tour avant de s'éloigner.

Il tira un Lysandre récalcitrant par le bras, et quitta la chambre. Me laissant seul avec mon géniteur.

- Qu'est-ce qui te prends Mélodie ? C'est vrai cette histoire ?
- Oui. Je... Oui.
- Je t'interdis de le voir, plus jamais, asséna-t-il durement. Il n'est pas fréquentable, je sais très bien ce qu'il fait de sa vie ce garçon : rien du tout Mélodie. Il ne cherche qu'à se faire remarquer, voilà tout. J'ai déjà eu affaire à des types dans son genre, ils n'ont aucune ambition et ma fille mérite mieux que ça. Tu m'entends Mélodie ?


Pendant tout son petit discours, j'avais écarté les yeux. Je n'en revenais pas.

- Tu ne le connais pas papa. Arrête de dire ce genre de choses, ça ne te ressemble pas...
- Je me fiche de ne pas le connaître. Je n'en ai aucune envie.
- C'est ridicule, il n'a absolument rien fait ! Tu ne le connais pas et tu le juges ! Je n vais pas arrêter de le voir sous prétexte que tu penses qu'il est possible qu'il soit relié à un stéréotype du délinquant. Ne me dis pas que tu penses vraiment comme ça papa, s'il te plaît.
- Ne me réponds pas Mélodie. C'est fini, point final. Je ne veux plus le voir chez moi.


Il ne me laissa pas le temps de répondre et quitta la chambre en tapant des pieds. Et moi, je ne pus m'empêcher de rester plantée là, sans comprendre ce qui venait de se passer. Je m'étais presque prise au jeu du couple, et je me sentais tellement en colère contre mon père. Comment avait-il pu en arriver à juger quelqu'un de la sorte ?  

Et Dieu créa Mélodie... entre deux pauses pipiDove le storie prendono vita. Scoprilo ora