Chapitre 12 : Un moine bouddhiste en perdition

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- Tu me passes une clope Cast ? s'enquit Matt en tendant une main.

- Tu fumes même pas mec ! Arrête de me taxer bordel ! se plaignit ce dernier en soufflant sa fumée par le nez.

- Je suis un peu sur les nerfs en ce moment, lui assura Matt. Je t'en achèterai tout un paquet si ça te fait plaisir, allez file !

Castiel lui jeta un regard noir en lui tendant la dernière clope de son paquet avec grande difficulté. Matt lui avait envoyé un message tout à l'heure pour savoir où il avait décidé de passer l'heure de SVT, et nous l'avions donc rejoint dans son squat préféré : le toit. Il avait volé une des clés permettant d'accéder à la terrasse sur le toit du lycée l'année dernière. Je n'avais rien dit, et Nathaniel non plus, pour la simple et bonne raison qu'il ne causait pas de problèmes et que sans cet endroit pour fumer, il viendrait sûrement encore moins en cours, ce qui finirait inévitablement par nous retomber dessus.
Nous étions tous les trois assis sur un banc, Castiel au milieu entre Matt et moi, à observer silencieusement la vue. Elle était pourtant tout ce qui avait de plus banal, nous pouvions simplement apercevoir des immeubles, le ciel, les arbres. Mais nous étions plongés dans une observation presque méditative. Iris était adossée plus loin au petit muret qui faisait le tour du toit. Elle s'était calmée et me paraissait plutôt résignée. Moi, je ne m'étais pas vraiment calmée. Je ne comprenais toujours pas pourquoi elle avait embrassé Matt. Aussi stupide que cela puisse paraître, je n'en voulais pas à mon voisin. De ce qu'ils m'avaient tous les deux expliqués, Iris lui était tombée dessus, et il ne l'avait simplement pas repoussé. Pourquoi Iris avait-elle sauté sur lui ? Aucune explication ne pouvait rendre cet acte censé, j'attendais simplement de me retrouver plus tard avec elle pour qu'elle puisse m'expliquer. Quant à pourquoi Matt n'avait pas émis de réticences, il ne me fallait pas plus de difficultés à le comprendre : Iris était loin d'être moche et il n'était engagé avec personne.
J'en voulais tout simplement à Iris d'avoir initié ce mouvement. C'était pourtant tellement idiot, avais-je le droit d'être énervée ?

- C'est fun avec vous les gars, maugréa Castiel en s'enfonçant d'autant plus dans son siège. Quelqu'un m'explique ce qui se passe ? Vous avez tous des têtes d'enterrement.

Devant l'absence de réponse, Castiel se mit à ronchonner encore plus fort.

- Bordel vous sortez d'un plan à trois ou quoi ? Vous êtes coincés du cul comme pas possible là ! s'énerva-t-il.

Je me mis à rougir fortement, et Matt détourna subitement le regard. J'aperçus même les épaules d'Iris tressaillir quelques mètres plus loin.

- Non, attendez, vous déconnez là ? angoissa Castiel en se relevant soudainement avec des yeux comme des soucoupes.
- T'es pas bien ou quoi ? se renfrogna Matt en fronçant les sourcils.
- Oh putain ! Vous m'avez fichu une de ces trouilles, railla-t-il en reprenant sa position initiale. Il est où le problème alors ?
- J'ai... embrassé Iris, confessa finalement Matt d'un ton très neutre.
- Quoi... T'es sérieux ? Mais pourquoi t'as fait ça mec ? C'est complètement con : Iris est tellement à fond sur Lysandre que t'as l'impression qu'à chaque fois qu'elle le voit elle va nous faire une syncope !
- Castiel... Tu peux arrêter de faire comme si j'étais pas là ? se plaignit la concernée sans pour autant se retourner vers nous.
- Hé Salamèche, je crois pas t'avoir appelée je te signale, lui rétorqua Castiel.
- Arrête-toi deux secondes Cast, lui quémanda Matt en posant une main sur l'épaule de son ami. Tu sais bien que Lysandre est en couple maintenant, disons qu'Iris l'a simplement découvert et que... Et bien...
- Elle a trouvé du réconfort dans les bras du Prince charmant ? compléta Castiel avec un sourire idiot.
- Il faut avouer que c'est pas dans ceux d'Esmeralda que je serais venue trouver un peu d'empathie, ironisa Iris en se détachant finalement de sa contemplation pour lui faire face.
- Détrompe-toi, je peux être quelqu'un de vraiment très généreux, lui répliqua-t-il plein de sous-entendus.
- Eurk. Non merci. Plutôt finir chez les bonnes sœurs.
- Je me suis tapé une religieuse une fois... avoua-t-il pensivement. Elle avait la vingtaine et sérieux, c'était l'un de mes meilleurs coups.
- Non ! Tu t'es tapé Pauline mec ? Pauline l'intouchable ? s'étonna Matt en posant une main devant sa bouche. Tu viens de gagner mon respect éternel !


Ils se tapèrent tous les deux dans la main en ricanant comme deux idiots. Les mecs sont parfois incompréhensibles.

- Vous êtes répugnants c'est pas possible, râlai-je en prenant la parole pour la première fois.
- C'est l'heure ! lança soudainement Castiel sans tenir compte de ma remarque en se relevant. Matt, Lysandre il est bien allé au cours de SVT ?
- Positif, affirma Matt sans comprendre.
- Allez viens, je vais te montrer comment énerver un moine bouddhiste, lui promit-il en lui indiquant de le suivre.


Ces deux abrutis partirent s'accroupir près du muret quelques mètres plus loin en gloussant.
Iris profita de leur absence pour s'installer sur le banc à côté de moi silencieusement. Elle était tendue, elle tirait nerveusement sur sa jupe d'une main et se lissait les cheveux de l'autre. Mes émotions étaient toutes chamboulées, j'étais persuadée d'avoir toutes les raisons du monde pour ne pas lui en vouloir pendant un moment, et je semblais pourtant les oublier la minute d'après.

- Tu m'en veux, je le sais, commença-t-elle en détournant le regard. Je... Je suis désolée.
- Mais qu'est-ce qui t'as pris ? Pourquoi t'intéresser à lui soudainement ? m'enquis-je en me tournant vers elle.
- Ce n'est pas qu'il m'intéresse c'est juste que... Je ne sais pas, c'était un acte désespéré et pathétique, je m'en veux. Il a été tellement gentil avec moi, et je me sentais tellement nulle, tellement peu désireuse, je... J'ai pas vraiment contrôlé la situation. Et quand j'ai vu qu'il ne me repoussait pas, je m'en veux mais j'ai ressenti un terrible soulagement.
- Iris... Ce n'est pas parce que Lysandre n'est pas amoureux de toi qu'aucun garçon ne pourra jamais l'être... C'est absurde !
- Sur le moment, ça me paraissait pourtant bien le cas... souffla-t-elle en prenant sa tête entre ses mains.
- Et t'as pensé à lui ? Matt ne mérite pas que tu l'embrasses juste pour te sentir mieux... Je t'aime Iris, tu le sais, et c'est pour ça que je suis franche avec toi. Ce que tu as fait, ce n'était pas bien, et c'est pour ça que je suis en colère contre toi. Tu sais à quel point je l'apprécie, et je peux pas supporter que tu te serves de lui pour recoller les morceaux...


Elle jeta un coup d'œil vers notre ami, elle soupira à nouveau.

- Je le sais Mélodie, et je vais m'excuser. Mais il n'est pas idiot tu sais, il a dû comprendre plutôt rapidement pourquoi j'ai agi de la sorte... Ce qui n'en retire pas au fait que je me sente coupable. Surtout vis-à-vis de toi, qu'est-ce qu'il y a entre vous Mél à la fin ?
- Rien, assurai-je.
- Rien pour le moment ou ... plutôt pour toujours ? me questionna-t-elle doucement.
- Comment est-ce que je suis supposée le savoir ? relançai-je en me frottant les tempes.
- Dois-je en déduire que tu n'es pas amoureuse de lui ?
- Non, je ne le suis pas. Il est attirant... physiquement, c'est sûr, mais je n'ai pas de sentiments pour lui. Ce genre de truc, ça vient avec le temps. Mais j'ai trop peur de me mettre avec lui et qu'ils ne viennent pas, ces foutus sentiments. Et avec lui, ce serait du gâchis. Je pense que la tentative n'en vaut pas le coût, si je dois être honnête.
- Si vous êtes heureux comme ça, vous avez raison de ne pas bousculer les choses. Je suis fière de toi en tout cas. Et je suis encore désolée pour ce que tu as pu voir tout à l'heure...


Je lui offris un sourire pour clore cette discussion lorsqu'un bruit attira mon attention sur ma gauche. Les deux abrutis accroupis s'étaient relevés et se penchaient sur le muret pour observer le sol en hurlant de rire. Castiel tenait une bouteille d'eau vide dans la main.

- CASTIEL ! entendis-je hurler au loin.

Je reconnus la voix de Lysandre. Il ne me fallut que très peu de temps pour comprendre que Castiel lui avait vidé sa bouteille sur la tête de son meilleur pote depuis le toit. Parfois je me demandais sincèrement pourquoi il n'utilisait pas toute cette inventivité pour faire d'autre chose, comme pour les cours par exemple ?

***

- C'est quoi ce déguisement Mél ? s'exaspéra Rosalya en me regardant de haut en bas.

J'étais arrivée un peu plus tôt chez elle avec Iris pour l'aider à tout préparer avant sa grande soirée d'Halloween. Je m'étais déjà habillée, en enfilant le seul déguisement que j'avais pu trouver en l'espace de si peu de temps : celui d'un fantôme. J'avais découpé un vieux drap, fait deux grands trous et posé le tout sur ma tête. J'avais certes l'air ridicule, mais je m'en fichais étant donné que personne n'était supposé me reconnaître.

- Un fantôme, lui répondis-je en soulevant mes bras pour faire voler le tissu.
- J'avais compris abrutie ! s'emporta Rosalya en s'approchant dangereusement. Mais j'espérais que tu ferais le choix de te déguiser en quelque chose qui pourrait au moins te différencier d'un homme bon sang ! Parfois je me demande où a disparu ton sex-appeal, tu le sais ça ? Allez, laisse-moi faire.
- Hors de question ! refusai-je en reculant de quelques pas.
- Mélodie, une cinquantaine de personnes débarque dans une heure, je n'ai absolument rien commencé à préparer, mon maquillage dégouline déjà, Leigh ne vient pas parce qu'il est malade, est-ce que tu tiens vraiment à être celle sur qui je vais déverser toute cette frustration ? Je ne crois pas ! Alors je vais t'enlever cette cape ridicule, on va tout installer, et je vais te transformer en Cendrillon, capito ?


Elle s'était rapprochée de moi en brandissant un index rageur.
Elle était déguisée en vampire, du sang coulait à chaque commissure de ses lèvres et elle avait un regard fou. Mon sang se glaça dans mes veines. La dernière fois que j'avais mis Rosalya en colère, elle m'avait sortie de mon lit un samedi matin à neuf heures juste pour me forcer à l'accompagner à son cours de fitness. Une autre fois, elle avait passé sa journée à me raconter ses expériences sexuelles avec Leigh, ce qui m'avait valu plusieurs haut-le-cœur.
Face à son air menaçant, je me contentais de me laisser faire quand elle me tira de force mon drap blanc par-dessus ma tête, en m'arrachant quelques cheveux au passage. La fiancée de Frankenstein, alias Iris, m'observait d'un air amusé et ne paraissait pas décidée à venir me protéger contre ce despote. J'émis un léger grognement. Mais après tout, ça ne coûtait rien de se laisser dorloter de temps à autre non ?

***

- Rosalya, tu pourrais m'expliquer en quoi je suis censée être déguisée au juste ? la questionnai-je en levant les bras d'impuissance.
- En jolie fille, ça te changera de d'habitude, grommela-t-elle en terminant de me poser du rouge à lèvre.


Je lui filai une tape sur l'épaule en signe de mécontentement. Pourquoi étais-je amie avec elle déjà ? Ah oui : parce qu'elle m'y forçait ! La garce.

- Attends, pour une fois que tu m'autorises à m'occuper de toi, je vais pas te louper ma grande. Et pour le déguisement : arrête de t'en faire, j'ai des cornes de diablesse, un trident et une jolie queue décorative que je vais ajouter à ta tenue. Je trouve qu'une Mélodie en petit diable, c'est plutôt marrant non ? En tout cas, tu vas être parfaite !

Parfaite, parfaite. Pourquoi est-ce que j'en doutais fortement ? Je réussis néanmoins à faire un sourire à mon amie, qui ressemblait d'ailleurs plus à une grimace qu'autre chose, mais bon, c'était toujours mieux que rien.

***

C'est vrai que Rosalya avait réalisé un bon travail. J'arrivais presque, j'ai bien dit presque, à me trouver sexy dans cette tenue. C'était plaisant de me sentir bien dans ma peau au lieu d'envier les autres jolies filles comme j'en avais l'habitude.
Rosalya m'avait prêtée une robe noire plutôt simple, avec un léger dos nu qui descendait jusqu'à la moitié de ma colonne vertébrale, et m'avait fait enfiler des collants en résille qui m'avaient fait rougir rien qu'en les regardant. Equipée en plus de mes chaussures noires, avec un talon qui demeurait cependant raisonnable, mes jambes paraissaient étonnement plus longues et élancées.
Rosalya m'avait accrochée deux petites cornes dans les cheveux, ainsi qu'une queue de diablotin dans le bas du dos et m'avait solennellement confiée un trident avec un sourire complice. Pour le maquillage, elle avait déposé sur mes cils une fine couche de mascara et passé un coup de rouge à lèvre. Une fois terminé, elle avait émis un petit gloussement qui me signifiait qu'elle était fière du résultat. Il est vrai que le rouge sur mes lèvres se combinait parfaitement à ma tenue mais aussi au blond cendré de mes cheveux.
Il me fallait avouer que j'aimais beaucoup, je me promis intérieurement de lui demander plus tard la marque de son rouge à lèvre afin d'aller me le procurer dans le courant de la semaine prochaine.

- Je fais pas... vulgaire ? Hein ? questionnai-je mes deux amies en tournoyant sur moi-même devant la glace.
- Vulgaire ?! se crispa Rosalya en serrant les poings. Tu me prends pour une débutante ou quoi ?
- Mél, tu es très jolie, me rassura Iris en passant un doigt dans mes cheveux. Et puis, de toute façon, soyons honnêtes : tu serais incapable d'avoir l'air vulgaire même si tu sortais avec une mini-jupe toute riquiqui. Arrête de te faire du mouron pour rien. Allez viens, Rosalya a acheté des bonbons en forme de tête de mort ! Faut absolument que tu goûtes ça !


Je me laissai tirer par le bras hors de la chambre de Rosalya, cette dernière terminant de faire une retouche sur son propre maquillage. Nous rejoignîmes main dans la main le salon où une trentaine de personnes était déjà arrivée. Je n'en connaissais pas la moitié pour être honnête, mais ils étaient tous déguisés et certains commençaient même à s'approprier la piste de danse.
Quant à Iris et moi, notre premier réflexe, bien entendu, fut de contempler avec émerveillement le buffet : des confiseries, des chips, du punch de la couleur du sang, des sablés, des sodas en tout genre,... J'étais dans un rêve, vraiment. Iris me tendit ces fameux bonbons en forme de tête de mort, je m'en saisis avant de l'enfourner dans ma bouche sans plus de cérémonie.
Le petit détail que je n'avais pas prévu était que le bonbon aurait un goût affreux. Je fis une terrible grimace en secouant les mains dans tous les sens.
Que faire ? Avaler ? Recracher ?

- Oh si tu voyais ta tête ! se marra Iris en explosant soudainement de rire.

Je lui lançai un regard noir avant d'attraper une serviette et de recracher discrètement le bonbon dedans. Je jetai le tout dans une poubelle en rougissant. Je fis alors un petit tour circulaire de la salle avec mes yeux pour m'assurer que personne ne m'avait pas vu. C'était sans compter sur ma bande de pote de dégénérés. Alexy se foutait ouvertement de moi avec Armin, les filles gloussaient en me montrant du doigt et Castiel, Lysandre et Matt me souriaient stupidement. Je fis mine de rien quand ils approchèrent.

- Mélodie, si Philippe avait vu ça il n'aurait pas été fier de son éducation ! se moqua Armin en me tapant sur l'épaule.
- Très drôle, ironisai-je en repoussant sa main.
- Rho ! Fais pas ta ronchon ! m'ordonna-t-il en me frictionnant les joues.
- STOP ! Tu enlèves tout de suite tes mains de mon chef d'œuvre ! hurla Rosalya qui venait de nous rejoindre. Tu peux pas savoir le temps qu'il faut pour changer un crapaud en princesse.
- C'est vrai que tu es très belle ce soir, me complimenta mon demi-frère avec un léger sourire.


J'étais en train de rougir face à l'attention que l'on me portait mais c'était sans compter sur Castiel le boute-en-train pour casser l'ambiance.

- C'est vrai que tu t'en tires pas mal pour un crapaud, lâcha-t-il.

Rosalya lui balança son majeur et je me contentai de plisser les yeux.
Je profitai du silence pour observer mes amis. Castiel avait simplement une fausse cicatrice qui lui barrait la joue gauche et avait attaché ses cheveux en chignon, ce qui lui allait plutôt bien. Lysandre était déguisé en vampire, sans blague ? Matt en quaterback zombie, c'était tellement lui. Véra, Nora et Violette s'étaient accordées en Totaly Spies, et Alexy et Armin en prisonnier. Kentin avait opté pour la tenue militaire et il avait aspergé sa veste en treillis de sang. Je ne pus m'empêcher de sourire en les découvrant, ils étaient beaux.

- Quelqu'un aurait vu mon téléphone ? Je n'arrive pas à mettre la main dessus, se plaignit Lysandre en regardant autour de lui.

Tout le petit groupe leva les yeux au ciel presque à l'unisson en ignorant Lysandre et nous nous dirigeâmes vers la piste de danse, encouragé par un Alexy qui sautillait déjà dans tous les sens.

***

J'avais dansé comme une folle. J'avais réinventé la macarena avec Alexy, Iris m'avait fait sauter dans tous les sens, j'avais mis mes compétences de valseuse à rude épreuve avec Matt, et un garçon inconnu au bataillon venait même de m'inviter à danser. Ca ne m'était encore jamais arrivé et j'en étais très flattée, surtout que le garçon en question était vraiment mignon.
Armin et Véra dansaient sensuellement l'un contre l'autre depuis plus d'une heure sans se préoccuper de ceux qui les entouraient. Même si Alexy et Castiel passaient de temps à autre pour emmerder Armin, ce qui avait eu l'air de marcher vu qu'il avait fini par échanger un baiser torride avec la jolie blonde sous les applaudissements de toute la salle, même ceux qui ne les connaissaient pas. Heureusement que Castiel avait augmenté la dose d'alcool dans son verre, sinon j'aurais pu parier qu'il serait actuellement plus rouge qu'une tomate, ou qu'il serait rentré chez lui pour terminer sa partie sur Fifa.

- Comment tu t'appelles ? me chuchota à l'oreille mon partenaire de danse.

Il avait ses mains posées fermement sur mes hanches et je me sentais terriblement gênée. Je n'avais habituellement aucun mal à parler ou à avoir un quelconque contact avec les garçons de mon groupe, sûrement parce que je les connaissais depuis toujours. Mais là il s'agissait d'un inconnu, d'un garçon qui ne m'avait pas connu les cheveux en bataille à glisser sur un toboggan. Je sentais mes mains trembler et une boule au fond de la gorge qui m'empêchait de m'exprimer correctement. Je marmonnai finalement mon nom de manière à peine audible. Il fronça les sourcils et me fit signe de répéter.

- Mél-Mélodie, réussi-je difficilement à articuler.
- Ce prénom te va à ravir, me souffla-t-il. Moi c'est Lucas.


Malgré la musique je réussis plutôt bien à comprendre ce qu'il me racontait à l'oreille.
Il me prit soudainement la main et me tira hors de la piste de danse. Je jetai un coup d'œil inquiet à mes amis qui m'observaient à la dérobée. Tout mon petit groupe était là et ils avaient tous les yeux rivés sur moi. Je me sentis terriblement gênée.
Mon Dieu, je devais être tellement rouge qu'en dépit de l'obscurité, je devais faire office de signalisation lumineuse. Il n'y a pas un miroir dans le coin ?
Je n'aimais pas le contact de Lucas, sa main était rêche et moite. Je finis par me rendre compte que ce garçon avait beau être mignon, il ne me plaisait pas vraiment. Je voulais simplement profiter la soirée, je n'étais pas sûre d'avoir envie de le suivre. Je pris mon téléphone de ma main libre et écrivit brièvement un texto SOS à Iris pour qu'elle vienne me sortir de la situation idiote dans laquelle je m'étais mise toute seule.
Lucas et moi nous dirigeâmes vers le balcon et il finit par me lâcher la main pour s'adosser à la rambarde.

- Je crois... Je dois retrouver mes amis, bafouillai-je en indiquant du doigt le salon.
- Tu es en couple c'est ça ? s'enquit Lucas en fronçant les sourcils.
- Non, non, c'est juste que je suis venue avec eux, et... tentai-je vainement en réalisant que mon excuse ne tenait pas debout.
- C'est étrange, il y avait un mec qui me regardait comme s'il allait me tuer tout à l'heure, m'apprit Lucas. T'es sûre tu sors pas avec lui ?
- Euh... Oui, je suis presque sûre de ne sortir avec aucun garçon en effet ! m'agaçai-je en croisant les bras.
- Et bah bravo ! s'exclama une voix qui venait de nous rejoindre sur la terrasse. J'en reviens pas que tu t'impliques si peu dans notre relation !


Je jetai un œil vers le nouvel arrivant et masquai un sourire avec ma main.

- C'est pas comme ça que tu vas me reconquérir, continua Matt en jouant le jeu du petit ami jaloux. Désolée mec, elle a pas la lumière à tous les étages.

Matt me tira par le bras d'un coup sec, me ramenant vers le salon sous les yeux ébahis de Lucas. Je lui adressai un petit signe de la main pour le saluer en me laissant traîner par mon ami.

- J'te jure, je te laisse cinq minutes... grommela-t-il. Ces gosses... On leur donne tout notre amour et voilà comment ils nous récompensent !

Je ne pus retenir un rire idiot. Il finit par se retourner, et nous nous retrouvâmes l'un face à l'autre juste à côté du buffet. Il s'apprêtait à me dire quelque chose lorsqu'un flash attira mon attention sur ma gauche. Par réflexe, je dirigeai mon regard vers la provenance de cet éclat de lumière et repérai un téléphone posé entre deux gobelets sur la table. Sur ce dernier un message d'Amélie Denvers s'affichait. Sans vraiment le faire exprès, je me surpris à lire le petit « on se voit ce soir ?» qui se distinguait sur l'écran.
Je me saisis de l'appareil et le tendit à mon ami.

- Tiens, ton téléphone.

Il regarda longuement l'objet que je lui tendais sans comprendre. Il fronçait les sourcils. Je secouai le portable sous son nez pour qu'il réagisse et qu'il finisse par le récupérer.

- Mél, c'est pas mon portable, finit-il par dire en me l'arrachant des mains. Je vais le tuer !

Sans que j'ai le temps de lui répondre, il fit volte-face et se mit à tourner sa tête dans tous les sens à la recherche de quelque chose. Ou plutôt de quelqu'un puisqu'il arrêta son petit manège avec sa cible en vue et se dirigea droit sur elle avec une démarche effrayante.
Quand je compris que c'était vers une chevelure blanche qu'il se dirigeait, je me mis à partir à sa poursuite à grandes enjambées.

- Putain Lysandre, t'as intérêt à me donner une bonne explication si tu veux pas mon poing dans ta tronche : pourquoi ma sœur t'envoie un message pour te donner rendez-vous ce soir ?! fulmina-t-il en tendant le portable sous le nez de mon demi-frère qui était plus pâle que jamais.

Oh non. Oh non. Cette histoire sentait très mauvais. Vraiment très mauvais.  

Et Dieu créa Mélodie... entre deux pauses pipiWhere stories live. Discover now